Le temps sur Mars serait en avance de 477 microsecondes par période de 24 heures par rapport au temps terrestre, à ± 226 microsecondes selon la période de l’année, d’après les calculs les plus précis à ce jour. Ces résultats ont été obtenus en tenant non seulement compte de la gravité de la planète, mais également de l’excentricité de son orbite et de l’influence gravitationnelle des planètes et satellites qui l’avoisinent. Ces nouvelles données pourraient avoir des implications notables pour les futures missions sur place.
Sur Mars, les journées sont plus longues de 40 minutes par rapport à celles de la Terre, tandis que les années durent 687 jours chacune, soit 322 jours de plus que sur Terre. On pourrait donc a priori supposer que le temps s’écoule plus lentement. Cependant, un certain nombre de paramètres sont à considérer pour mesurer le temps dans chaque région, y compris sur Terre.
La relativité générale d’Einstein prédit que la vitesse d’écoulement du temps varie en fonction de la gravité. Ainsi, les horloges situées dans les zones à forte gravité tournent plus lentement que celles placées dans des zones à faible gravité. Il s’agirait par exemple de l’une des raisons pour lesquelles les personnes vivant en altitude semblent vieillir plus rapidement que celles vivant en basse altitude, le temps s’y écoulant légèrement plus vite en raison d’une gravité moindre.
L’environnement gravitationnel martien est fondamentalement différent de celui de la Terre. Mars possède notamment une orbite plus elliptique que celle de la Terre, ainsi qu’une gravité environ cinq fois plus faible à la surface. Située à une distance moyenne de 1,52 unité astronomique par rapport au Soleil (contre 1 unité astronomique pour la Terre), elle subit un potentiel gravitationnel à la fois plus réduit et variable au cours de sa révolution. Ces conditions affectent directement la vitesse à laquelle le temps s’y écoule.
Dans une récente étude publiée dans The Astronomical Journal, des chercheurs du National Institute of Standards and Technology (NIST) apportent pour la première fois une réponse précise sur la vitesse à laquelle le temps s’écoule sur Mars. « Mars constitue ainsi un laboratoire naturel inestimable pour tester les modèles de chronométrage relativistes, valider les prédictions de dilatation temporelle gravitationnelle pour différentes configurations orbitales et développer des systèmes autonomes de synchronisation temporelle interplanétaire », expliquent-ils dans leur article.
En avance de 477 microsecondes par jour en moyenne
Pour effectuer leurs calculs, l’équipe de la nouvelle étude a sélectionné un niveau de référence martien, équivalent du niveau de la mer à l’équateur sur Terre, appelé « aréoïde ». Ils ont évalué comment la gravité et les vitesses orbitales de Mars et de la Terre influenceraient le temps à l’aréoïde martien. Les calculs ont indiqué que, si la vitesse orbitale plus lente de Mars tend à ralentir le temps, la gravité plus faible à sa surface a, à l’inverse, pour effet de l’accélérer.
Cependant, la gravité à elle seule ne suffit pas à estimer la vitesse du temps sur Mars. En effet, tous les corps massifs du Système solaire s’attirent mutuellement, et la position de Mars lui confère une orbite plus elliptique que celle de la Terre. Pour mesurer la vitesse du temps sur Mars, les chercheurs ont donc pris en compte l’attraction gravitationnelle du Soleil et de la Lune (les satellites de Mars, Phobos et Déimos, joueraient un rôle négligeable étant donné leur petite taille).
Les orbites de la Lune et de la Terre sont relativement circulaires, ce qui fait que le temps sur la Lune est environ 56 microsecondes en avance par rapport au temps terrestre. « Mais pour Mars, c’est différent. Sa distance au Soleil et son orbite excentrique accentuent les variations temporelles. Un problème à trois corps est extrêmement complexe. Or, nous en avons maintenant quatre : le Soleil, la Terre, la Lune et Mars », explique, dans un communiqué, Bijunath Patla, physicien au NIST et coauteur de l’étude. « La tâche s’est avérée plus ardue que je ne l’avais imaginé », ajoute-t-il.
En prenant ces paramètres en compte, les résultats des chercheurs montrent que le temps martien est en moyenne en avance de 477 microsecondes par jour par rapport à celui de la Terre. Toutefois, en raison de l’orbite elliptique de la planète et de l’attraction gravitationnelle de ses voisines, cet écart peut diminuer ou augmenter de 226 microsecondes par jour selon la position de Mars sur son orbite au cours de l’année martienne.
Bien qu’a priori infime, la prise en compte de ce décalage sera essentielle au développement des réseaux de communication interplanétaires, notamment pour les systèmes de synchronisation et d’horodatage de haute précision. Les réseaux 5G exigent, à titre de comparaison, une précision de l’ordre du dixième de seconde, alors même que les communications actuelles entre la Terre et Mars accusent un délai compris entre quatre et vingt-quatre minutes. Des horloges rigoureusement synchronisées entre les planètes permettraient le développement de réseaux plus stables et plus performants sur de très grandes distances.
« Avec une synchronisation adéquate, la communication serait bien plus efficace, sans perte d’information liée aux désaccords temporels », explique Bijunath Patla. « Il faudra peut-être des décennies avant que la surface de Mars ne soit sillonnée par des rovers, mais il est utile, dès maintenant, d’étudier les enjeux liés à la mise en place de systèmes de navigation sur d’autres planètes et lunes », conclut Neil Ashby, auteur principal de l’étude.


