Dans un avenir proche, les feux de signalisation seront peut-être capables de décider eux-mêmes si vous avez le droit de passer ou non. Des scientifiques de l’Université d’Ashton viennent en effet de développer un système basé sur une intelligence artificielle (IA) qui peut déterminer si le feu doit passer au vert ou non en fonction de la circulation observée en temps réel.
« En 2019, il a été estimé que la congestion dans les zones urbaines du Royaume-Uni faisait perdre environ 115 heures au résident britannique moyen – et 894 £ de gaspillage de carburant et de perte de revenus – chaque année », peut-on lire dans un communiqué de l’université d’Ashton qui détaille cette innovation. « L’une des principales causes de congestion est l’inadéquation des horaires des feux de circulation ».
Une équipe de chercheurs a donc décidé de prendre ce problème à bras le corps et de réfléchir à un système plus efficace pour les feux de signalisation, qui permettrait de fluidifier le trafic en tenant compte des données en temps réel. Pour cela, ils se sont basés sur l’intelligence artificielle, ou plus exactement, sur un programme pourvu d’un système d’apprentissage automatique. Un succès, affirment-ils, puisque les premiers tests ont pu démontrer que leur programme permettait de fluidifier le trafic de façon plus efficace que tous les autres systèmes automatiques déjà en place. Leurs résultats ont été publiés par l’université et présentés à la conférence Autonomous Agents and Multi-agent Systems, le 11 mai 2022.
Le principe de leur technologie est relativement simple, puisque l’IA se base sur le flux d’une caméra vidéo pour déterminer la densité du trafic et ajuster les feux de circulation en fonction de celle-ci. En fonction de ce qu’elle peut distinguer via vidéo, elle prend une décision, et surtout, est capable d’apprendre de ses erreurs pour améliorer ses résultats au fur et à mesure des tests.
Faire face aux imprévus
En guise d’entraînement, les scientifiques ont fait travailler leur programme sur une simulation nommée Traffic 3D. Celle-ci propose différentes conditions de circulation, de météorologie… Des véhicules d’urgence ont même été implémentés, pour vérifier le comportement de l’IA vis-à-vis de ces derniers. À chaque succès, le système se voyait attribuer une validation, une « récompense » en quelque sorte, un peu comme lorsque l’on souhaite dresser un animal.
L’équipe a « mis cela en place cela comme un jeu de contrôle de la circulation. Le programme obtient une ‘récompense’ lorsqu’il fait passer une voiture à un carrefour. Chaque fois qu’une voiture doit attendre où il y a un blocage, il y a une ‘récompense’ négative. Il n’y a en fait aucune contribution de notre part ; nous contrôlons simplement le système de récompense », explique Maria Chli, maître de conférence en informatique à l’Université d’Ashton.
Si l’apprentissage automatique a été privilégié, c’est parce qu’il permet au système de s’adapter à des situations même si elles n’ont pas été spécifiquement expérimentées ou programmées au préalable. À titre d’exemple, l’équipe a placé un obstacle physique pour créer un engorgement inhabituel, et le programme a tout de même été capable de s’adapter. « Tant qu’il existe un lien de causalité, l’ordinateur finira par déterminer quel est ce lien. C’est un système extrêmement puissant », explique George Vogiatzis, maître de conférences en informatique à l’Université d’Aston.
Lorsque l’IA a été testée sur une véritable route, elle est parvenue à s’adapter. Les chercheurs estiment donc qu’elle pourrait être utilisée dans de nombreuses situations de la vie réelle. Il existe déjà des systèmes d’automatisation des feux de circulation. Cependant, selon les scientifiques de cette étude, ils reposent généralement sur un système de détection qui s’enclenche lorsqu’une voiture passe sur une boucle d’induction magnétique. Cela permet donc aux feux de s’adapter au trafic, mais pas d’anticiper véritablement comme peut le faire une IA en se basant directement sur des données visuelles.
Les chercheurs espèrent pouvoir commencer à tester leur système en conditions réelles dès cette année. Ils affirment qu’il pourrait être installé à n’importe quel carrefour pour commencer à apprendre « par lui-même ». En outre, le déploiement ne serait pas nécessairement onéreux, puisque des caméras de surveillance de la circulation sont déjà en place dans de nombreuses villes, comme à Londres, qui en donne même l’accès au public sur un site dédié.