Des chercheurs américains ont réalisé de nouvelles simulations de l’évolution des trous de ver de type Ellis-Bronnikov-Morris-Thorne. Leurs calculs ont révélé que nous pourrions théoriquement réceptionner des messages émanant d’un vaisseau spatial traversant un trou de ver, avant que ce dernier ne s’effondre complètement.
Couramment évoqués dans les films de science-fiction, les trous de ver sont des objets hypothétiques reliant deux régions distinctes de l’espace-temps — des sortes de tunnels, avec un trou noir à chaque extrémité. Leur existence a été suggérée en 1935, par Albert Einstein et Nathan Rosen. En théorie, ces objets permettraient à un vaisseau spatial de parcourir de très grandes distances en un minimum de temps (plus rapidement que la lumière). Mais ils restent pour le moment purement théoriques, car aucun trou de ver n’a été observé jusqu’à présent.
Cela n’a pas empêché les scientifiques d’élaborer plusieurs descriptions possibles de ces objets ; on distingue ainsi les trous de ver infranchissables, franchissable dans un seul sens et franchissable dans les deux sens. L’un des types de trous de ver les plus couramment étudiés — les trous de ver de Morris-Thorne — est traversable, mais considéré comme extrêmement instable et les physiciens pensent qu’un tel trou de ver s’effondrerait si de la matière (un vaisseau) y pénétrait. La vitesse du phénomène, de même que le devenir d’un hypothétique vaisseau le subissant, restent cependant incertains.
Un tunnel maintenu ouvert par de la matière fantôme
Grâce à de nouvelles simulations informatiques, des chercheurs de l’Université Holy Cross, dans le Massachusetts, montrent qu’il serait néanmoins possible qu’un signal lumineux émanant du vaisseau traversant le trou de ver revienne vers nous avant que celui-ci ne s’effondre. En d’autres termes, cela signifie que nous pourrions réceptionner des messages émanant d’un vaisseau, avant que celui-ci ne passe définitivement de l’autre côté du tunnel.
Plusieurs études théoriques sur les trous de ver traversables sont arrivées à la conclusion que ces tunnels cosmiques pourraient rester ouverts à la condition qu’ils soient soutenus par de la matière « exotique », que les physiciens appellent « matière fantôme ». Cette matière aurait une énergie négative. En théorie, cette matière réagit à la gravité de manière exactement opposée à la matière standard.
Ben Kain et ses deux étudiants, Karina Calhoun et Brendan Fay, ont simulé le voyage de cette matière fantôme à travers un trou de ver symétrique sans masse : comme attendu, ils ont constaté qu’elle provoquait l’expansion du trou de ver et non son effondrement. De la matière standard, en revanche, entraînerait l’implosion et donc la fermeture du trou de ver. Ne resterait que deux trous noirs distincts.
« Nous confirmons que, pour le trou de ver symétrique sans masse, une impulsion de champ scalaire régulier provoque l’effondrement de la gorge du trou de ver et la formation d’un horizon apparent, tandis qu’une impulsion de champ scalaire fantôme peut provoquer l’expansion de la gorge du trou de ver », écrivent-ils dans leur étude.
Néanmoins, selon leurs calculs, le processus d’effondrement se produirait suffisamment lentement pour qu’une sonde spatiale ait le temps de transmettre des signaux à la vitesse de la lumière, juste avant l’obturation totale.
Un voyage sans retour
L’équipe a également étudié l’évolution de matière voyageant à travers des trous de ver asymétriques massifs, ce qui n’avait jamais été simulé auparavant. Ces trous de ver ne sont pas statiques, mais se déplacent. Les mêmes résultats ont été observés : la matière standard provoque l’effondrement de la gorge du trou de ver, tandis que la matière fantôme d’amplitude positive peut provoquer l’expansion de la gorge.
Si l’existence des trous de ver se confirme un jour, il serait bien entendu hors de question d’y envoyer une mission habitée, car ce serait un voyage sans retour. D’autant plus que les simulations ont montré que toute la matière initiale n’avait pas traversé le trou de ver… En revanche, une sonde autonome équipée d’une caméra vidéo pourrait potentiellement relayer des informations inédites et fascinantes (du moins, si elle réussit à traverser le trou de ver en un seul morceau).
Tout ceci reste bien entendu du domaine de la théorie. Comme le souligne la physicienne Sabine Hossenfelder, du Centre de philosophie mathématique de Munich, cette idée « exige que l’on postule l’existence de choses qui, à notre connaissance, n’existent pas… Beaucoup de choses que l’on peut faire mathématiquement n’ont rien à voir avec la réalité ».
Mais l’objectif de cette étude est surtout de comprendre à quoi peuvent ressembler les trous de ver et de trouver le moyen de les simuler. Selon Kain, ces travaux pourraient révéler des moyens de créer des trous de ver qui ne nécessitent pas de matière fantôme pour rester ouverts le temps qu’il faut pour que nous puissions voyager dans tout l’Univers.