Afin d’« éliminer » en toute sécurité l’eau radioactive qui continue de s’accumuler dans la centrale de Fukushima plus de dix ans après la catastrophe, la Tokyo Electric Power Company Holdings (TEPCo) a annoncé son intention de forer un tunnel sous-marin d’un kilomètre de long, pour acheminer cette eau contaminée loin du rivage et des zones de pêche. L’eau devrait être déversée à environ 12 mètres sous la surface, où elle se diluera dans l’océan Pacifique.
Le 11 mars 2011, un séisme suivi d’un tsunami frappait le Japon, causant la mort de plus de 18 000 personnes ; trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima ayant été endommagés, la catastrophe a par ailleurs contraint plus de 160 000 personnes à quitter la région. Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là : dix ans après, des millions de mètres cubes de sols contaminés sont entreposés à l’air libre et plus d’un million de mètres cubes d’eau radioactive sont stockés dans l’enceinte de la centrale.
Malgré l’opposition des pays voisins et des défenseurs de l’environnement, exhortant le Japon à ne pas déverser cette eau contaminée dans l’océan, il semble que TEPCo soit bien décidée à mettre son plan à exécution. En réalité, la société n’a guère d’autre option : à la fin de l’année prochaine, les quelque mille réservoirs mis en place pour stocker l’eau de la centrale atteindront leur limite de capacité et commenceront à déborder. Par ailleurs, il est désormais temps d’évacuer tous ces réservoirs, afin de mettre en place les équipements nécessaires au démantèlement complet de la centrale.
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De l’eau rejetée dès le printemps prochain
Pour les responsables japonais, c’est l’option la plus réaliste pour mener au déclassement de la centrale. Ainsi, au mois d’avril, le gouvernement a pris la décision de rejeter l’eau contaminée dans l’océan Pacifique, à un kilomètre des côtes et conformément aux normes de sécurité fixées par les régulateurs. Cette approche permet à TEPCo de minimiser les critiques, qui auraient été sans doute encore plus virulentes si la société avait été obligée de déverser les eaux radioactives à proximité du rivage. Le tunnel sera creusé à travers le substrat rocheux du fond marin, non loin du réacteur n°5 de la centrale, demeuré intact après l’incident — ceci pour minimiser les risques de contamination souterraine ou d’infiltration d’eaux radioactives dans le tunnel.
Le forage devrait commencer d’ici peu, afin d’entamer le rejet de l’eau d’ici le printemps 2023. TEPCo estime que le déversement de l’eau devrait durer une trentaine d’années. Selon les plans du projet récemment publiés, l’eau sera rejetée à une profondeur d’environ 12 mètres, via un pipeline enfermé dans un tunnel de 2,5 mètres de diamètre — une structure, qui selon les responsables du projet, s’avère plus résistante en cas de séisme ou de tsunami majeur. Un tel dispositif devrait également éviter que l’eau ne revienne vers la côte, selon Akira Ono, directeur de la filiale de TEPCo chargée du démantèlement de la centrale.
L’eau rejetée — issue des pluies, des nappes souterraines et des injections qui ont été nécessaires pour refroidir le cœur des réacteurs entrés en fusion après le tsunami — a déjà été filtrée à plusieurs reprises et subira bien entendu un traitement supplémentaire avant de rejoindre les eaux océaniques. TEPCo prévoit notamment de diluer l’eau contaminée avec de grandes quantités d’eau de mer, afin de maintenir la concentration de matières radioactives en deçà des limites admissibles. Les employés seront chargés d’échantillonner l’eau avant sa libération et d’examiner quotidiennement des échantillons d’eau de mer prélevés à plusieurs endroits.
La population et les pays voisins toujours sceptiques
Les responsables du gouvernement et de TEPCo reconnaissent que le tritium, qui n’est pas nocif en petites quantités, ne peut pas être retiré de l’eau avec les techniques actuelles ; il est prévu de le diluer à seulement 2,5% de la concentration maximale autorisée par les normes nationales avant de le rejeter. Tous les autres isotopes sélectionnés pour le traitement seront réduits à des niveaux sûrs avant d’être libérés dans l’océan.
Les pêcheurs, les résidents, tout comme certains pays voisins dont la Chine et la Corée du Sud, demeurent farouchement opposés au projet. Les pêcheurs locaux craignent notamment que personne ne souhaite acheter du poisson en provenance d’« eaux radioactives ». Selon le Japan Times, 15 pays et régions restreignent toujours les importations en provenance de la préfecture de Fukushima. Le gouvernement s’est engagé à indemniser les pêcheurs et autres entreprises locales qui seraient victimes d’une mauvaise réputation liée au rejet de l’eau.
Début juillet, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a par ailleurs déclaré avoir conclu un accord avec le Japon pour aider à surveiller et à examiner le rejet d’eau radioactive traitée, afin qu’il soit effectué en toute sécurité. « C’est d’une importance primordiale pour rassurer les gens au Japon et ailleurs dans le monde, en particulier dans les pays voisins, que l’eau ne constitue pas une menace pour eux », a déclaré Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA.