À l’heure où le changement climatique figure en tête de liste des plus grandes menaces qui pèsent sur l’humanité, le monde entame sa transition vers les énergies renouvelables. Prise de conscience collective ou tendance du moment ? Le résultat reste le même : les énergies vertes sont synonymes d’avenir pour les générations de demain. Mais malgré les efforts de transition, gérer durablement et optimiser l’utilisation des excédents est encore un véritable casse-tête. Mais une étude récente a, peut-être, mis la main sur la meilleure façon de canaliser cet excédent : en proposant de l’utiliser en tant que « batterie d’informations ».
Les énergies vertes ne sont pas encore complètement bien gérées, et une grande partie exploitable est trop souvent gaspillée. « À la vitesse où vont les choses, dans cinq ans, la quantité d’énergie renouvelable gaspillée en Californie chaque année sera équivalente à la quantité d’énergie utilisée chaque année à Los Angeles », a déclaré dans un communiqué Barath Raghavan, professeur adjoint en informatique à l’USC Viterbi School of Engineering.
L’un des problèmes majeurs de ces types d’énergie est en effet l’intermittence. Pour les éoliennes, par exemple, il n’est pas possible de prédire la force et la vitesse des vents, ni les horaires où ces vents s’engouffrent dans les pales pour les faire tourner, et produire l’énergie souhaitée. Il arrive même que les vents soufflent trop fort et que les éoliennes doivent rejeter l’excédent. Ou bien au contraire, le vent peut aussi s’arrêter soudainement et les machines ne rien produire du tout.
Quant aux panneaux solaires, quand ils sont exposés en pleine journée, il arrive qu’ils captent tellement de photons, qui, convertis en énergie électrique, risquent de provoquer une surtension dans le réseau. Ces panneaux sont même parfois tellement réchauffés par le soleil qu’ils pourraient produire de l’énergie thermique. Mais mal canalisés ou pas du tout, ces énergies potentielles sont justes rejetées. À contrario, la nuit, il n’y a aucune énergie solaire exploitable.
De ce fait, afin de maintenir le bon équilibre entre l’offre et la demande, stocker efficacement les énergies excédentaires serait la solution. Une étude publiée par la librairie numérique Association for Computing Machinery (ACM) et menée par l’USC Viterbi School of Engineering, a proposé une solution ingénieuse pour la meilleure façon de stocker les excédents d’énergies renouvelables. Elle propose des « batteries d’informations », moins coûteuses et plus faciles d’accès que les batteries lithium-ion et l’hydroélectricité pompée.
Un stockage sous forme de calculs
Pour leur solution de stockage, les chercheurs américains proposent de transformer les énergies renouvelables produites en excès pour effectuer des spéculations de calculs, dans de grands centres de données (data centers) énergivores comme ceux de Google ou Facebook. Pour gérer leurs données, ces enseignes consommeraient en effet jusqu’à 10 à 50 fois plus d’énergie qu’un bâtiment de commerce standard. Les résultats précalculés et stockés peuvent ensuite être utilisés plus tard pendant les moments de la journée où l’énergie renouvelable se fait plus rare.
Un autre exemple : les data centers de YouTube, qui codent plus de 700 000 heures de vidéos en différentes résolutions. Un grand nombre de ces calculs sont prévisibles et peuvent être précalculés pendant les heures d’excès en énergies vertes. À ce moment-là, ces données seraient stockées sur des serveurs pour être utilisées quand il y a moins d’énergie. « Nous avons observé que si nous pouvons prédire d’éventuels calculs qui pourraient se produire à l’avenir, nous pouvons effectuer ces calculs à l’avance, tant qu’il y a de l’énergie disponible, et stocker les résultats, qui auraient en quelque sorte incorporé de l’énergie », explique Raghavan.
Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que les batteries stockent une forme d’énergie pour la réutiliser plus tard en la convertissant en un autre type d’énergie. L’énergie photovoltaïque est par exemple convertie en énergie électrique. Cette dernière pourrait aussi être transformée en énergie gravitationnelle et ainsi de suite. Ce qui veut dire que l’information fournit de l’énergie de la même manière qu’une batterie, car l’énergie électrique est transformée en ce que l’on pourrait appeler « l’énergie potentielle informationnelle », d’où l’appellation « batterie d’informations ».
De plus, le système est flexible, car en de plus de tirer parti de la prévisibilité des tâches, les calculs effectués à l’avance n’ont pas besoin de correspondre exactement aux calculs effectués plus tard. « Nous prenons en charge le précalcul de nombreux fragments de calcul, puis nous pouvons ensuite choisir de petits morceaux de calcul effectués auparavant, comme des pièces de puzzle, et les assembler pour calculer rapidement une tâche de calcul totalement nouvelle », explique Raghavan.
Une alternative à grands avantages
Pour certains types de charges de travail, les batteries d’informations seraient plus efficaces que les batteries lithium-ion, selon les chercheurs. Contrairement aux batteries lithium-ion, le stockage des données est rentable autant économiquement qu’énergétiquement, car il s’agit en gros d’un système de récupération. Cela contribuerait à réduire la dépendance aux combustibles fossiles, qui sont les industries les plus pollueuses de la planète, juste devant les industries de la mode et du textile.
Toutefois, pour que l’étude puisse un jour aboutir à des applications concrètes, il reste encore un défi à relever : il faut pouvoir déterminer à l’avance quel calcul effectuer, où et quand, et comment ces calculs doivent être établis pour récupérer efficacement les résultats plus tard.
Les chercheurs californiens proposent une solution dans un autre article publié dans ACM. Il s’agit d’une conception et d’une application du concept d’un système zéro carbone. Il serait constitué de réseaux de neurones récurrents pour prédire la disponibilité des énergies renouvelables et des tâches à effectuer dans les centres de données. Il comprend également un « cache » où les fonctions sont stockées ainsi qu’un compilateur pour modifier automatiquement le code afin de stocker et récupérer les résultats. L’infrastructure serait décentralisée et incluse dans de nombreux petits centres de données distribués. Chacun de ces derniers serait situé dans une région du pays où la production éolienne ou solaire est connue pour être élevée. La piste est intéressante.