Skydweller Aero et Thales ont renforcé les capacités du Skydweller — un drone de surveillance maritime alimenté à l’énergie solaire, capable de voler durant 90 jours d’affilée — en l’équipant d’un radar de nouvelle génération, dopé à l’IA. Doté d’une portée de 200 kilomètres, ce capteur sophistiqué est en mesure de suivre simultanément des milliers d’objets, qu’ils évoluent dans les airs ou à la surface de l’eau, conférant un avantage opérationnel notable.
Depuis plusieurs décennies, l’aviation solaire suscite un intérêt croissant, tant pour ses perspectives d’allongement de l’autonomie des appareils que pour son potentiel de décarbonation du secteur aéronautique. Les obstacles techniques, en particulier ceux liés à la continuité du vol, freinent toutefois son déploiement à grande échelle.
C’est dans ce contexte que Skydweller Aero, jeune entreprise américaine spécialisée dans le vol solaire, développe un drone de surveillance conçu pour évoluer sans interruption. La société affirme avoir atteint un premier jalon technologique, avec une autonomie de 90 jours d’affilée, une performance qui surpasse celle de tous les appareils existants.
Inspiré du Solar Impulse 2 — fruit des travaux de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse — le Skydweller a été profondément remanié pour répondre à de nouveaux impératifs. Son envergure atteint 72 mètres, soit environ 7,6 mètres de plus que celle d’un Boeing 747 (64,4 mètres pour le modèle 747-8), et ses ailes embarquent plus de 17 000 cellules photovoltaïques capables de générer jusqu’à 100 kilowatts dans des conditions d’ensoleillement optimales.
Un géant solaire à l’épreuve des airs
L’énergie captée est utilisée en journée pour maintenir l’appareil en vol, tandis que le surplus est stocké à l’intérieur de plus de 635 kilogrammes de batteries, afin d’assurer la propulsion nocturne. L’engin évolue généralement entre 7 500 et 10 500 mètres d’altitude, mais peut grimper jusqu’à 13 600 mètres durant les phases diurnes. La nuit, il redescend entre 1 500 et 3 000 mètres afin de limiter sa consommation énergétique.
La phase de transition entre ces altitudes — comprises entre 2 000 et 10 000 mètres — est connue pour être critique, les drones solaires y rencontrant fréquemment des défaillances en vol, souvent causées par des turbulences, des variations thermiques ou des contraintes aérodynamiques accrues. Pour contourner ces risques, le Skydweller est doté d’un logiciel de pilotage automatisé, conçu pour réduire la traînée aérodynamique lors des transitions d’altitude. Sa structure en fibre de carbone lui permet par ailleurs d’embarquer jusqu’à 362 kilogrammes de charge utile.
Afin de pousser plus loin les performances de l’appareil, Skydweller Aero a récemment conclu un partenariat avec le groupe français Thales. Cette alliance vise à intégrer l’IA au cœur du système de détection. « Nous nous réjouissons de cette collaboration qui démontre toute la valeur de nos capacités en intelligence artificielle dans le domaine des radars, qui représentent une véritable avancée technologique pour les missions de surveillance », a déclaré dans un communiqué Philippe Duhamel, directeur général adjoint des systèmes de mission de défense chez Thales.
Le radar intelligent, clé d’une surveillance continue
Thales prévoit d’équiper le Skydweller de son radar AirMaster S, basé sur des capacités avancées dites SMART RADAR. Cette technologie — similaire à celle employée à bord de l’Atlantique 2 (ATL2), avion de patrouille maritime de la Marine française — se distingue par sa compacité et sa polyvalence. Là où l’ATL2 demeure contraint par une autonomie limitée, le Skydweller ambitionne, lui, une surveillance quasi continue, pour un coût d’exploitation sensiblement inférieur à celui des aéronefs classiques.
Fonctionnant dans la bande X grâce à une antenne active à balayage électronique (AESA), le radar offre des performances opérationnelles remarquables : il peut suivre en temps réel des milliers de cibles en mer et dans les airs. L’intelligence artificielle embarquée trie automatiquement les signaux, permettant aux opérateurs au sol de concentrer leur attention sur les éléments jugés prioritaires.
« L’association du Smart radar AirMaster S de Thales au Skydweller va permettre de changer de paradigme pour les missions de surveillance, en proposant une solution inédite aux enjeux actuels de souveraineté », estime Sébastien Renouard, directeur du développement international et cofondateur de Skydweller Aero. « Nous nous félicitons donc de cette alliance et pensons qu’elle renforcera la sécurité de l’OTAN, de l’UE et des alliés des démocraties occidentales », ajoute-t-il.
Le radar s’adapte en outre aux objectifs de chaque mission, grâce à une fonction de réglage automatique selon les conditions de vol. Le système de commande du drone intègre par ailleurs des algorithmes d’auto-réparation, capables de détecter et de corriger en temps réel les éventuelles anomalies en vol, tout en assurant une quadruple redondance, avec quatre systèmes de secours disponibles en permanence.
Seule limite potentielle à cette architecture innovante : sa dépendance exclusive à l’énergie solaire. Celle-ci pourrait s’avérer handicapante dans les zones à faible ensoleillement, notamment les régions polaires. Malgré cela, le Skydweller a déjà réalisé plusieurs vols d’essai autonomes, dont certains en conditions météorologiques extrêmes, telles que des ouragans ou des tempêtes. D’autres campagnes d’essais sont prévues afin de valider l’endurance du système et d’en prolonger les capacités de vol.