Des chercheurs ont développé un procédé permettant de recycler le polypropylène et le polyéthylène en les vaporisant pour les transformer en gaz hydrocarbonés réutilisables pour la fabrication de nouveaux plastiques. Contrairement aux précédentes méthodes, cette dernière s’appuie sur deux catalyseurs à haut rendement et beaucoup moins coûteux, ouvrant ainsi la voie à une économie circulaire des plastiques les plus abondants dans les décharges.
Le polyéthylène et le polypropylène (des polyoléfines) constituent environ deux tiers des déchets plastiques post-consommation dans le monde. Le premier compose par exemple la plupart des sacs plastiques à usage unique, tandis que le second est utilisé pour les matériaux rigides tels que les barquettes allant au micro-ondes, les valises, les pare-chocs de voitures, etc. Près de 80 % de ces matériaux finissent soit dans les décharges, soit incinérés, soit tout simplement dans la nature pour finir jusque dans les rivières et les océans.
Afin de les recycler, de nombreux plastiques jetables sont reconvertis en monomères afin d’obtenir de nouveaux polymères, un processus plus rapide par rapport aux réactions nécessaires à la fabrication de nouveaux plastiques. Les plastiques transparents comme le polyéthylène tétraphtalate (PET), utilisé par exemple pour les bouteilles d’eau, ont été développés dans les années 1980 pour être recyclés de cette manière.
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Cependant, le volume produit de ces plastiques est minime comparé à celui des polyoléfines. Or, seule une petite portion de ces derniers est recyclée. En effet, ils sont particulièrement difficiles à recycler en raison de leurs chaînes comportant de très solides liaisons carbone simples. D’autre part, des techniques ont déjà été proposées pour les recycler, mais n’étaient pas suffisamment rentables pour intéresser les industriels.
« On peut soutenir que nous devrions éliminer tout le polyéthylène et le polypropylène et utiliser uniquement de nouveaux matériaux circulaires. Mais le monde ne le fera pas avant des décennies et des décennies. Les polyoléfines sont bon marché et ils ont de bonnes propriétés, donc tout le monde les utilise », explique dans un article de blog de l’Université de Californie à Berkeley (UC Berkeley) John Hartwig, qui a dirigé la nouvelle étude.
Hartwig et son équipe proposent un nouveau procédé qui serait à la fois moins coûteux et qui fonctionne aussi bien avec le polyéthylène que le polypropylène. Utilisé à grande échelle, il pourrait ouvrir la voie à une économie circulaire pour de nombreux plastiques jetables. « Ce que nous pouvons maintenant faire, en principe, c’est prendre ces objets et les ramener à l’état de monomère de départ par des réactions chimiques que nous avons conçues qui brisent les liaisons carbone-carbone très stables », explique l’expert. « Ce faisant, nous sommes plus près que quiconque de donner au polyéthylène et au polypropylène le même type de circularité que celui que l’on retrouve pour les polyesters des bouteilles d’eau », suggère-t-il.
Une réaction continue jusqu’à dégradation complète des polymères
Il y a environ deux ans, l’équipe de l’UC Berkeley a développé un procédé permettant de décomposer les sacs plastiques en polyéthylène en monomères de propylènes (ou propènes), pouvant être réutilisés pour fabriquer de nouveaux matériaux en polypropylène. Le procédé utilisait trois catalyseurs différents à base de métaux lourds. Le premier ajoute une double liaison carbone-carbone au polyéthylène initial (le rendant ainsi plus fragile), tandis que les deux autres brisent la chaîne de polymère au niveau de cette double liaison. Cependant, les catalyseurs étaient non seulement coûteux, mais avaient également une courte durée de vie, rendant ainsi difficile leur récupération sous forme active.
Le nouveau procédé, détaillé dans la revue Science, remplace ces catalyseurs par deux autres moins chers : le sodium sur alumine et l’oxyde de tungstène sur silice. Couramment utilisés dans l’industrie chimique, ils induisent des réactions en flux continu, permettant ainsi de les réutiliser sur de longues périodes de traitement et de grands volumes de matériaux.
Au cours de leurs expériences, Hartwig et ses collègues ont constaté que le sodium sur alumine brisait efficacement divers types de chaînes de polymères polyoléfines en polymères plus courts, tout en laissant l’un des deux morceaux avec une double liaison carbone-carbone réactive à l’extrémité. Ces morceaux ont ensuite subi un second processus appelé « méthanèse des oléfines ». Au cours de ce processus, ils sont exposés à un flux continu d’éthylène gazeux tout en étant introduits dans de l’oxyde de tungstène sur silice, ce qui entraîne la rupture des liaisons carbone-carbone. Ce processus laisse derrière lui une double liaison permettant au catalyseur d’agir jusqu’à ce que toute la chaîne soit convertie en propylène.
Plus précisément, « l’éthylène est essentiel à cette réaction, car c’est un co-réactif », explique Richard J. Conk de l’UC Berkeley, auteur principal de l’étude, à Ars Technica. « Les liens brisés réagissent ensuite avec l’éthylène, ce qui supprime les liens de la chaîne. Sans éthylène, la réaction ne peut pas se produire », indique-t-il. La réaction est active jusqu’à ce que les chaînes de polyéthylène soient entièrement converties en propylène, tandis que le polypropylène est converti en un mélange de propylène et d’isobutylène (tous gazeux à température ambiante). Ce dernier est utilisé par exemple dans la fabrication des ballons de football et d’excipients pour cosmétiques.
Une efficacité limitée en cas de contamination par d’autres plastiques
Étant donné que les polyoléfines se retrouvent généralement sous forme mélangée, les chercheurs ont testé leurs catalyseurs avec un mélange contenant des quantités équivalentes de polyéthylène et de polypropylène. Une efficacité de 90 % a été observée, mais toutefois sous une température de 320 °C, ce qui engagerait un coût énergétique supplémentaire, sans compter les infrastructures nécessaires au processus. Néanmoins, les nouveaux catalyseurs offrent l’avantage d’éviter d’avoir à retirer l’hydrogène pour former une double liaison carbone-carbone — une caractéristique indispensable au précédent procédé proposé par l’équipe.
D’un autre côté, le polypropylène et le polyéthylène peuvent également se retrouver avec d’autres types de plastiques comme le PET et le polychlorure de vinyle (PVC) dans les décharges. Cependant, lorsque les chercheurs ont testé leur procédé sur les polyoléfines mélangées avec de petites quantités de ces plastiques, son efficacité a été considérablement réduite. Toutefois, ils estiment que cela ne devrait pas poser trop de problèmes, car toutes les méthodes de recyclage passent généralement par une étape de triage des différents types de plastiques.
Vidéo de présentation de l’étude :