Le monde tel que nous le connaissons est régi par les lois de la physique, dont les lois sur le mouvement et la gravité : ce qui monte et qui se retrouve sans appui, doit redescendre. Mais une équipe de physiciens de l’Université de Columbia a présenté un article théorique qui renverse cette idée : les chercheurs suggèrent qu’il pourrait exister des particules de masse négative qui – sous l’effet de la gravité – montent au lieu de descendre, et elles se trouveraient tout autour de nous.
Selon l’article publié par les chercheurs, ce ne sont pas les particules subatomiques étranges qui possèdent ces propriétés, mais les particules de son que nous entendons et produisons chaque jour, les phonons, qui se « révolteraient » contre la force (plus précisément l’accélération) qu’est la gravité.
Plutôt étrange, non ? Après tout, le son n’est même pas un objet physique, alors comment est-ce que la gravité pourrait-elle avoir un impact sur le son ? Ce paradoxe est en effet au cœur de la nouvelle hypothèse. Voici la question que proposent les physiciens : et si les ondes sonores transportaient réellement de la masse, mais une masse négative ? Selon eux, cette masse négative permet l’apparition de champs gravitationnels négatifs, qui « poussent » les phonons vers le haut.
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Cela peut sembler assez extrême comme hypothèse, mais il y a trois choses à garder à l’esprit :
Premièrement et surtout, cet article est purement théorique, ce qui signifie que les chercheurs ont simplement proposé une hypothèse et effectué des calculs détaillés se basant sur notre compréhension du monde, par le biais de la physique actuelle. Ils ont réussi à montré que, en théorie, leur hypothèse tient la route.
Ils n’en sont donc pas encore au stade d’avoir identifié des preuves matérielles montrant que les ondes sonores possèdent bien une masse négative. En d’autres termes, les physiciens ont « simplement » démontré que si c’était le cas, cela n’entrerait pas en conflit avec la physique actuelle, leur théorie étant en concordance avec cette dernière.
Deuxièmement, il faut savoir que leur article n’a été publié que sur le site de pré-impression arXiv (pour examen par des pairs). D’autres scientifiques doivent donc encore procéder à une vérification indépendante de ces résultats.
Pour finir, tout en gardant ces deux informations en tête, il faut se rendre compte que cette hypothèse n’est pas si folle que ça… vraiment. Pour le comprendre, restez avec nous encore pendant quelques paragraphes.
Pour commencer, il faut savoir qu’il existe un précédent logique qui est entré dans l’hypothèse : nous savons déjà que des particules se comportant (dans certaines conditions) comme si elles possédaient une masse négative existent, et que celles-ci réagissent à une force dans la direction opposée à celle à laquelle vous vous attendez.
L’année dernière, des chercheurs ont créé pour la première fois un fluide se comportant comme s’il possédait une masse négative en laboratoire et, lorsqu’une force était appliquée, celui-ci accélérait dans la direction opposée. Du fait de ces découvertes, selon les scientifiques, les particules montrant une masse négative pourraient bien être une réalité.
Par contre, il ne faut pas oublier que les ondes sonores n’ont pas réellement de composante « particule », n’est-ce pas ? En effet, les ondes sonores se déplacent dans la matière et provoquent la vibration des molécules qui les entourent, permettant notamment le fonctionnement nos tympans, qui convertissent ces vibrations en signaux électriques étant ensuite interprétés par notre cerveau.
Mais bien que les ondes sonores ne soient pas des particules au sens propre du terme, celles-ci peuvent être décrites mathématiquement comme des particules appelées phonons.
Pourtant, on pensait auparavant que ces phonons ne pouvaient pas être affectés par la gravité (ou avoir un effet sur la gravité), car ils ne transportent pas de masse. Cependant, des recherches antérieures effectuées par le principal chercheur de l’équipe, Alberto Nicolis, publiées dans le Physical Review Letters en mai dernier, ont fourni des preuves expérimentales que cela pourrait ne pas être le cas. Du moins pas dans des conditions extrêmes.
L’expérience a été menée avec des superfluides à température zéro (un superfluide est un fluide se comportant comme s’il était dépourvu de toute viscosité). Dans ces conditions, Nicolis et son équipe ont rapporté avoir pu observer les trajectoires des phonons subir une déviation vers le haut, apparemment en opposition avec l’effet de la gravité.
« Dans un champ gravitationnel, les phonons accélèrent lentement dans la direction opposée de celle à laquelle vous pourriez vous attendre (ndlr : ils montent donc) », a déclaré l’un des membres de l’équipe, Rafael Krichevsky.
L’effet est trop faible pour être mesuré avec la technologie existante, et il existe également d’autres explications possibles quant à cette trajectoire, qui n’ont rien à voir avec la gravité.
Mais le dernier article de Nicolis s’appuie sur l’idée que les phonons généreraient un type de champ gravitationnel négatif. En effet, les chercheurs proposent que la « masse gravitationnelle effective (minuscule) du phonon génère un champ gravitationnel (minuscule). Et que la source de ce champ gravitationnel voyage avec le phonon », décrivent-ils dans leur article publié sur le site arXiv. « Ainsi, dans un sens très physique, le phonon porte une masse (négative) ».
Nous n’allons pas détailler ici tous les calculs effectués par l’équipe, car ils sont plutôt intenses (d’ailleurs, vous pouvez tous les lire dans leur publication). En résumé : les chercheurs ont pu démontrer mathématiquement que les ondes sonores classiques pouvaient transporter de la masse et ce, non seulement dans le cas des superfluides ou dans le monde quantique, mais dans des conditions bien réelles.
« Nous avons montré que, contrairement aux idées reçues, les ondes sonores véhiculent une masse gravitationnelle, dans un sens newtonien classique : elles sont affectées par la gravité, mais elles ‘’produisent’’ aussi de la gravité », conclut l’équipe.
Les physiciens décrivent également dans leur article les moyens de tester expérimentalement cette idée. C’est une hypothèse à prendre au sérieux, non seulement car que cela pourrait changer notre compréhension fondamentale des ondes sonores, mais aussi parce que cela pourrait avoir un impact sur le comportement d’autres objets dans l’Univers : par exemple dans le cas des étoiles à neutrons, qui possèdent des noyaux extrêmement denses, où les ondes sonores se déplacent à des vitesses proches de celle de la lumière.
À présent et bien évidemment, de plus amples recherches quant à ce sujet seront nécessaires. Il s’agit néanmoins d’une hypothèse intéressante à développer et étudier.