Des spores de mousse ont survécu et ont germé avec succès après avoir passé 283 jours dans l’espace, rapporte une étude. Les spores ont été fixées à l’extérieur de la Station spatiale internationale (ISS) pour être exposées aux conditions spatiales, puis ont poussé avec un taux de germination de 91 % une fois rapatriées et cultivées sur Terre. Cette expérience constitue la première démonstration empirique et in situ de la résistance d’une plante terrestre primitive aux rigueurs de l’espace.
Figurant parmi les premières plantes terrestres, les mousses sont connues pour leur capacité à coloniser les environnements les plus hostiles. On peut par exemple les trouver dans la toundra de l’Antarctique, les sommets de l’Himalaya, les sables de la Vallée de la Mort et même dans les champs volcaniques.
Cette résistance exceptionnelle a poussé les biologistes à se demander si elles pouvaient aussi survivre aux conditions de l’espace, réunissant vide spatial, températures extrêmes, microgravité, rayonnements UV et cosmiques nocifs, etc. En effet, face aux rapides changements environnementaux actuels, l’exploration de nouvelles pistes de survie au-delà de notre planète a gagné en importance. Comprendre la manière dont les organismes terrestres peuvent survivre dans des conditions extrêmes constituerait un élément important pour comprendre ce phénomène.
Dans cette vision, des chercheurs de l’Université d’Hokkaido, au Japon, ont envoyé 20 000 spores de l’espèce de mousse Physcomitrium patens sur l’ISS le 4 mars 2022, à bord du vaisseau spatial Cygnus NG-17. Après avoir passé 283 jours dans l’espace à l’extérieur de la station, les spores ont été rapatriées sur Terre avec une capsule SpaceX afin d’évaluer leur survie et leur capacité de reproduction.

Une capsule protectrice contre les conditions extrêmes
Avant d’envoyer les spores dans l’espace, l’équipe a d’abord cherché à déterminer quelles parties de la mousse sont les plus susceptibles d’y survivre. Pour ce faire, ils ont testé les capacités de trois parties différentes : les protonémas (ou les filaments formant les jeunes tiges), les cellules souches spécialisées (ou cellules de couvain) qui apparaissent dans des conditions de stress et les sporophytes (ou spores encapsulées). Ils ont testé individuellement des contraintes telles que le vide spatial, des niveaux élevés de rayonnements UV, la microgravité et les températures extrêmes.
Les résultats – détaillés dans la revue iScience – ont révélé que le rayonnement UV était le plus nocif et que les spores sont de loin la partie la plus résistante de la mousse. Aucun protonéma n’a résisté aux niveaux élevés d’UV et aux températures extrêmes. Les cellules de couvain ont eu un taux de survie plus élevé, mais les spores avaient une tolérance environ 1000 fois supérieure aux rayons UV. Les spores ont également résisté à une température de -196 °C pendant plus d’une semaine et de 55 °C pendant un mois.
D’après l’équipe, la résistance des spores proviendrait de la capsule dure qui les entoure et qui fait office de barrière protectrice naturelle contre les intempéries, même les plus extrêmes. Il s’agirait d’une adaptation évolutive qui aurait permis aux bryophytes (le groupe auquel appartiennent les mousses) de passer du mode de vie aquatique à terrestre il y a 500 millions d’années et de survivre à plusieurs extinctions massives.
Des chances de survie allant jusqu’à 15 ans dans l’espace
La résistance aux conditions réelles de l’espace est cependant une autre histoire, même pour les spores. « Nous avions anticipé que les contraintes combinées de l’espace, notamment le vide, le rayonnement cosmique, les fluctuations de température extrêmes et la microgravité, causeraient des dommages bien plus importants que n’importe quelle contrainte prise individuellement », explique dans un communiqué, Tomomichi Fujita de l’Université d’Hokkaido, le coauteur de l’étude.
Autrement dit, les chercheurs s’attendaient à ce que le taux de survie des spores envoyées dans l’espace soit quasi nul. Mais le taux de germination observé a révélé une toute autre réalité. « Nous avons été véritablement stupéfaits par l’extraordinaire résistance de ces minuscules cellules végétales », s’est extasié Fujita.

Plus de 80 % des spores ont survécu à leur séjour dans l’espace et 91 % d’entre elles ont germé une fois cultivées en laboratoire. En analysant leur taux de chlorophylle, une molécule particulièrement sensible aux variations de lumière, les niveaux ont également été majoritairement normaux. Une petite partie présentait une réduction de 20 % de leur chlorophylle, mais cela ne semblait pas affecter leur survie.
« Les spores sont en quelque sorte des capsules de vie compactes – dormantes mais prêtes à se réactiver lorsque les conditions deviennent favorables. C’est comme si l’évolution les avait dotées de leurs propres minuscules capsules de survie, conçues pour se disperser dans l’espace et le temps », a déclaré Fujita au New Scientist.
Les chercheurs ont ensuite utilisé les données collectées avant et après le séjour dans l’espace pour développer un modèle mathématique déterminant la probabilité de survie à long terme des spores. Les estimations indiquent qu’ils pourraient survivre jusqu’à 15 ans dans des conditions spatiales. L’équipe précise toutefois qu’il s’agit d’une estimation approximative et qu’un plus grand ensemble de données est nécessaire pour établir des prédictions plus réalistes.
Le véritable défi consistera en outre à savoir si les spores peuvent germer dans l’espace et non uniquement une fois sur Terre. Néanmoins, « à terme, nous espérons que ces travaux ouvriront la voie à la construction d’écosystèmes dans des environnements extraterrestres tels que la Lune et Mars. J’espère que nos recherches sur les mousses serviront de point de départ », conclut Fujita.


