L’apport en oxygène, vital pour l’organisme, peut être entravé en cas de blessure ou de maladie — telles que la COVID-19 pour donner un exemple d’actualité. La pandémie de COVID-19 a d’ailleurs considérablement marqué le besoin de technologies médicales plus efficaces pour satisfaire les besoins en oxygène, surtout chez les patients gravement malades. Les ventilateurs et les autres systèmes actuels sont notamment non seulement invasifs, mais peuvent aussi provoquer des séquelles telles que des lésions pulmonaires. Afin de tenter de pallier ce problème, des scientifiques ont développé un nouveau système expérimental où l’oxygène, enveloppé dans des nanobulles phospholipidiques, pourrait directement être administré par voie intraveineuse. Bien que la technologie soit encore loin d’être prête pour une utilisation clinique, elle pourrait potentiellement révolutionner la médecine en améliorant l’accessibilité à l’oxygène même dans les zones les plus isolées.
Pour nous maintenir en vie, notre corps a besoin d’une quantité relativement importante d’oxygène (environ « une tasse » par minute). Dans le cas de la COVID-19 par exemple, les poumons ne peuvent délivrer efficacement la bonne quantité d’oxygène dans le sang. Ce défaut d’approvisionnement peut aussi se produire dans le cas de certaines maladies graves, ou dans certaines conditions extérieures telles que l’altitude, où l’oxygène de l’air se raréfie.
En manquant d’oxygène, notre organisme souffre alors de ce que l’on appelle l’hypoxie. Au bout de quelques minutes seulement, les niveaux anormalement bas d’oxygène dans le sang commencent à endommager le cerveau et d’autres organes vitaux. Le cerveau plus particulièrement, est extrêmement sensible au manque d’oxygène, et peut ainsi rapidement subir des lésions irréversibles. Dans les cas les plus graves, l’hypoxie peut entraîner le coma d’un patient voire son décès.
Pour combler les lacunes d’approvisionnement en oxygène et fournir une assistance respiratoire, les hôpitaux sont pourvus de ventilateurs, reliés à des canules nasales. Dans les cas où les patients présentent des défaillances cardiaques et/ou pulmonaires, l’on a recours à ce que l’on appelle une oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO). Dans ce genre de procédé, le sang est prélevé du patient pour être débarrassé du dioxyde de carbone et rechargé en oxygène. Le sang oxygéné est ensuite réintroduit dans le corps du patient (à la manière d’une dialyse).
En plus d’être invasifs, ces systèmes d’assistance respiratoire comportent des risques et des inconvénients, surtout pour les utilisations prolongées. Les ventilateurs peuvent notamment provoquer des lésions aux poumons en induisant par exemple une hypoxémie réfractaire (qui survient lorsque les espaces creux des poumons se remplissent de liquide). Les ECMO présentent également des risques accrus d’infection.
Le nouveau système, développé par des chercheurs de Harvard et de l’hôpital pédiatrique de Boston (États-Unis), consiste à alimenter directement le sang en oxygène, sans avoir besoin de l’extraire du patient. Cela pourrait éviter à la fois les risques d’infection et d’hypoxémie réfractaire.
Pour le moment cependant, la nouvelle technologie, décrite dans la revue PNAS, n’a été testée que chez le rat et de ce fait n’est pas encore prête à être appliquée sur l’homme. De plus, elle est encore incapable de remplacer entièrement le travail d’un ventilateur ECMO. Mais d’après les chercheurs, elle pourrait dans un avenir proche déjà compléter les systèmes actuels, car « cela donne aux patients plus de temps et les rend plus stables pour passer à l’ECMO », suggère John Kheir, coauteur principal de l’étude, médecin à l’unité de soins intensifs cardiaques à l’hôpital pour enfants de Boston et professeur de pédiatrie à Harvard.
Préparer un patient à recevoir une assistance respiratoire peut notamment prendre 15 minutes dans les meilleurs hôpitaux et plus d’une heure dans d’autres, en comptant le temps d’attente moyen pour que les ventilateurs soient disponibles.
Comment ça marche ?
Pour pouvoir administrer l’oxygène par intraveineuse, les chercheurs ont conçu une sorte d’émulsion, où les molécules sont contenues dans des bulles de phospholipides. Le liquide « oxygéné » de départ est ensuite canalisé à travers des buses de plus en plus petites. À la sortie du système, les bulles sont suffisamment petites (inférieures à la taille d’un globule rouge) pour pouvoir pénétrer dans la circulation sanguine sans la gêner ou la bloquer.
De plus, les phospholipides enveloppant les nanobulles d’oxygène les empêchent de s’agglutiner entre elles et de devenir toxiques pour l’organisme (car les phospholipides sont des composants des membranes cellulaires). Une fois dans la circulation sanguine, les bulles se dissolvent petit à petit, libérant progressivement l’oxygène.
Il est en effet très dangereux d’injecter l’oxygène seul directement dans le sang, car cela peut engendrer des bulles d’air qui pourraient bloquer la circulation sanguine. C’est ce qui se passe par exemple lorsqu’un plongeur subit une embolie gazeuse quand il remonte trop rapidement à la surface. Ici, grâce aux nanobulles de gaz, l’oxygène est libéré lentement pour empêcher l’embolie et être directement capturé par les globules rouges.
Le système a été testé sur du sang humain issu de donneurs, où l’on a pu observer des augmentations de la saturation en oxygène de 15% à 95% en quelques minutes. Chez les rats vivants, le procédé a augmenté la saturation de 20 à 50%. La technologie permet de contrôler précisément le taux d’oxygène délivré et le volume de liquide administré, deux paramètres très importants chez les patients gravement malades.
En prochaine étape, les chercheurs comptent tester leur technologie sur de plus grands animaux, avant de passer aux tests cliniques. Le système doit notamment être mis à l’échelle pour pouvoir fournir au moins 10 fois plus d’oxygène.