Les éruptions solaires sont des phénomènes relativement courants et cycliques. Elles surviennent à la suite d’une accumulation d’énergie magnétique au niveau de l’équateur solaire. Le problème est que ces éruptions s’accompagnent d’ondes géomagnétiques capables de perturber fortement, voire de paralyser complètement, les transmissions radioélectriques terrestres. Or, le Soleil est entré dans un nouveau cycle éruptif l’année dernière ; ces éruptions pourraient bientôt s’intensifier et menacer réellement la planète.
Les éruptions solaires surviennent de façon cyclique, sur des périodes de 11 ans. L’une de ces éruptions a été observée il y a quelques jours : un intense rayonnement ionisant a atteint la Terre dans l’indifférence générale. Il s’agissait pourtant de la plus forte tempête géomagnétique observée depuis des années ; elle n’a heureusement pas impacté les réseaux électriques. Ce cycle pourrait néanmoins atteindre un pic d’activité en 2025, ce qui inquiète énormément les spécialistes.
Les tempêtes solaires sont classées en différentes catégories (A, B, C, M ou X) selon l’intensité de leur flux énergétique. La première tempête solaire observée, dénommée « événement de Carrington », remonte à 1859 ; elle a généré de très nombreuses aurores polaires (visibles jusque dans certaines régions tropicales !) et a fortement perturbé les télécommunications (via télégraphe électrique à l’époque). Plus récemment, les éruptions d’août 1989 et avril 2001 — toutes deux de catégorie X20 — puis de novembre 2003 (de catégorie X28), demeurent les éruptions les plus puissantes jamais observées.
Un black-out qui pourrait s’avérer très coûteux
Le danger est réel. Plusieurs éruptions solaires récentes se sont avérées très problématiques. L’éruption de mars 1989 a par exemple plongé le Québec dans une panne d’électricité sans précédent : il aura fallu neuf heures pour rétablir le courant, et les pertes économiques se chiffraient à l’époque à plusieurs millions de dollars. En juin 2015, une éjection de masse coronale a déclenché une violente tempête géomagnétique perturbant l’ensemble des GPS dans le nord-est des États-Unis. En 2017, une autre tempête solaire a mis à mal les communications radio alors que l’ouragan Irma sévissait dans les Caraïbes.
Le danger est d’autant plus grand que notre monde est aujourd’hui complètement dépendant du réseau électrique, mais aussi des nombreux satellites de positionnement et de télécommunications qui se trouvent en première ligne face à la menace. Des chercheurs se sont penchés sur le sujet : une étude parue en 2017 révèle ainsi qu’un gigantesque black-out dû à une tempête solaire extrême pourrait coûter aux États-Unis plus de 40 milliards de dollars par jour !
Le risque est non seulement matériel, mais également humain : en cas d’éruption solaire, l’aviation commerciale serait elle aussi particulièrement exposée ; les pilotes de ligne courent dans ce cas un plus grand risque de développer des cataractes et les femmes affichent des taux plus élevés de fausses couches. Les astronautes de la Station spatiale internationale, tout comme les futurs explorateurs de la Lune et de Mars seraient également menacés.
Peut-on éviter la catastrophe ? Nous n’avons évidemment aucun contrôle sur ces phénomènes naturels. Mais selon les experts, des mesures telles que l’utilisation de métaux non magnétiques dans les transformateurs et l’installation de parasurtenseurs supplémentaires dans le réseau électrique pourraient limiter les dégâts. Cependant, la meilleure défense contre ces événements solaires reste sans aucun doute d’améliorer leur prévision. C’est la raison pour laquelle, l’administration Trump a validé le projet de loi PROswift (Promoting Research and Observations of Space Weather to Improve the Forecasting of Tomorrow), qui vise à améliorer les technologies de prévision.
Une capacité « encore très limitée »
Si une tempête solaire de même intensité que celle décrite en 1859 — considérée comme l’éruption la plus puissante à ce jour — devait prochainement frapper la Terre, des millions, voire des milliards de personnes seraient privées d’électricité. Parvenir à prédire ces tempêtes permettrait aux différents services publics de mieux se préparer aux pannes éventuelles, notamment via la sauvegarde de systèmes et données critiques et en déployant des unités de maintenance à divers endroits du réseau. « La connaissance de la situation est la clé ici, tout comme dans les événements météorologiques terrestres », souligne Mark Olson, responsable de l’évaluation de fiabilité pour la North America Electric Reliability Corp.
Dans cette optique, les États-Unis, comme le Royaume-Uni, ont tous deux mis en place des Centres de prévision météorologique spatiale, qui fournissent quotidiennement des données sur l’activité solaire et son impact éventuel sur les satellites, les réseaux électriques et les compagnies aériennes. Mais la tâche est plus complexe qu’il n’y paraît : « Notre capacité à comprendre et à prévoir le cycle solaire est encore très limitée », confirme William Murtagh, directeur de l’US Space Weather Prediction Center.
Lorsqu’une tempête éclate, il est en effet difficile de déterminer son intensité, jusqu’à ce que le rayonnement atteigne un ensemble de satellites situé à un million de kilomètres de notre planète. Et à ce stade, il ne reste que 60 à 90 minutes avant que ce rayonnement n’atteigne la Terre — soit une marge de manœuvre relativement courte. Par conséquent, mieux vaut anticiper le pire. Ainsi, au Royaume-Uni, la National Grid — principal fournisseur de gaz et d’électricité du pays — se prépare à faire face à des événements spatiaux extrêmes : elle prévoit notamment davantage de transformateurs de secours et organise régulièrement des exercices de simulation.
L’Agence spatiale européenne s’apprête quant à elle à lancer un nouveau satellite dédié à la surveillance de l’activité solaire. Cette mission, sans nom pour le moment, devrait être lancée en 2025.