Les prouesses et les images inédites ne cessent d’être dévoilées par la NASA, après les sublimes images de James Webb des piliers de la création, c’est au tour d’un panorama inédit, de tout notre ciel, d’être révélé. Il s’agit d’un accéléré (ou « timelapse ») de 12 ans, montrant les changements subis par des millions d’étoiles à travers l’Univers, grâce aux données du projet NEOWISE. L’étude des cartes issues de ces données nous donne de précieuses informations quant à l’évolution de l’Univers sur une décennie.
La mission NEOWISE (Near-Earth Object Wide Field Infrared Survey Explorer) de la NASA utilise un télescope spatial pour surveiller les astéroïdes et les comètes, y compris ceux qui pourraient constituer une menace pour la Terre. Elle fait suite au projet du télescope WISE, lancé en décembre 2009, qui a sondé le ciel complet dans quatre bandes de longueurs d’onde infrarouges jusqu’à ce que l’hydrogène gelé refroidissant le télescope soit épuisé en septembre 2010.
Néanmoins, les observations ont repris en décembre 2013, lorsque le télescope a été sorti de l’hibernation et réutilisé pour le projet NEOWISE. Au cours de sa mission principale, NEOWISE a identifié et caractérisé rapidement les objets proches de la Terre, en recueillant des données sur leur taille et d’autres mesures clés. Il a ainsi livré à la communauté scientifique des détections infrarouges de plus de 158 000 planètes mineures, dont plus de 34 000 nouvelles découvertes.
C’est à partir des images capturées au cours de ces années que la NASA a réalisé un accéléré de 12 ans de l’intégralité du ciel nocturne. Certes, les images fixes du ciel dévoilent des merveilles cosmiques, mais les films peuvent leur donner vie. C’est ainsi que les montages vidéo issus des observations avec le télescope spatial NEOWISE révèlent l’emplacement de centaines de millions d’objets et la quantité de lumière infrarouge que chacun émet. Ces informations peuvent ensuite être analysées pour comprendre le comportement des objets célestes.
Contempler l’entièreté du ciel
Il faut savoir que tous les six mois, le vaisseau spatial NEOWISE fait la moitié du tour du Soleil, prenant des images dans toutes les directions. Assemblées, ces images forment une carte de « tout le ciel » montrant l’emplacement et la luminosité de centaines de millions d’objets.
De manière concrète, c’est à partir de ces données que la NASA a construit 18 cartes de tout le ciel (les 19e et 20e seront publiées en mars 2023). Ces dernières ont permis aux scientifiques de créer ce qui est essentiellement un film accéléré du ciel, révélant des changements qui s’étendent sur une décennie.
VIDÉO — Films accélérés de la mission NEOWISE de la NASA, donnant aux astronomes la possibilité de voir des naines brunes précédemment cachées, un trou noir qui se nourrit, une étoile mourante, une région de formation d’étoiles et une étoile qui prend vie (© NASA) :
Chaque carte prise individuellement représente une source de données importantes, mais tout l’intérêt ici est de voir ces cartes en séquence comme « time-lapse ». Elles constituent alors une ressource encore plus solide pour tenter de mieux comprendre l’Univers. La comparaison des cartes peut révéler des objets distants qui ont changé de position ou de luminosité au fil du temps, ce que l’on appelle l’astronomie dans le domaine temporel.
Amy Mainzer, chercheuse principale pour NEOWISE à l’Université de l’Arizona à Tucson, déclare dans un communiqué : « Si vous sortez et regardez le ciel nocturne, il peut sembler que rien ne change jamais, mais ce n’est pas le cas. Les étoiles brillent et explosent. Les astéroïdes passent à toute allure. Les trous noirs déchirent les étoiles. L’univers est un endroit très occupé et actif ».
Comprendre les étoiles et les trous noirs
Regarder le ciel changer pendant plus d’une décennie a également contribué aux études sur la formation des étoiles. NEOWISE peut scruter les couvertures poussiéreuses emmaillotant des protoétoiles (nouvelles étoiles) ou des boules de gaz chaud qui sont en passe de devenir des étoiles. Puis, les protoétoiles scintillent et s’embrasent à mesure qu’elles accumulent plus de masse issue des nuages de poussière qui les entourent. Les scientifiques effectuent une surveillance à long terme de près de 1000 protoétoiles avec NEOWISE pour mieux comprendre les premiers stades de la formation des étoiles.
Les données de NEOWISE ont également amélioré la compréhension des trous noirs. Le projet WISE original a découvert des millions de trous noirs supermassifs au centre de galaxies lointaines. Dans une étude récente, les scientifiques ont utilisé les données de NEOWISE et une technique appelée « cartographie par écho » pour mesurer la taille des disques de gaz chaud et incandescent entourant des trous noirs distants, qui sont trop petits et trop éloignés pour être imagés par un télescope.
Étudier l’évolution des naines brunes
Comme mentionné précédemment, malgré le changement de projet, le télescope infrarouge WISE a continué à balayer le ciel tous les six mois, et les astronomes ont continué à utiliser les données pour étudier des objets en dehors de notre système solaire. Certaines cartes mises en séquence dans la publication de la NASA sont issues de la deuxième itération, en 2020, d’un projet appelé CatWISE : un « catalogue » d’objets de 12 cartes de l’ensemble du ciel.
Les cartes sont particulièrement utiles pour étudier les naines brunes. Il s’agit d’objets qui n’ont pas tout à fait la masse nécessaire pour déclencher la fusion donnant naissance à une étoile brillante, bien qu’ils débutent leur formation de la même manière. Ceux se situant le plus près de la Terre semblent se déplacer plus rapidement dans le ciel que les objets plus éloignés, permettant à NEOWISE de les repérer plus facilement, parmi les milliards d’objets de la carte.
Un projet complémentaire à CatWISE, appelé « Backyard Worlds : Planet 9 », invite les scientifiques citoyens à analyser les données NEOWISE pour trouver des objets en mouvement que les recherches informatiques auraient pu manquer.
À l’origine, avec les deux premières cartes de WISE, les scientifiques avaient trouvé environ 200 naines brunes à seulement 65 années-lumière de notre soleil. Les cartes supplémentaires, éditées récemment, ont permis d’en révéler 60 autres et de doubler le nombre de naines Y connues — les naines brunes les plus froides.
Ces découvertes contribuent à la compréhension des objets au voisinage du Soleil et de la Terre. De plus, un décompte plus complet des naines brunes proches du Soleil permet d’estimer à quel moment la formation d’étoiles a commencé dans la Voie lactée.
Peter Eisenhardt, astronome au Jet Propulsion Laboratory de la NASA et scientifique du projet WISE, conclut : « Nous n’avions jamais prévu que le vaisseau spatial fonctionnerait aussi longtemps, et je ne pense pas que nous aurions pu anticiper la science que nous serions capables de faire avec autant de données ».