SpaceX se prépare pour le lancement d’une superbactérie résistante aux antibiotiques en orbite, prévu pour le 18 février 2017, afin qu’elle puisse vivre ses jours dans l’environnement de microgravité de la Station spatiale internationale (ISS).
Le but n’est pas d’armer l’espace avec le Staphylococcus aureus résistant à la méticilline, dit SARM (ou, en anglais : Methicillin-resistant Staphylococcus aureus, dit MRSA). Le SARM est un staphylococcus aureus, couramment appelé staphylocoque doré, caractérisé par sa résistance à la méticilline (un antibiotique). Il faut savoir que cette bactérie tue en Amérique plus de personnes que le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la maladie de Parkinson, l’emphysème et l’homicide, tous combinés. Le but d’envoyer cette superbactérie dans l’espace, est d’étudier ses taux de mutation en hyperpropulsion, afin que les scientifiques puissent anticiper son comportement, avant que ceux-ci n’apparaissent sur Terre.
Cette étude financée par la NASA, verra des fusées Falcon 9 de SpaceX remplies de plusieurs colonies de SARM, lancées dans l’espace afin d’être cultivées dans le laboratoire national des États-Unis sur l’ISS. « Nous allons tirer parti de la microgravité sur l’ISS, pour accélérer la révolution de la médecine de précision sur Terre », a déclaré Anita Goel, PDG de la société de biotechnologie Nanobiosym.
En 2015, l’entreprise Nanobiosym avait développé un dispositif connu sous le nom de Gene-RADAR, le tout premier scanner mobile au monde, permettant le diagnostic en temps réel de toute maladie. Cet appareil sera utilisé sur l’ISS pour évaluer la manière dont les mutations bactériennes de deux souches de SARM réagissent à l’environnement de microgravité. Puis, Goel et son équipe vont développer des modèles qui viseront à prédire comment le pathogène résistant aux antibiotiques va muter sur Terre dans les années à venir, donnant aux développeurs de médicaments une chance d’anticiper les mutations des superbactéries. « Notre capacité à anticiper les mutations résistantes aux médicaments avec Gene-RADAR conduira à la prochaine génération d’antibiotiques, qui seront conçus de manière bien plus précise pour arrêter la propagation des pathogènes les plus dangereux au monde », explique Goel.
Actuellement, l’équipe ne sait pas avec certitude comment les bactéries SARM répondront à leur nouvel environnement spatial dans l’orbite terrestre, mais des recherches antérieures sur les bactéries spatiales ont montré que cet environnement peut entraîner une croissance, une mutation et des tendances démographiques similaires, mais à un rythme accéléré. En effet, dans l’espace, certaines protéines liées au métabolisme deviennent plus actives, et le rayonnement spatial à faible dose peut changer l’activité de certains gènes.
En 2000, une expérience menée à bord de Mir (une station spatiale russe située en orbite terrestre basse de 1986 à 2001), a révélé qu’après 40 jours passés dans l’espace, les taux de mutations d’un gène bactérien cloné et placé dans de la levure, étaient jusqu’à trois fois plus élevés que le groupe contrôle sur Terre. Une autre étude menée en 1999, a révélé que certaines souches de E. coli présentaient des fréquences de mutation élevées après un voyage dans l’espace, mais les types et les fréquences variaient largement selon leurs conditions.
Nous ne savons toujours pas concrètement à quel point un environnement spatial peut influencer les bactéries, mais les scientifiques pensent que les effets de la microgravité sont les principaux déclencheurs de cette mutation accélérée et que l’exposition aux rayonnements (en dehors de la barrière protectrice du champ magnétique terrestre), pourrait également être en jeu. « Nous sommes globalement d’accord sur le fait que la microgravité représente l’influence majeure sur la cinétique de croissance bactérienne et le comportement des cellules bactériennes pendant les vols orbitaux courts. Le rayonnement peut augmenter les taux de mutation microbienne pendant le vol », explique la NASA.
Si l’intuition de Goel se révèle correcte et que l’espace pourra effectivement servir à multiplier le SARM, alors, grâce aux études que les scientifiques pourront mener, nous serons enfin en mesure d’avoir une longueur d’avance sur ces superbactéries résistantes aux antibiotiques et mortelles. Et c’est un élément très important. La résistance aux antibiotiques est une menace grandissante pour l’humanité et si les tendances actuelles se poursuivent, cela devrait tuer plusieurs centaines de millions de personnes à travers le monde dans les années à venir.