L’Australie figure parmi les quelques rares endroits sur Terre abritant des écosystèmes à la fois spécifiques et exceptionnellement riches en biodiversité. Cependant, cette spécificité est fragilisée par l’introduction d’espèces exotiques envahissantes. L’une d’elles, le crapaud de canne, ou crapaud buffle (Rhinella marina), ferait des ravages sur l’île continent et aurait déjà causé l’extinction de plusieurs espèces autochtones. Malgré les mesures prises par le gouvernement australien, un énorme spécimen de l’amphibien a été découvert par un ranger du parc national de Conway, dans le Queensland. Surnommé à juste titre « Toadzilla », ce crapaud est probablement le plus gros jamais recensé, pesant près de 3 kg (2,7 exactement) pour 25 cm de long ! Rapidement retiré de la nature, il a dû être euthanasié, car il représentait une menace pour les écosystèmes.
Les espèces envahissantes, animales ou végétales, sont connues pour être l’une des plus grandes menaces pour les écosystèmes natifs d’une région. Appelées « pollutions biologiques » par les scientifiques, ces espèces introduites modifient « en silence » les écosystèmes natifs en devenant envahissantes. Même si les impacts écologiques engendrés par des catastrophes naturelles (éruptions volcaniques, séismes, etc.) sont en apparence plus impressionnants, les invasions biologiques sont plus désastreuses dans la mesure où elles peuvent perdurer sur des générations.
Une « mondialisation » des espèces
À rappeler qu’une espèce est qualifiée d’envahissante ou invasive lorsqu’elle a un fort pouvoir de colonisation. En envahissant un territoire, ces espèces « étouffent » la zone en y exterminant les espèces natives. À mesure que les échanges entre les pays augmentent, l’introduction d’espèces non natives croit de façon exponentielle, et souvent de manière irréversible. Le phénomène est tel que l’on assiste à une véritable « mondialisation » des espèces.
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Parmi ces échanges, le fret maritime est à lui seul responsable d’introductions massives d’espèces exotiques et envahissantes. Transporté dans les ballasts d’un navire, Mnemiopsis leidyi (un invertébré ressemblant à une petite méduse) a par exemple été introduit en mer Noire dans les années 80. Aujourd’hui présente à hauteur de plus de 500 individus par mètre cube (en moins de 10 ans), cette espèce aurait dévoré la quasi-totalité du zooplancton spécifique à la région et vital pour de nombreuses espèces de poissons. Pendant des années, cet invertébré aurait causé un effondrement sans précédent de la pêche au maquereau.
Il arrive également que l’introduction d’espèces soit volontaire, que ce soit de nature ludique (pour les espèces ornementales) ou de nature utilitaire. La grosse grenouille-taureau (Lithobates catesbeianus) américaine a par exemple été introduite en France par un collectionneur, et serait un véritable fléau pour les espèces régionales les plus fragiles (amphibiens, reptiles, petits rongeurs, etc.).
Une espèce volontairement introduite
L’introduction du crapaud buffle en Australie était apparemment de nature utilitaire. Les premiers spécimens ont été apportés par des responsables agricoles en 1935 dans le Queensland, en espérant qu’ils viendraient à bout du dendroctone du roseau. À l’époque, ce coléoptère détruisait les plantations de cannes à sucre du pays. Cependant, la démographie du crapaud est devenue incontrôlable, en passant de 2400 individus au départ à plus de 200 millions aujourd’hui. Avant la découverte de Toadzilla, un groupe de 17 spécimens a été découvert et capturé en fin d’année 2022 près de Sydney.
Figurant aujourd’hui sur la liste de l’UICN des 100 espèces exotiques les plus envahissantes au monde, elle aurait causé l’extinction de plusieurs espèces indigènes. La menace est d’autant plus grave dans la mesure où la région possède un haut taux d’endémisme, et abrite des écosystèmes très spécifiques. Par ailleurs, le crapaud de canne aurait la peau toxique, dont l’odeur particulière attire ses proies sans trop d’efforts. Cette toxicité aurait également causé l’extinction d’espèces prédatrices pour les amphibiens.
De plus, les crapauds buffles ont pullulé tellement rapidement que les proies ont commencé à manquer. Pour y remédier, l’espèce serait devenue cannibale (en mangeant ses têtards) et opportuniste. Les mensurations de Toadzilla montrent probablement la voracité de l’espèce. Bien que son régime soit essentiellement composé d’insectes, « un crapaud de canne de cette taille mangera tout ce qu’il peut mettre dans sa bouche, y compris les insectes, les reptiles et les petits mammifères », indique dans un communiqué Kylee Gray, le ranger qui a découvert le crapaud « monstre ».
Trouvé par hasard sur un circuit du parc national de Conway, les rangers estiment qu’il s’agissait d’une femelle en raison de sa taille impressionnante. Les femelles de cette espèce sont en effet plus imposantes que les mâles, et peuvent pondre plus de 30 000 œufs par saison. Pour ne rien arranger pour les espèces indigènes, ce gigantesque crapaud peut vivre jusqu’à 15 ans et coloniser un large éventail d’habitats.
Le spécimen a été éliminé, car il représentait une menace
Au-delà des impacts négatifs évidents pour la biodiversité, les espèces invasives peuvent également engendrer des impacts économiques coûteux. Elles peuvent par exemple être néfastes pour l’agriculture, pour les infrastructures et pour la pêche, comme mentionné précédemment pour le cas de la mer Noir. Elles peuvent également être des vecteurs de maladies zoonotiques. Considéré comme une menace biologique sérieuse par le gouvernement australien, les rangers ont rapidement retiré Toadzilla de l’environnement et l’ont euthanasié.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que de telles mesures ne sont prises que si les espèces introduites représentent réellement une menace pour la biodiversité et pour l’économie. À travers le monde, un grand nombre d’espèces végétales exotiques et relativement envahissantes ont été conservées en raison de leur utilité, telles que la pomme de terre et le haricot, par exemple. Tous deux sont originaires d’Amérique du Sud et sont pourtant cultivés dans presque tous les pays du monde, car représentent de précieuses denrées alimentaires.