Parmi les milliards d’étoiles cartographiées par le télescope spatial Gaia, une énigmatique étoile, en orbite autour d’un objet insaisissable, a suscité l’intérêt des astronomes. Ces derniers ont initialement soupçonné que cette présence ténébreuse puisse être un trou noir. Cependant, cette première supposition a récemment été mise en doute, une étude inédite suggérant qu’il pourrait s’agir d’un cas exceptionnellement rare « d’étoile à bosons » entièrement constituée de matière noire.
Le système stellaire binaire, découvert dans notre propre galaxie par le télescope Gaia, est composé d’une étoile assez commune dont la masse est légèrement inférieure à celle du Soleil (0,93 masse solaire) et ayant plus ou moins la même abondance chimique. Toutefois, le compagnon mystérieux autour duquel elle gravite n’émet aucun rayonnement et possède une masse bien supérieure (11 fois celle du Soleil). Ces deux corps célestes sont distants de 1,4 unité astronomique (approximativement la distance entre Mars et le Soleil), et leur danse cosmique complète un cycle tous les 188 jours.
Au début de cette aventure scientifique, les astronomes conjecturaient que cet objet énigmatique pourrait être un petit trou noir. Cependant, un problème se posait : les données gravitationnelles ne correspondaient pas. Considérant que les trous noirs sont les résultats d’explosions d’étoiles massives, il est très peu probable qu’une étoile de masse similaire à la nôtre orbite autour de tels objets pendant des millions d’années.
Malgré l’acceptation de l’existence potentielle de tels systèmes, ce scénario demande tellement d’ajustements que deux astronomes estiment qu’une alternative doit être envisagée. Leur étude, en cours d’examen et disponible sur le serveur de prépublication arXiv, propose que cet objet puisse en réalité être une étoile à bosons entièrement constituée de matière noire. Cette catégorie d’étoiles a été théorisée, mais n’a jamais été observée. Il pourrait donc s’agir de la première étoile à bosons jamais détectée.
Une étoile conçue à partir d’un nouveau type de boson ?
La matière noire est une forme « invisible » de matière qui constitue l’essentiel de la masse des galaxies. Elle est insensible à la force électromagnétique, ce qui signifie qu’elle ne peut ni absorber, ni réfléchir, ni émettre de la lumière. Cette caractéristique lui permet de se fondre dans l’espace, rendant sa détection particulièrement complexe (d’où son surnom de « matière invisible »). Par conséquent, son influence gravitationnelle sur la matière visible est la seule « preuve » tangible de son existence.
Formant respectivement environ 27% de la masse de l’Univers et 80% de celle des galaxies, sa véritable nature demeure un mystère. Certaines théories suggèrent qu’elle pourrait contenir des particules dites « supersymétriques » et serait lentement disséminée à travers chaque galaxie. D’autres modèles suggèrent plutôt qu’elle pourrait former des amas. Parmi ces hypothèses, il existe celle selon laquelle la matière noire serait composée d’un type particulier de bosons.
La famille des bosons est composée de particules élémentaires telles que les photons, les gluons, les bosons Z et W, le boson de Higgs (découvert en 2012) et le graviton (encore purement théorique). Les particules composites telles que les mésons et les noyaux ayant un nombre de masse pair tels que le deutérium, l’hélium 4 ou le plomb 208, ainsi que quelques quasi-particules comme les paires de Cooper, plasmons et phonons, sont également considérées comme des bosons.
Cependant, jusqu’à présent, peu de types de bosons ont été découverts, et l’Univers pourrait en abriter beaucoup plus. Ces nouveaux types de bosons pourraient ne transporter aucune force et auraient ainsi la capacité de s’agglutiner pour former d’importants amas, pouvant atteindre la taille de systèmes stellaires complets. Des amas plus modestes de matière noire bosonique pourraient avoir la taille d’étoiles, et seraient alors nommés « étoiles à bosons ».
Les étoiles ordinaires étant composées de fermions, des conditions spécifiques doivent être réunies pour permettre l’existence d’une étoile à bosons. À cet égard, les bosons doivent être à la fois stables et de faible masse, notamment de spin-0 ou spin-1, comme l’ont proposé les chercheurs dans leur récente étude. Ce type d’étoiles pourrait apparaître comme un trou noir du point de vue d’un observateur extérieur.
Selon les deux auteurs de l’étude, la matière noire bosonique pourrait générer suffisamment d’étoiles du même type pour expliquer les données recueillies par Gaia. Des théoriciens ont en outre suggéré l’existence d’une étoile à bosons supermassive au cœur d’une galaxie, qui pourrait expliquer l’activité intense de son noyau.
« Nous contestons le scénario d’un trou noir central et montrons que la dynamique orbitale observée peut être expliquée sous des hypothèses assez générales connues sous le nom d’étoile à bosons », déclarent les chercheurs dans leur étude. Bien qu’improbable, cette théorie pourrait potentiellement offrir une rare opportunité d’étudier les forces gravitationnelles, telles qu’elles sont décrites par la théorie de la relativité générale d’Einstein.