La Fondation de France a révélé que près de 11 millions de Français ont souffert de solitude de façon chronique en 2022. Ce sentiment, difficile à décrire dans les détails, car relativement propre à chacun, constitue une lourde épreuve psychologique pour celles et ceux qui y sont confrontés, et les impacts ne seraient pas que psychologiques. En effet, diverses études se sont concentrées récemment sur ses effets sur la santé physique. Et selon l’une d’elles, menée à l’Université Harvard, la solitude chronique peut augmenter de 56 % le risque d’accident vasculaire cérébral chez les personnes âgées.
En novembre 2023, le directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que les taux élevés d’isolement social et de solitude dans le monde ont de graves conséquences sur la santé et le bien-être. Il a souligné que les personnes n’ayant pas suffisamment de liens sociaux étroits sont davantage exposées à des problèmes qui affectent tous les aspects de la santé et du bien-être. De son côté, le docteur Vivek Murthy, administrateur de la santé publique des États-Unis, affirme que les effets de la solitude sur la santé équivalent à fumer 15 cigarettes par jour. Cela signifie qu’elle est aussi néfaste que le tabagisme et représente désormais l’un des problèmes de santé les plus importants au niveau mondial.
Des travaux antérieurs réalisés par des chercheurs de l’Université de Californie ont déjà établi un lien entre la solitude et le risque élevé de développer des maladies cardiovasculaires. En revanche, peu de recherches ont examiné de près son impact sur le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) en particulier. C’est ce qui a motivé le Dr Yenee Soh, chercheur associé à la Harvard TH Chan School of Public Health et son équipe à réaliser une nouvelle étude en ce sens. D’ailleurs, il s’agit de la première du genre à se pencher sur l’association entre l’évolution de la solitude et le risque d’accident vasculaire cérébral au fil du temps.
Vers une meilleure compréhension de l’association solitude-AVC
D’après le rapport d’étude, publié dans la revue eClinicalMedecine, Soh écrit que la solitude situationnelle n’est pas liée à un risque plus élevé d’accident vasculaire cérébral. Selon lui, le risque d’AVC découle bien de la solitude chronique. « Notre étude suggère que lorsqu’elle est vécue de manière chronique, la solitude peut jouer un rôle important dans l’incidence des accidents vasculaires cérébraux, qui est déjà l’une des principales causes d’invalidité et de mortalité à long terme dans le monde », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Pour parvenir à cette conclusion, Soh et son équipe ont examiné les données de l’étude sur la santé et la retraite (HRS) de 2006 à 2018. Au cours de cette période, 12 161 personnes âgées de 50 ans et plus se sont portées volontaires pour répondre à des questions sur la solitude. Ces participants, à l’époque, n’avaient jamais eu d’accident vasculaire cérébral. Quatre ans plus tard (2010-2012), 8936 participants (toujours inclus dans l’étude) ont à nouveau répondu aux mêmes questions.
En fonction des scores qu’ils ont obtenus à ces deux moments, les chercheurs les ont ensuite répertoriés dans 4 groupes : constamment faible (ceux qui ont obtenu un score faible sur l’échelle de solitude au départ et au suivi) ; en rémission (ceux qui ont obtenu un score élevé au départ et faible au suivi) ; apparition récente (ceux qui ont obtenu un score faible au départ et élevé au suivi) ; et constamment élevé (ceux qui ont obtenu un score élevé à la fois au départ et au suivi).
Parmi les personnes qui ont participé à l’étude au départ, 1237 AVC se sont produits au cours de la période de suivi (2006-2018). Du côté de ceux qui ont effectué deux évaluations, 601 AVC se sont produits au cours de la période de suivi (2010-2018). Les chercheurs ont ensuite analysé le risque d’accident vasculaire cérébral de chaque groupe dans le contexte de leurs expériences de solitude, en contrôlant d’autres facteurs de risque liés à la santé et au comportement, incluant l’isolement social et les symptômes dépressifs, qui sont étroitement liés, mais distincts de la solitude.
Les résultats ont montré que ceux considérés comme solitaires au début de l’étude avaient un risque d’AVC 25 % plus élevé que ceux qui ne sont pas considérés comme souffrant de solitude. En revanche, parmi les participants appartenant au groupe avec un score « constamment élevé », le risque d’AVC était 56 % plus élevé que ceux du groupe constamment faible (cela même après avoir pris en compte un large éventail de facteurs de risque connus).
« Des évaluations répétées de la solitude peuvent aider à identifier ceux qui souffrent de solitude chronique et qui courent un risque plus élevé d’accident vasculaire cérébral. Si nous ne parvenons pas à répondre à leur sentiment de solitude, à une échelle micro et macro, les conséquences sur la santé pourraient être profondes », a déclaré Soh.
Les chercheurs ont également mentionné que des recherches supplémentaires doivent être réalisées afin de comprendre les potentiels mécanismes sous-jacents à la solitude. En effet, les résultats se limitent ici aux adultes d’âge moyen et avancé et ne peuvent pas être généralisés aux individus plus jeunes.