Le jeudi 20 avril marque le tout premier vol de la fusée la plus puissante du monde, Starship de SpaceX, mais aussi son explosion après seulement 4 min de vol. Si cette fin ressemble à un désastre, elle a été célébrée par le fondateur, Elon Musk, et ses employés, qui ont applaudi ce qu’ils considéraient comme un succès majeur. Une étape semble donc avoir été franchie dans l’histoire spatiale, permettant avec les données recueillies d’accélérer le développement des prochains vaisseaux et les futures missions lunaires et martiennes.
Un report puis une mise à feu réussie pour le gigantesque prototype de vaisseau spatial Starship de SpaceX, qui a fini en boule de feu dans le ciel texan jeudi matin, voilà ce qui représente le mieux un échec réussi selon Elon Musk !
Dans un communiqué, la société confirme que, bien que le véhicule « ait dégagé le pad et la plage » et ait atteint un apogée d’un peu plus de 39 km, il a ensuite « fait face à plusieurs pannes de moteurs pendant le test en vol, a perdu de l’altitude et a commencé à chuter ». SpaceX a révélé que l’explosion qui s’en est suivie était volontaire.
Un succès majeur pour SpaceX
Bien qu’elle n’ait pas réalisé son objectif le plus ambitieux de gagner suffisamment de vitesse pour atteindre l’orbite puis rentrer dans l’atmosphère, SpaceX a remporté d’autres succès. En effet, son vaisseau a volé pendant quatre minutes et en se dégageant de la rampe de lancement (en y laissant tout de même un grand cratère). Sans compter la montée à travers un point critique connu sous le nom de pression aérodynamique maximale, ou MaxQ, en atteignant la vitesse supersonique.
Daniel Dumbacher, directeur général de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics, cité dans un article du New-York Times, déclare que SpaceX est habitué à diffuser à la fois ses succès et ses échecs. C’est ce qui les différencie nettement des grands programmes gouvernementaux.
Ces derniers n’autorisent pas ce genre « d’échecs réussis » d’explosions au fur et à mesure qu’ils apprennent de leurs erreurs. Il y a beaucoup plus de tests et d’analyses sur le terrain, ralentissant le développement et augmentant les coûts.
SpaceX souligne sur Twitter : « Avec un test comme celui-ci, le succès vient de ce que nous apprenons, et le test d’aujourd’hui nous aidera à améliorer la fiabilité de Starship alors que SpaceX cherche à rendre l’humain multiplanétaire ». Elon Musk prévoit déjà le prochain lancement test dans quelques mois.
Une explosion planifiée
SpaceX a donc confirmé les soupçons selon lesquels la fusée aurait pu déclencher son système de terminaison de vol, ou FTS, à la fois sur le propulseur et sur le vaisseau. En d’autres termes, SpaceX a fait exploser son propre propulseur Starship et son vaisseau Super Heavy quatre minutes après le début du vol par mesure de précaution, car les choses ne se déroulaient pas comme prévu.
Comme le rapporte Spaceflight Insider, les travailleurs avaient installé le FTS fin février sur le Starship. Ce système se compose de deux boîtes blanches qui abritent de petits engins explosifs à l’extérieur des réservoirs du propulseur, qui, sur commande (en cas d’écart par rapport à la trajectoire de vol prévue), explosent et provoquent ainsi la désintégration du véhicule.
Cela signifie également que l’explosion n’était pas tout à fait un « démontage rapide et imprévu », comme l’a décrit l’ingénieur principal en intégration de SpaceX, John Insprucker, lors de la diffusion en direct. L’astronome et traqueur spatial de Harvard, Jonathan McDowell, qualifie le test du 20 avril plutôt comme un démontage « ordonné » rapide.
De nombreux débris et un lourd tribut à payer pour l’environnement
Le FTS est destiné à réduire et non pas à éliminer totalement le risque de débris en cas de déviation, car les engins explosifs ne vaporisent pas complètement le véhicule. C’est exactement ce qu’il s’est produit lors du lancement d’hier.
Ajoutés aux débris produits lors du décollage de la fusée depuis son pas de tir, un grand nombre de fragments, de poussières et autres éléments ont été projetés et éparpillés sur toute la zone entourant le pas de tir, détruisant au passage le parebrise d’une voiture. Comme le souligne Thomas Pesquet dans un tweet, pour éviter nombre de ses conséquences, « les fusées comme Ariane ont en général un déluge d’eau qui se déverse au moment du lancement ».
Le pas de tir avant et après… Un bon gros trou creusé dessous, et des débris ont volé dans tous les sens 🤕. Pour éviter ça, les fusées comme Ariane ont en général un déluge d’eau qui se déverse au moment du lancement. À voir ce que fait SpaceX pour les prochains lancements https://t.co/NZKSSQTlc3
— Thomas Pesquet (@Thom_astro) April 20, 2023
Néanmoins, ce n’est « que » du matériel, certains scientifiques s’inquiétant davantage de l’impact toujours plus conséquent de ces tests sur la faune locale. L’organisation environnementale texane pour la conservation de l’environnement, Audubon Texas, qualifie cette région comme « l’habitat d’oiseaux de rivage le plus vierge du Texas », citée dans un article de Futurism.
De plus, l’American Bird Conservancy avertissait l’été dernier que les efforts continus de SpaceX dans la région pour développer son vaisseau spatial continueront de nuire aux oiseaux en voie de disparition. En effet, l’installation de SpaceX se trouve à Boca Chica, au Texas, un écosystème décrit comme unique et diversifié. La réserve faunique nationale de la vallée inférieure du Rio Grande à proximité abrite un certain nombre d’oiseaux migrateurs qui parcourent des milliers de kilomètres pour y pondre leurs œufs.
La Federal Aviation Administration a conclu l’année dernière son évaluation environnementale du programme de lancement Starship de SpaceX, aboutissant à un document répertoriant plus de 75 mesures d’atténuation auxquelles SpaceX devait se conformer.
Alors qu’Elon Musk veut faire de l’Homme une espèce interplanétaire, ses tentatives de lancement répétées laissent une marque durable sur l’environnement local. Sauver l’humanité en « dégradant » la Terre, c’est une ambivalence qui caractérise le milliardaire dans de nombreux autres secteurs d’activité.