Le cancer du sein est le plus répandu au monde. Selon l’Organisation mondiale de la santé, quelque 2 millions de femmes reçoivent chaque année ce diagnostic. La mortalité associée à ce cancer a fort heureusement diminué ces dernières années, grâce à des traitements de plus en plus efficaces. Une mastectomie est nécessaire dans 40% des cas, mais seuls 14% des patientes optent pour une reconstruction mammaire. Et pour cause : les méthodes actuelles présentent plusieurs inconvénients. Certaines entreprises de biotechnologie, dont la startup Lattice Medical, proposent aujourd’hui des alternatives plus sûres et durables.
Il existe deux types de reconstruction mammaire : les implants en silicone et la reconstruction par lambeau. Celle-ci consiste à utiliser les propres tissus de la patiente (peau, graisse et muscle), prélevés sur une autre partie du corps, pour recréer le volume du sein. Le résultat est plus naturel et plus durable qu’avec un implant, mais l’intervention est longue et complexe et doit être réalisée par des experts. C’est pourquoi les implants en silicone restent la solution la plus courante. Cependant, ceux-ci présentent plusieurs inconvénients. Pour commencer, ils doivent être remplacés tous les 10 ans environ. En outre, le silicone met du temps à s’aligner avec la température corporelle, si bien que par temps froid, ce corps étranger devient glacé.
Sans compter que la réputation des implants en silicone a été maintes fois mise à mal : en 2010, la commercialisation des prothèses Poly Implant Prothèse (PIP) a été suspendue, suite à l’augmentation du nombre de ruptures de ces implants. L’enquête a révélé que le gel de remplissage était différent de celui qui avait été déclaré officiellement. Puis, en 2019, ce sont les implants texturés Allergan qui sont retirés du marché européen ; ces derniers étaient associés à un cancer rare du système immunitaire appelé lymphome anaplasique à grandes cellules. Dans ce contexte, quelques entreprises développent des procédés de reconstruction mammaire qui n’impliquent pas de corps étranger persistant.
Une coque biorésorbable en 18 mois
Healshape, une start-up en médecine régénérative créée en janvier 2020 à Lyon, a par exemple développé un implant souple, qui se dégrade en six à neuf mois. Imprimé avec une encre biologique unique, cet implant est peu à peu colonisé par les propres cellules graisseuses de la patiente. « Nous prévoyons de démarrer les essais cliniques dans deux ans », a déclaré au Guardian Sophie Brac de la Perrière, PDG de la société.
La société israélienne CollPlant exploite une technologie similaire : elle utilise une encre biologique de collagène extraite de feuilles de tabac, qu’elle a génétiquement modifiées pour produire du collagène humain. C’est la première fois qu’une entreprise produit du collagène humain à partir d’une plateforme végétale, ce qui réduit les risques de contamination et de réaction allergique par rapport à l’utilisation de collagène animal ou humain.
Lattice Medical, basée à Lille, a opté pour une tout autre approche : une structure imprimée en 3D, complètement résorbable, baptisée MATTISSE. Cet implant se compose de deux parties, un socle et une coque, imprimés en un polymère dérivé de l’acide polylactique. Il est introduit au niveau du sein retiré, puis un lambeau de tissu graisseux vascularisé, prélevé sur la patiente, est placé à l’intérieur. En quelques mois, la coque se remplit de tissu adipeux, tandis que l’implant se dégrade peu à peu sous l’effet de réactions biologiques. « L’ensemble de l’implant est entièrement dégradable, donc après 18 mois vous n’avez plus aucun produit dans votre corps », explique Julien Payen, PDG de Lattice Medical.
La coque de la prothèse est parfaitement adaptée à la morphologie de la patiente et permet de donner la forme et le volume souhaité au sein. La partie socle sert de support aux cellules graisseuses. À terme, aucun corps étranger ne subsiste. La mise en place de l’implant, qui nécessite une seule et simple intervention, prend un peu plus d’une heure, contre trois à 12 heures pour une reconstruction par lambeau.
Un essai clinique en préparation
Lattice Medical vient de finaliser les dernières étapes précliniques du développement. Elle lance à présent une nouvelle collecte de fonds pour financer son premier essai clinique. « Notre ambition est de remplacer les implants silicones et d’aider 40 000 femmes d’ici 2030 à avoir une reconstruction mammaire plus simple et sans risques », annonce le site de l’entreprise.
Une approche similaire avait été testée en 2016 chez cinq patientes ayant subi une mastectomie, confirmant que cet implant en forme de coque (que les scientifiques appellent une « chambre d’ingénierie tissulaire ») est une technique prometteuse. Toutefois, les résultats étaient à l’époque mitigés : à six mois, le tissu adipeux ne s’était correctement régénéré que chez une patiente sur les cinq. À noter que les coques utilisées n’étaient pas biorésorbables. Lattice Medical demeure confiante, car son implant est largement amélioré par rapport à cet ancien dispositif : sa base plate et ses pores plus larges aideront le tissu à se développer.
Une incertitude demeure évidemment quant à la sensation qu’éprouveront les patientes suite à la régénération du sein. On sait qu’un implant en silicone annule toute sensation du toucher — sans doute parce que son insertion a provoqué des lésions nerveuses et/ou empêche les nerfs de repousser. La reconstruction par lambeau avec des nerfs connectés peut en revanche permettre de retrouver des sensations en quelques années. La prothèse de Lattice Medical a donc de bonnes chances de permettre aux patientes de conserver leur sensation.
À noter que si les dernières innovations en matière d’implants sont prometteuses, certaines femmes font le choix de vivre sans poitrine (et demandent à ce qu’on leur ôte le sein sain pour rétablir la symétrie, même si de nombreux médecins y sont réticents). Gilly Cant, fondatrice de l’association britannique Flat Friends, qui soutient ce choix, estime que si elles étaient mieux informées sur cette option, 30 à 50% des femmes ne se tourneraient pas vers la reconstruction.