Au mois de juin 2015, des astronomes ont assisté à un flash cosmique d’une brillance extrême : ils pensaient que ce dernier provenait de la supernova la plus puissante jamais enregistrée. Cette explosion lumineuse était si intense, qu’à son apogée, elle était 20 fois plus importante que la puissance lumineuse totale de la Voie lactée (soit 570 milliards de fois celle du Soleil).
À présent, de nouvelles observations suggèrent que ce phénomène cosmique, appelé ASASSN-15lh, n’était finalement pas issu d’une supernova, mais de quelque chose de bien plus rare : l’agonie d’une étoile qui s’est trop approchée d’un trou noir supermassif, et que ce dernier a totalement déchirée.
En général, lorsqu’une étoile possédant une masse assez élevée arrive en fin de vie, elle devient une supernova. Ce phénomène est causé soit par le manque de combustible, soit par l’accumulation de (trop) de matière. Il s’agit des plus grandes explosions dans l’espace, donc cette luminosité extrême émise par ASASSN-15lh, a fasciné et intrigué la communauté scientifique.
Mais parfois, les étoiles n’arrivent pas à atteindre cette fin de vie naturelle. Et selon une équipe dirigée par l’astronome Giorgos Leloudas de l’Institut Weizmann des sciences en Israël, c’est ce qui serait arrivé à ASASSN-15lh. « Nous avons observé la source pendant les 10 mois qui ont suivi l’événement et avons conclu que l’explication est peu probable de provenir d’une supernova extraordinairement lumineuse. Nos résultats indiquent que l’événement a probablement été causé par un trou noir supermassif à rotation rapide, qui aurait détruit une étoile de faible masse », explique Leloudas.
L’événement d’ASASSN-15lh a eu lieu dans une galaxie se situant à 4 milliards d’années-lumière de la Terre et l’hypothèse de l’équipe est qu’un trou noir supermassif se trouve au cœur de ce système éloigné, et que c’est ce dernier qui a attiré une étoile proche. En effet, lorsqu’une étoile se rapproche trop d’un trou noir supermassif comme celui-ci, elle subit ce que l’on appelle une « perturbation des marées » (tidal disruption event), où des forces de marée extrêmes étirent la matière en de longues et minces formes, un processus connu sous le nom hilarant de spaghettification.
Un type de trou noir différent
Mais pour réussir à détruire une étoile de la sorte, le trou noir supermassif d’ASASSN-15lh, possédant une masse d’au moins 100 millions de fois celle du Soleil, n’est sans doute pas un trou noir ordinaire. « L’événement de perturbation des marées que nous proposons ne peut pas être expliqué avec un trou noir supermassif qui ne tourne pas. Nous pensons qu’ASASSN-15lh fut un événement de perturbation de marée découlant d’un type très particulier de trou noir », explique Nicholas Stone de l’Université de Columbia, l’un des membres de l’équipe de recherche.
Il faut savoir que les trous noirs conventionnels (sans rotation) ne peuvent pas affecter et atteindre des étoiles se situant au-delà de leur horizon des événements. Mais les trous noirs « rotatifs », appelés trous noirs de Kerr, ne connaissent pas celle limitation. Si l’hypothèse des chercheurs s’avère correcte, la lumière intense d’ASASSN-15lh proviendrait donc de l’étoile, attirée et déchirée par le trou noir supermassif, produisant cet éclat de lumière extrême que les scientifiques ont initialement pris pour une supernova particulièrement brillante.
Bien que les chercheurs admettent qu’il ne s’agisse pour l’instant que d’une hypothèse, les observations qui ont été faites avec le Very Large Telescope (VLT) et le New Technology Telescope (NTT) de l’Observatoire européen austral (ESO), avec l’aide supplémentaire du télescope spatial Hubble, révèlent une présence de lumière ultraviolette et de chaleur émanant de la galaxie lointaine, rendant la probabilité qu’il s’agisse d’une supernova très faible.
Il y a également un autre élément important : l’environnement spatial relativement tranquille où l’événement ASASSN-15lh est survenu : « Nous avons toujours découvert des supernova dans des galaxies très bleues, qui sont des galaxies remplies de jeunes étoiles en formation et d’étoiles massives, comme celles qui sont susceptibles d’exploser. Là, il s’agit d’une galaxie rouge et morte (et très massive) où vous ne vous attendez pas à trouver une quelconque étoile qui puisse exploser et former une supernova. C’est une preuve importante contre (la probabilité que ce soit) la supernova », a expliqué Leloudas.
Si l’hypothèse s’avère correcte, il s’agirait là du 10ème événement de perturbation des marées que nous connaissons à ce jour, et ce serait la première fois que des scientifiques utilisent ce phénomène pour estimer le spin d’un trou noir supermassif.
« C’est comme découvrir un nouveau type de dinosaure. Maintenant que nous avons des outils adaptés et que nous savons ce que nous cherchons, nous allons trouver plus et avoir une meilleure idée de la population. C’est tellement excitant de posséder de nouvelles manières d’en apprendre plus sur les trous noirs et les morts stellaires ! », s’est exclamé l’un des chercheurs, Andy Howell, de l’Université de Californie.