À l’heure où le réchauffement climatique atteint un point de basculement critique, la capture du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère est devenue une « part de solution » qui attire les regards. Dans cet élan, des chercheurs de l’université de Cambridge ont développé une sorte de « batterie » qui capture du CO₂ pendant sa charge.
« Environ 35 milliards de tonnes de CO₂ sont rejetées dans l’atmosphère chaque année, et des solutions sont nécessaires de toute urgence pour éliminer ces émissions et faire face à la crise climatique », souligne un communiqué de l’université de Cambridge présentant les avancées des scientifiques, publié sur Eurakalert. Dans le document qui détaille le projet, diffusé dans la revue Nanoscale, les chercheurs précisent tenir compte que selon les estimations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC), la neutralité carbone devra être atteinte en 2050 si l’on veut limiter le réchauffement climatique à 1.5 °C au-dessus des niveaux préindustriels.
C’est la raison pour laquelle les technologies de capture du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l’atmosphère attirent tant l’attention aujourd’hui. Des méthodes existent, et sont même déjà mises en œuvre. Le CO₂ ainsi récupéré peut avoir des applications très diverses. Dernièrement, une start-up a même décidé d’en faire de la vodka ! Cependant, expliquent les universitaires, ces méthodes requièrent de grandes quantités d’énergie, et sont également coûteuses. Ils ont donc voulu travailler sur une solution qui contribuerait à dépasser ces limitations.
Leurs recherches ont abouti à ce que l’on appelle un « supercondensateur » et reposent sur une méthode existante : la Supercapacitive swing adsorption (SSA). Grâce à celle-ci, le supercondensateur, un dispositif un peu similaire à une batterie rechargeable (situé techniquement entre un condensateur et une batterie standard), absorbe le dioxyde de carbone lorsqu’il est en charge. Il le relâche ensuite, mais de manière contrôlée, ce qui permet de le récupérer et de l’utiliser.
Ce supercondensateur est composé de deux électrodes, de charge positive et négative. L’une des électrodes est exposée à un gaz contenant du CO2, tandis que l’autre est imbibée d’électrolyte. Lorsque les électrodes sont sous tension, le CO2 est aspiré, alors que les autres émissions de gaz sont ignorées (oxygène, azote, eau…). Grâce à cette méthode, le supercondensateur capte à la fois le carbone et stocke l’énergie.
La nouveauté du travail de ces chercheurs de Cambridge réside surtout dans une spécificité de la méthode. L’équipe a en effet essayé d’alterner d’une tension négative à une tension positive pour prolonger le temps de charge atteint lors d’expériences précédentes. Ce changement a amélioré la capacité de capture du CO₂. « Nous avons découvert qu’en alternant lentement le courant entre les électrodes, nous pouvons capturer le double de la quantité de CO₂ qu’auparavant », explique Alexander Forse, du département de chimie Yusuf Hamied de Cambridge, qui a dirigé la recherche.
De l’écorce de noix de coco pour fabriquer les électrodes
Cette méthode permet toutefois une capacité de stockage moindre : « Le compromis est que les supercondensateurs ne peuvent pas stocker autant d’énergie que les batteries, mais pour quelque chose comme la capture de carbone, nous donnerons la priorité à la durabilité », défend la co-auteure Grace Mapstone. Dans cette même optique, le dispositif est en partie constitué de matériaux durables, notamment des coquilles de noix de coco et de l’eau de mer. « Les matériaux utilisés pour fabriquer les supercondensateurs sont bon marché et abondants. Les électrodes sont en carbone, qui provient de déchets de coquilles de noix de coco. Nous voulons utiliser des matériaux inertes, qui ne nuisent pas à l’environnement et dont nous devons nous débarrasser moins fréquemment. Par exemple, le CO2 se dissout dans un électrolyte à base d’eau qui est essentiellement de l’eau de mer », précise la chercheuse.
Il y a encore beaucoup à faire dans le domaine de la capture de carbone, dans la mesure où même les chercheurs ne comprennent pas encore complètement les processus à l’œuvre. Israel Temprano, l’un des co-auteurs de l’étude, a d’ailleurs contribué au projet en développant une technique d’analyse des gaz pour l’appareil. La technique utilise un capteur de pression qui réagit aux changements d’adsorption de gaz dans le dispositif électrochimique. Ces résultats permettent d’affiner le mécanisme précis en jeu à l’intérieur du supercondensateur lorsque le CO2 est absorbé et libéré. « Ce domaine de recherche est très nouveau, de sorte que le mécanisme de fonctionnement précis du supercondensateur n’est toujours pas connu », affirme Israel Temprano.