Une thérapie génique restaure les fonctions motrices chez des souris complètement paralysées

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| EPFL
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Au cours des dernières années, de grandes avancées dans l’inversion de la paralysie (due à une lésion de la moelle épinière) ont vu le jour. Cependant, un défi de taille subsiste dans la capacité à restaurer correctement les fonctions motrices. Une nouvelle thérapie génique fait coup double en régénérant à la fois les neurones et en les connectant efficacement à leurs cibles motrices. Lors d’essais in vivo, le traitement a permis de faire remarcher des souris complètement paralysées.

Lorsque notre moelle épinière est partiellement endommagée, il se produit une brève paralysie suivie d’une récupération généralisée et spontanée des fonctions motrices. En revanche, en cas de lésion médullaire complète (LME), ce mécanisme régénérateur ne se produit pas et la paralysie est alors irréversible. Les axones détruits suite au traumatisme ne parviennent plus à se réparer. Bien que diverses stratégies ont vu le jour afin de stimuler leur repousse, elles comportent des limites entravant la récupération fonctionnelle.

En effet, bien qu’en cas de LME complète il est possible de régénérer les fibres nerveuses dans une certaine mesure, « nous avons réalisé que cela ne suffisait pas à restaurer la fonction motrice, car les nouvelles fibres ne parviennent pas à se connecter aux bons endroits au-delà de la lésion », explique dans un communiqué Mark Anderson, directeur du Centre de régénération du système nerveux central chez NeuroRestore. En collaboration avec des experts internationaux, il a co-développé une nouvelle thérapie génique permettant à la fois de régénérer les neurones et de restaurer les fonctions motrices.

Une approche basée que le séquençage d’ARN unicellulaire

Dans une étude de 2018, Anderson et ses collègues ont démontré que des conditions biomoléculaires très précises doivent être réunies afin de régénérer efficacement les neurones en cas de LME complète. Il s’agit notamment de 3 facteurs essentiels qui sont, soit atténués, soit absents chez les adultes. Il s’agit de la capacité de croissance intrinsèque des neurones, le substrat favorisant cette croissance et la chimio-attraction. Cependant, l’inversion de la LME complète ne s’arrête pas uniquement à la régénération neuronale et nécessite une intervention au-delà des lésions.

Une LME déclenche une cascade de réponses moléculaires et cellulaires, incluant l’infiltration des cellules inflammatoires et la libération de cytokines, l’apoptose, la démyélinisation, l’excitotoxicité (un processus pathologique d’altération et de destruction neuronale), l’ischémie et la formation d’une cicatrice fibrotique entourée d’astrocytes. L’intervention au niveau de cette cascade nécessite de comprendre de quelle manière les cellules neurales et non neurales coordonnent leurs réponses.

Le séquençage de l’ARN unicellulaire permet de sonder en profondeur les réactions moléculaires régissant la LME complète. D’après le rapport publié dans la revue Science, les chercheurs de la nouvelle étude se sont appuyés sur cette technique afin d’identifier les populations neuronales les plus prometteuses, au niveau desquelles il faut intervenir afin d’inverser la condition. « Nos observations en utilisant le séquençage de l’ARN nucléaire unicellulaire ont non seulement révélé les axones spécifiques qui doivent être régénérés, mais ont également révélé que ces axones doivent se reconnecter à leurs cibles naturelles pour restaurer la fonction motrice », explique l’auteur principal Jordan Squair, de l’Ecole polytechnique fédérale (EPFL) et du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Une restauration quasi-complète des fonctions motrices

Grâce au séquençage transcriptomique unicellulaire, les chercheurs ont pu développer une thérapie génique agissant sur plusieurs fronts. Elle permet notamment de régénérer les fibres nerveuses altérées lors de la LME complète, de réguler positivement les protéines spécifiques soutenant leur croissance à travers la lésion et de produire les molécules de guidage leur permettant de se connecter à leurs cibles motrices (chimio-attraction), au-delà des lésions. Cette stratégie est inspirée de la réparation naturelle et spontanée observée à la suite d’une LME partielle.

À savoir que dans une étude connexe, les chercheurs ont utilisé la transcriptomique unicellulaire, la multiomique et la transcriptomique spatiale chez la souris afin d’établir un « atlas des lésions de la moelle épinière ». Il s’agit d’une base de données couvrant 18 conditions pathologiques expérimentales (de LME complète) et 482 825 cellules individuelles, basés sur l’architecture tridimensionnelle de la moelle épinière endommagée. Cette cartographie a permis d’obtenir des données transcriptomiques d’une qualité sans précédent concernant les cellules médullaires endommagées ou non, ce qui a découlé sur le développement d’une thérapie génique incroyablement précise. Une application en ligne permettant d’explorer cet atlas est disponible.

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La thérapie régénère les neurones et les connecte efficacement à leurs cibles motrices, au-delà de la lésion. © EPFL

Les chercheurs ont testé leur approche thérapeutique sur des modèles murins chez lesquels ils ont préalablement induit une LME complète. En seulement 8 semaines, les souris ont retrouvé des fonctions motrices comparables à celles restaurées à la suite d’une LME partielle. « Nous montrons que la chimio-attraction et le guidage des axones sectionnés de ces neurones vers leurs régions cibles naturelles ont conduit à une récupération substantielle de la marche après une LME complète chez la souris », écrivent-ils dans leur article. En revanche, la régénération seule des axones au niveau des lésions n’a eu aucun effet. À terme, cette stratégie pourrait être combinée avec d’autres procédures, telles que la stimulation électrique médullaire. « Nous pensons qu’une solution complète pour traiter les lésions de la moelle épinière nécessitera les deux approches », conclut Grégoire Courtine de l’EPFL, également auteur de l’étude.

Une première version de cet article a été publiée le 22 septembre 2023.

Source : Science

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