Alors que les températures planétaires augmentent de façon alarmante, un premier engagement historique a été signé par le Turkménistan, l’un des plus grands émetteurs de méthane au monde, pour améliorer ses installations et réduire les émanations incontrôlées. Il s’agit d’un grand pas en avant pour un engagement mondial visant à réduire de 30% les émissions de méthane d’ici 2030 — une solution climatique à la fois efficace et à moindres coûts.
Le Turkménistan est célèbre pour le gigantesque cratère de Darvaza, libérant constamment des milliers de tonnes de méthane depuis les années 1950. Cette émanation constante fait que le cratère reste enflammé toute l’année et lui vaut le fantaisiste surnom de « Porte de l’enfer ». En vue de ses réserves, le pays figure en tant que quatrième producteur mondial de méthane.
Bien qu’il ne compte que six millions d’habitants, il serait l’un des plus grands pollueurs de la planète. Les émissions de gaz à effet de serre proviennent non seulement du cratère de Darvaza, mais également des extractions de pétrole et de gaz dans l’ensemble du pays. Ces rejets sont en grande partie dus à la vétusté des installations locales. Entre 2019 et 2022, des données satellites ont révélé que le Turkménistan a enregistré un record mondial de 840 évènements de « super-émissions » de méthane, liés à des fuites au niveau des puits, des sites de stockage et des conduits.
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Depuis 1991, quelques tentatives ont été initiées pour éteindre le cratère et exploiter le méthane qui s’en échappe. Cependant, l’opération était si titanesque que le pays a davantage donné la priorité à l’extraction du pétrole et du gaz dont il regorge. Les bénéfices étaient tels que le gouvernement a pu alimenter gratuitement sa population en eau et en électricité, entre 1993 et 2019.
Cependant, face à l’urgence climatique et aux pressions des décideurs et écologistes mondiaux, le pays s’engage enfin à entreprendre des solutions pérennes pour réduire ses émissions de méthane. Serdar Berdymukhamedov, le dirigeant actuel, a approuvé une feuille de route comprenant des mesures permettant de potentiellement rejoindre l’Engagement mondial pour le méthane. Il s’agit d’un accord initié par les États-Unis et l’Union européenne (UE) pour réduire les émissions de méthane de 30% d’ici la fin de la décennie. Grâce à l’aide internationale, le Turkménistan pourrait maîtriser les émanations du cratère de Darvaza et rénover ses installations d’extraction pour capturer efficacement le méthane.
« L’accord potentiel entre les États-Unis et le Turkménistan et la nouvelle législation de l’UE montrent des progrès concrets dans la réduction de la pollution mondiale par le méthane, démontrant que l’Engagement mondial sur le méthane de 2021 est plus qu’une simple promesse », a déclaré Alice C. Hill, chercheuse principale au Consul américain sur les relations étrangères.
Une réduction à moindre coût
Le méthane étant l’un des plus puissants gaz à effet de serre dans l’atmosphère, sa réduction est l’un des meilleurs moyens d’atténuer « rapidement » la hausse des températures. Se plaçant juste après l’agriculture, le secteur des combustibles fossiles engendre 35% des émissions totales, dont les 23% incluent l’extraction, le traitement et la distribution du gaz et du pétrole, tandis que les 12% restants concernent le charbon.
Grâce aux avancées technologiques actuelles, il serait possible de réduire de 75% les émissions du secteur pétrolier et gazier (au niveau mondial), dont 50% sans coût net. Ces réductions seraient possibles uniquement en rénovant les installations de sorte à empêcher toute fuite — un effort consenti lors de la COP26 par plusieurs pays, dans le cadre de l’engagement mondial sur le méthane.
En effet, des milliers de tonnes de méthane sont constamment rejetés au cours des processus d’extraction du gaz naturel et du pétrole. Ces rejets sont éliminés par une procédure à forte empreinte carbone appelée « torchage », consistant à brûler le méthane à la sortie du cycle d’extraction, sans compter les fuites survenant au niveau des conduits en amont.
Au Turkménistan, environ 7% du gaz naturel serait gaspillé par les opérations de torchage. Si les accords du pays avec l’UE et les États-Unis aboutissent, les mesures envisagées pourraient permettre d’éliminer annuellement l’équivalent de près de 290 millions de tonnes d’émissions de carbone. Ce chiffre représente à peu près l’empreinte carbone annuelle des États fortement industrialisés tels que Taïwan. En ce moment, Washington mènerait des discussions dans le but de potentiellement fournir un appui financier au Turkménistan, pour détecter les fuites de méthane et remplacer les équipements vétustes sur place.
Des engagements « gagnant-gagnant »
D’un autre côté, la porosité des mines de charbon européennes engendre également des émissions de méthane non négligeables. Des procédures de capture du méthane provenant de ces mines sont actuellement en place, mais ne sont pas encore assez efficaces pour le traiter et le proposer sur le marché. Le nouvel engagement de l’UE pour rénover les installations minières pourrait réduire ses émissions de 40% d’ici 2040.
En outre, les États-Unis ont de leur côté établi un plan global visant à maîtriser les émissions de méthane de leurs plateformes pétrolières. D’ici à la fin de cette année, le gouvernement exigera des entreprises une surveillance de routine des fuites jusqu’aux plus petits puits, ainsi que des plans d’urgence pour les colmater et réduire le torchage. De hauts responsables ont d’ailleurs affirmé que les opérateurs pourraient réclamer plus de 80% des revenus de la vente du gaz capturé selon les nouvelles exigences. Ainsi, les engagements sont gagnant-gagnant.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que ces efforts nécessitent la collaboration de nombreux autres pays afin de pouvoir atténuer véritablement le changement climatique. Néanmoins, la prise de décision du Turkménistan constitue déjà un grand pas en avant, le pays étant une pièce maîtresse dans la course aux solutions climatiques pérennes.