La testostérone, connue comme étant l’hormone sexuelle mâle, joue des rôles bien plus complexes que l’on ne pourrait croire. De nombreuses études ont notamment montré que ce biomarqueur pourrait, de nombreuses manières, influencer les comportements sociaux. Cependant, notre compréhension de la façon dont les processus biologiques sont liés aux comportements socioéconomiques est encore assez limitée. Dans cette optique de recherche, une récente étude codirigée par l’Institut Max Planck (en Allemagne) s’est penchée sur le marché du travail, et suggère que les hommes ayant des niveaux de testostérone plus élevés ont plus de chances de trouver un emploi, ou courent moins de risques de perdre leur poste actuel.
Les analyses de biomarqueurs sont utilisées dans de nombreuses recherches comportementales. Dans le cas de la testostérone, des recherches antérieures ont montré qu’elle serait liée à certains traits de personnalité tels que l’agressivité ou l’altruisme. Dans certains cas, elle pourrait aussi favoriser les attitudes à maintenir ou à élever son statut social.
Elle pourrait dans ce sens jouer un rôle dans le marché du travail. Cet aspect serait probablement dû au fait que l’hormone est liée aux traits de personnalité d’appréciation ou d’aversion du risque, ou également d’un certain désir de domination sur les autres ou sur une situation donnée. « Ces traits de personnalité et ces comportements sont liés au succès d’un individu sur le marché du travail », explique Peter Eibich, auteur principal de la nouvelle étude et chercheur à l’Institut Max Planck.
D’autres études se sont déjà concentrées sur le lien entre la testostérone et le fait d’être un travailleur indépendant ou régulier, mais elles n’auraient pris en compte que le statut sur le marché du travail à un moment donné, selon les auteurs de la nouvelle étude, publiée dans la revue Science Direct. Cette dernière est ainsi l’une des premières à mettre en corrélation les influences de l’hormone et les transitions sur le marché du travail, notamment les changements par rapport au chômage.
Les résultats suggèrent que les hommes britanniques (sur lesquels l’étude s’est portée) possédant un taux relativement élevé de testostérone, seraient moins susceptibles de se retrouver au chômage et retrouvent plus rapidement un nouvel emploi. De plus, les traits de personnalité et comportements liés au biomarqueur (mis en évidence dans des études antérieures) montrent une certaine pertinence avec le marché du travail.
« Nos découvertes sur la testostérone sont particulièrement intéressantes, car elles montrent comment les processus biologiques, au-delà de la mauvaise santé et du handicap, affectent le comportement sur le marché du travail », explique Eibich dans un communiqué.
Une différence de compétences cognitives et non cognitives
Dans le cadre de la nouvelle étude, l’équipe de recherche a analysé les transitions de travail de 2004 hommes britanniques, possédant initialement un emploi et 111 autres initialement sans emploi. Âgés de 25 à 60 ans, ces deux groupes ont participé à une étude à grande échelle sur les ménages britanniques, entre 2011 et 2013. Des informations biomédicales ainsi que des détails sur leurs situations sociales ont ensuite été recueillis.
Les chercheurs ont alors découvert que les sans-emploi possédant un taux de testostérone moyen et élevé étaient beaucoup plus susceptibles d’avoir trouvé un emploi peu de temps après les premières analyses, que ceux ayant de plus faibles taux de testostérone. Ceux avec un emploi et ayant des taux élevés de l’hormone sont également moins susceptibles de perdre leur emploi. Les résultats sont similaires, même après avoir contrôlé les variations génétiques (qui peuvent conférer un taux de testostérone constant et spécifique tout au long de la vie de chaque individu mâle).
Cette différence serait probablement due aux traits de personnalité et comportementaux liés à l’hormone. Les hommes ayant plus de testostérone seraient plus confiants et auraient ainsi plus de chances de garder leur emploi ou d’en trouver. Il s’agirait notamment aussi d’une différence de compétences cognitives et non cognitives. Les hommes ayant des niveaux de testostérone plus élevés possèderaient, selon les chercheurs, des aptitudes numériques plus importantes et peuvent utiliser plus aisément internet pour chercher du travail par exemple. Ces derniers seraient également plus aptes à faire face à leurs problèmes.
Des données limitées
Les auteurs de l’étude tiennent toutefois à souligner que les taux de testostérone n’ont été mesurés qu’une seule fois. Des recherches supplémentaires ainsi que davantage de mesures échelonnées dans le temps devraient idéalement être effectuées avant de pouvoir confirmer ces corrélations avec la transition dans le travail (en tenant compte des fluctuations des taux de l’hormone).
« Bien que ces associations soient des preuves suggestives d’un mécanisme reliant les niveaux de testostérone aux transitions sur le marché du travail, nous ne pouvons pas démontrer de manière définitive qu’elles sont à l’origine des effets sur le chômage que nous voyons dans nos données », souligne Eibich.
De plus, l’analyse n’a pas pu être effectuée chez les femmes, car les niveaux de testostérone sont inférieurs au seuil détectable.