Imaginez le scénario suivant : vos bagages sont prêts, vos chambres d’hôtels sont réservées, vous êtes prêts à profiter de vos vacances… Mais il y a juste un problème. Le gouvernement a annulé vos billets.
Dès 2014, la Chine a commencé à conceptualiser et à mettre en place un système de crédit social (SCS), qui fonctionne un peu comme une note de crédit pour les citoyens dont les comportements sont jugés bons pour la société et sont récompensés par des privilèges, tandis que des comportements jugés mauvais entraînent des scores médiocres et une perte de privilèges. (Ce qui, soit dit en passant, nous rappelle furieusement un épisode de la série dystopique Black Mirror).
Le SCS vise donc à mettre en place un système de réputation des citoyens : chacun d’entre eux se voit attribuer une note, échelonnée entre 350 et 950 points de crédits social. Cette note est fondée sur les données dont dispose le gouvernement à propos de leur statut économique et social. Le système repose donc sur un outil de surveillance de masse et utilise les technologies d’analyse du big data. Il est également utilisé pour noter les entreprises opérant sur le marché chinois.
Depuis 2014, la Chine s’emploie à tester sa nouvelle méthode de contrôle de la population et a lentement intégré des citoyens dans le système. Selon un nouveau rapport acquis par l’Associated Press, des millions de voyageurs potentiels en 2018 auraient vu leur abonnement annulé, suite au système de crédit social. Selon le rapport, environ 17.5 millions de billets de voyage achetés ont été bloqués par le gouvernement chinois l’année dernière, pour des raisons d’« infraction au crédit social », telles que des taxes impayées, ou des amendes.
Selon le rapport annuel du Centre d’Information National du Crédit Public, le gouvernement chinois à empêché 5.5 millions de fois d’acheter des billets de train, et 138 personnes ont été empêchées de quitter le pays. Le parti au pouvoir espère mettre pleinement en place ce système au sein de la nation d’ici 2020.
À l’heure actuelle, il n’est pas encore tout à fait clair comment la Chine va maintenir ce système en place, ce que le SCS va pénaliser de manière concrète et quelles sanctions auront lieu lorsqu’un citoyen ne possèdera pas assez de crédits sociaux. À savoir que l’année dernière, ce qui menait à un « crédit social faible », était très vaste, passant par la publicité mensongère, aux accusations d’affaires liées à la drogue.
Outre les restrictions de déplacement, les entreprises qui ne possèderont pas assez de crédits sociaux, pourront par exemple perdre leurs contrats gouvernementaux, leurs emprunts bancaires et ne plus être autorisées à importer des marchandises. En ce qui concerne les employés, ces derniers pourraient être empêchés de représenter des sociétés ou d’assumer des rôles de direction, une pénalité appliquée déjà 290’000 fois l’an dernier.
Le système de crédit social, n’est qu’un élément montrant la manière dont le gouvernement du président Xi Jinping prévoit d’utiliser la technologie et les systèmes de données pour surveiller et contrôler ses citoyens.
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Dans le cadre d’un projet ambitieux, connu sous le nom de The Golden Shield Project, de nouvelles technologies de surveillance sont constamment déployées en Chine et incluent des éléments tels que des fonctionnalités de reconnaissance faciale dans des lunettes spéciales pour les forces de l’ordre, un logiciel de reconnaissance de la démarche, des programmes de contrôle de la productivité qui sont si efficaces que certains employés sont persuadés que leurs employeurs peuvent lire leurs pensées.
Bien que ce système soit, comme l’a défini le vice-président Mike Pence, « un système orwellien reposant sur le contrôle de pratiquement toutes les facettes de la vie humaine », il semble que le système puisse accomplir ce pour quoi il a été conçu. En effet, selon le Centre d’Information National du Crédit Public, depuis le lancement du SCS, ce dernier a obligé 3.5 millions de personnes à « remplir volontairement leurs obligations légales », telles que payer des amendes en retard. Cela comprend notamment 37 personnes qui ont payé un total de 150 millions de yuans (soit 22 millions de dollars) d’amendes en retard.
Dans tous les cas, que cela fonctionne ou non, un tel système a des implications profondément préoccupantes pour la division classiste de la société chinoise, et laisse peu (voire pas) de place aux erreurs.