Des associations de lutte contre le cancer et le NHS (Royaume-Uni) sont sur le point d’étudier les effets d’un spray buccal à base de cannabis pour le traitement des tumeurs cérébrales, dans le but d’étendre l’espérance de vie des patients atteints de cette forme de cancer très agressive dont le taux de survie à 5 ans ne dépasse pas les 6%. Il s’agira de la première étude de ce type au monde.
Dans le cadre de l’essai, des médecins vont administrer à des patients britanniques atteints d’une tumeur cérébrale récurrente, le glioblastome, un médicament à base de THC et de CBD connu sous le nom commercial Sativex, en même temps qu’un médicament de chimiothérapie (le témozolomide) dans le cadre d’un essai clinique visant à éradiquer les cellules cancéreuses.
Le glioblastome est une forme agressive et difficile à traiter de tumeur cérébrale qui persiste dans la grande majorité des cas malgré les traitements — principalement la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. En moyenne, les patients diagnostiqués ne vivent que 12 à 18 mois, tandis que celles atteintes d’un glioblastome récurrent ne survivent que 10 mois en moyenne.
Glioblastome : plus de 300 000 cas par année
Dans le monde, plus de 300 000 personnes sont diagnostiquées chaque année avec cette maladie, ce qui en fait la forme la plus courante de cancer du cerveau. Le Sativex est déjà administré aux patients atteints de sclérose en plaques dont l’état ne s’est pas amélioré malgré le traitement, afin de réduire leur spasticité. Il s’agit de l’un des trois médicaments à base de cannabis actuellement utilisés par le NHS.
« Nous pensons que le Sativex peut tuer les cellules tumorales du glioblastome et qu’il peut être particulièrement efficace lorsqu’il est administré avec la chimiothérapie au temozolomide. Il pourrait donc renforcer les effets du traitement chimiothérapeutique en stoppant la croissance de ces tumeurs, ce qui permettrait aux patients de vivre plus longtemps », a déclaré Susan Short, professeure d’oncologie clinique et de neuro-oncologie à l’université de Leeds, qui est l’investigatrice principale de l’étude. « C’est ce que nous voulons tester dans cette étude ».
L’association Brain Tumour Charity, qui finance l’essai, recrutera 232 patients au début de l’année prochaine dans au moins 15 hôpitaux, dont des centres spécialisés dans le cancer, à travers le Royaume-Uni. Deux tiers d’entre eux recevront du Sativex et du temozolomide, tandis que l’autre tiers recevra le médicament de chimiothérapie et un placebo.
Le Sativex contient des quantités égales de deux cannabinoïdes : la substance psychoactive Delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), qui procure un effet psychotrope, et le cannabidiol (CBD), qui peut aider à réduire la douleur, l’inflammation et l’anxiété sans induire d’effets psychoactifs.
« Nous espérons que cet essai pourrait ouvrir la voie à une nouvelle bouée de sauvetage tant attendue, qui pourrait permettre d’offrir aux patients atteints de glioblastome de précieux mois supplémentaires à vivre et à construire des souvenirs avec leurs proches », a déclaré le Dr David Jenkinson, directeur général par intérim de la Brain Tumour Charity. « Nous savons que notre communauté s’intéresse de près à l’activité potentielle des cannabinoïdes dans le traitement des glioblastomes, et nous sommes très heureux que cette première mondiale ici au Royaume-Uni puisse contribuer à accélérer ces réponses ».
Des résultats préliminaires prometteurs
L’essai fait suite à une étude antérieure, un essai de phase 1, qui portait uniquement sur l’innocuité de l’administration simultanée de Sativex et de témozolomide et qui portait sur 27 patients. Le nouvel essai de trois ans, nommé « Aristocrat », examinera à la fois l’innocuité de ce traitement et son impact sur les résultats des patients, notamment leur durée de survie. Il est coordonné par l’unité d’essais cliniques du Cancer Research UK à l’université de Birmingham.
« Les récents résultats de l’étude préliminaire étaient vraiment prometteurs et nous sommes maintenant impatients de savoir si l’ajout de Sativex à la chimiothérapie pourrait prolonger la vie et améliorer la qualité de vie, ce qui constituerait une avancée majeure dans notre capacité à traiter cette maladie dévastatrice », a ajouté Jenkinson.
Short a déclaré que l’étude initiale suggérait que le médicament pouvait donner à certaines personnes une année de vie supplémentaire. Plus de participants ayant reçu du Sativex étaient encore en vie un an plus tard que ceux ayant reçu un placebo. « Elle (l’étude) a montré que cette combinaison était sûre, bien que certains patients aient eu des problèmes d’effets secondaires, notamment des nausées, de la fatigue et des vertiges », ajoute Short.
« L’étude n’a pas été conçue pour vérifier si le Sativex était meilleur en matière de survie. Mais elle a suggéré que certains patients ayant reçu du Sativex s’en sortaient mieux que prévu et mieux que ceux qui n’avaient reçu qu’une chimiothérapie », a-t-elle ajouté.
L’association Brain Tumour Charity prévoit de poursuivre l’essai, mais a souligné que cela dépendait des résultats de l’appel lancé pour aider à couvrir les 450 000 £ de coûts impliqués. Elle a suspendu son programme habituel de subventions de recherche après avoir perdu 25% de ses revenus pendant la pandémie de COVID-19. « Il est vital que des essais de ce type, qui étudient le rôle que le cannabis ou les substances chimiques qu’il contient peuvent jouer dans le traitement du cancer, soient réalisés », a déclaré le professeur Pam Kearns, directeur de l’unité d’essais cliniques du Cancer Research UK.