La taille n’est généralement pas considérée comme un facteur de risque de maladies, même si elle a par le passé déjà été liée à des pathologies cardiovasculaires voire à certains cancers, et de nombreux problèmes osseux. Néanmoins, ces associations épidémiologiques avec la taille sont susceptibles d’être biaisées, car cette dernière est en partie influencée par des facteurs environnementaux, outre la génétique. Récemment, des chercheurs américains ont démontré, à travers la plus grande étude jamais réalisée jusqu’à présent sur la taille et les maladies potentiellement liées, que les personnes de grande taille présentent un risque accru de neuropathie périphérique, ainsi que d’infections cutanées et osseuses. De manière étonnante, ils réfutent le lien pour d’autres pathologies comme les maladies cardiaques. Ces résultats pourraient modifier les stratégies de prévention de santé publique, au niveau mondial.
Les scientifiques savent depuis un certain temps que les individus de grande taille courent un plus grand risque de développer certains cancers, des affections telles que la rupture de l’aorte et les embolies pulmonaires. Mais ce qui interroge les chercheurs, c’est de savoir si cette corrélation a une base biologique ou est due à d’autres facteurs.
Effectivement, la taille d’une personne à l’âge adulte est en partie due aux gènes hérités de ses parents. Mais des facteurs environnementaux tels que la nutrition, le statut socio-économique et les facteurs intrinsèques à l’individu (dont le sexe) jouent également un rôle dans la détermination de la taille éventuelle. C’est pourquoi il est particulièrement délicat de déterminer un lien entre la taille et le risque de maladie. Est-ce le fait d’être grand ou petit qui augmente le risque de certaines pathologies, ou est-ce la responsabilité des facteurs affectant la taille ?
Dans ce contexte, une équipe de scientifiques menée par Sridharan Raghavan du Rocky Mountain Regional VA Medical Center, aux États-Unis, a entrepris de supprimer ces facteurs de confusion en examinant, séparément, les liens entre diverses maladies, la taille réelle d’une personne, ainsi que la taille prédite par la génétique. Les résultats sont publiés dans la revue PLOS Genetics.
La plus grande étude du monde sur la taille et la maladie
Pour éprouver les hypothèses de lien causal entre la taille et les maladies, les chercheurs ont utilisé des données génétiques et médicales de plus de 280 000 vétérans inscrits au programme VA Million Veteran, comprenant 222 300 « adultes blancs non hispaniques » et plus de 58 151 « adultes noirs non hispaniques ». Ils ont examiné 3290 variantes génétiques, associées à la taille, à partir d’une récente analyse du génome, ainsi que d’autres caractéristiques personnelles. Sachant que les études antérieures n’ont pas étudié plus de 50 traits, avec des bases de données génétiques beaucoup plus restreintes, la présente étude est considérée comme la plus grande étude sur la taille et la maladie à ce jour. Parmi les traits analysés, on peut citer, entre autres, la taille mesurée, l’IMC, mais aussi des variations génétiques connues pour influencer la taille d’une personne, avec plus d’un millier de caractéristiques associées à la maladie.
Ils ont constaté 345 traits cliniques associés à la taille mesurée chez les patients blancs et 17 autres chez les adultes noirs. Les niveaux de risque pour 127 de ces traits pouvaient être liés à la taille génétiquement prédite chez les patients blancs, selon les auteurs. Les patients noirs étant moins bien représentés dans les études génétiques, moins de données sont disponibles sur cette population. Mais dans cette analyse, les chercheurs affirment que les traits cliniques associés à la taille étaient généralement cohérents chez les patients noirs et blancs. Il faut préciser que ces associations étaient largement indépendantes de l’indice de masse corporelle.
Des conclusions consolidant les études antérieures
Selon l’équipe de recherche, les résultats confirment les découvertes précédentes liant une plus grande taille à un risque accru de fibrillation auriculaire — un rythme cardiaque irrégulier et souvent rapide pouvant entraîner des caillots sanguins dans le cœur — et de varices, ainsi que divers troubles circulatoires et veineux. Ils ont également mis en évidence un risque de neuropathies périphériques plus élevé, causées par des dommages aux nerfs situés à l’extérieur du cerveau et de la moelle épinière, en particulier dans les membres. D’ailleurs, des études antérieures ont établi un lien entre la taille et une conduction nerveuse plus lente, et divers problèmes nerveux. Au contraire, une grande taille réduit le risque de maladie coronarienne, d’hypertension et d’hypercholestérolémie.
De plus, ces nouveaux travaux ont démontré de nouvelles associations entre le fait d’être grand et le risque plus élevé d’infections cutanées (abcès cutanés, ulcères des jambes et des pieds) et osseuses (tel que l’ostéomyélite), mais également des déformations acquises des orteils et des pieds du fait d’un poids plus important de la personne.
Sridharan Raghavan, auteure principale, déclare dans un communiqué : « En utilisant des méthodes génétiques appliquées au programme VA Million Veteran, nous avons trouvé des preuves que la taille adulte peut avoir un impact sur plus de 100 traits cliniques, y compris plusieurs maladies associées à de mauvais résultats et à une mauvaise qualité de vie – neuropathies périphériques, ulcères des membres inférieurs et insuffisance veineuse chronique. Nous concluons que la taille peut être un facteur de risque non modifiable non reconnu pour plusieurs maladies cliniques courantes chez les adultes ».
Cependant, les auteurs concluent que davantage d’études sont nécessaires pour clarifier certaines de ces associations, car la manière dont les maladies peuvent résulter des gènes liés à la grande taille n’est toujours pas comprise. De plus, les études futures gagneraient à inclure une population internationale plus large et plus diversifiée. Enfin, les auteurs soulignent l’importance à donner à la taille en tant que facteur de risque dans la prise en charge des maladies chroniques courantes, notamment le diabète sucré et les infections cutanées et osseuses.