En 1975, dans le cadre de ses travaux sur la thermodynamique des trous noirs, le physicien Stephen Hawking montre l’existence d’un rayonnement prenant naissance aux abords des trous noirs et entraînant l’évaporation de ceux-ci. Cela le conduit, en 1976, à exposer le paradoxe de l’information : selon la relativité générale, toute information absorbée par un trou noir est perdue irrémédiablement, entrant ainsi en contradiction avec la mécanique quantique pour qui la conservation de l’information est un principe fondamental. Plusieurs hypothèses ont depuis été avancées pour résoudre ce problème. Mais la solution pourrait provenir d’une meilleure compréhension de l’horizon des événements des trous noirs, et notamment de la sphère de photons.
Au cours des dernières décennies, il y a eu de nombreuses tentatives pour résoudre le paradoxe de l’information. Certaines de ces propositions impliquent d’étendre notre connaissance de la relativité générale. Et d’autres impliquent des tentatives d’unifier la relativité générale avec la mécanique quantique. Pour l’instant, cependant, toutes les tentatives pour résoudre le paradoxe de l’information n’ont pas fait leurs preuves.
La sphère de photons des trous noirs
Il est impossible d’observer directement les trous noirs, nous ne les voyons généralement que lorsqu’ils interagissent avec leur environnement (généralement en absorbant de gros amas de gaz ou de poussière) ou lorsqu’ils fusionnent et libèrent des ondes gravitationnelles. Mais tout cela a changé en 2019, lorsqu’un réseau mondial de télescopes connu sous le nom d’Event Horizon Telescope a travaillé de concert pour fournir une seule image de M87*, un trou noir supermassif au centre de la galaxie de la Vierge.
Cette image est frappante. Le vide sombre au centre est l’ombre projetée par l’horizon des événements du trou noir, empêchant toute lumière derrière le trou noir de percer. Et ce vide est entouré d’un anneau de lumière émis par le plasma surchauffé entourant le trou noir. L’horizon des événements du trou noir lui-même est bien plus petit que son ombre ; l’ombre apparaît si grande à cause de la courbure extrême de l’espace près du trou noir.
Et quelque part entre cet horizon des événements et le bord de l’ombre se trouve une caractéristique intéressante qui résulte également de la courbure extrême de l’espace : la sphère photonique. La sphère photonique est une région proche d’un trou noir où la gravité est si forte que la lumière elle-même peut orbiter autour du trou noir. Les orbites dans cette région sont instables ; les photons peuvent faire le tour du trou noir plusieurs fois, mais ils ne resteront pas éternellement. Finalement, ils s’échapperont, donnant naissance à un mince anneau de lumière visible autour du trou noir, ou bien seront absorbés.
Paradoxe de l’information : une solution cachée dans la sphère photonique ?
En relativité générale, cette sphère de photons est si mince qu’elle existe à peine et est beaucoup trop faible pour être vue sur l’image de M87* prise avec le télescope Event Horizon. Une équipe de chercheurs a étudié les propriétés de la sphère photonique dans des théories qui tentent de résoudre le paradoxe de l’information sur les trous noirs. Ils ont découvert que dans certaines théories complexes les horizons des événements des trous noirs influencent leur environnement direct, y compris la sphère photonique.
Dans certaines de ces théories, il est possible que la sphère photonique soit beaucoup plus large, et donc beaucoup plus lumineuse, pour des observateurs distants. La géométrie différente de ces sphères de photons implique une gravité modifiée de l’horizon des événements ainsi que l’existence de nouvelles fonctions de couplage façonnant la configuration de l’espace-temps alentour.
En étudiant plus en détail ces nouvelles propriétés physiques intrinsèques à l’horizon des événements et l’effet qu’elles ont sur la sphère photonique, les physiciens peuvent espérer trouver dans cette dernière des indices sur la façon dont l’information est traitée par le trou noir.
Malgré ce changement, les différences dans les sphères de photons entre la relativité classique et les prédictions de ces modèles exotiques sont encore trop petites pour être vues avec le télescope Event Horizon.
Mais l’image incroyable obtenue par ce télescope ne sera pas la dernière photo que nous prendrons d’un trou noir. Les futures tentatives d’étude de M87* et d’autres trous noirs supermassifs fourniront des images à plus haute résolution.
Si nous pouvons résoudre l’anneau de photons, l’étude de sa largeur et de sa luminosité nous donnera des indices sur la nature de l’horizon des événements et, finalement, sur la façon de résoudre le paradoxe de l’information sur les trous noirs.