Un réacteur à fusion sphérique atteint la température requise pour le fonctionnement commercial

Un record (100 millions de degrés Celsius) pour un tokamak sphérique.

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Le tokamak sphérique ST-40. | Tokamak Energy
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C’est une première mondiale pour un tokamak sphérique : le ST-40 de Tokamak Energy a atteint une température de plasma de 100 millions de degrés Celsius, soit le seuil requis pour l’énergie de fusion commerciale. C’est aussi la température la plus élevée jamais atteinte par un tokamak financé par des fonds privés. Tokamak Energy prévoit de mettre en service la toute première usine de fusion au monde au début des années 2030.

Plusieurs laboratoires gouvernementaux ont déjà rapporté des températures de plasma supérieures à 100 millions de degrés dans des tokamaks conventionnels (toriques). Le 21 décembre dernier, le Joint European Torus, le plus grand tokamak au monde, a par exemple réussi à maintenir un plasma à 150 millions de degrés Celsius pendant 5 secondes. Mais il s’agit ici d’un dispositif de fusion beaucoup plus compact, appelé tokamak sphérique. « Nous sommes fiers d’avoir réalisé cette percée qui nous rapproche un peu plus de la fourniture au monde d’une nouvelle source d’énergie sûre et sans carbone », a déclaré Chris Kelsall, PDG de Tokamak Energy.

Un tokamak sphérique possède un solénoïde central beaucoup plus étroit qu’un tokamak classique. Les aimants ne sont pas disposés de la même manière : ils se rejoignent au centre de la chambre du réacteur et sont ainsi beaucoup plus proches du flux de plasma ; les aimants utilisés sont plus petits, utilisent moins d’énergie, mais génèrent des champs magnétiques plus intenses. Le ST-40 de Tokamak Energy repose en particulier sur des aimants supraconducteurs à haute température (ou HTS pour High Temperature Superconducting), capables de fonctionner entre -250 °C et -200 °C — soit à peu près la température de l’azote liquide, ce qui permet de les maintenir froids à moindre coût.

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Une forme de plasma optimale, des champs magnétiques plus intenses

Dans les années 1980, l’un des fondateurs de Tokamak Energy, Alan Sykes, qui travaillait à l’époque au Culham Center for Fusion Energy, a mené une étude théorique qui a révélé que la modification de la forme du tokamak aurait un impact sur ses performances : en passant d’un anneau de plasma en forme de beignet (typique d’un tokamak torique) à un anneau de plasma en forme de pomme, le plasma est contenu plus efficacement. Ce concept de tokamak sphérique a été combiné avec le confinement magnétique amélioré fourni par les aimants HTS.

vue coupe tokamak sphérique
Vue en coupe d’un réacteur tokamak sphérique. © Tokamak Energy

Les champs magnétiques sont essentiels au fonctionnement d’un tokamak : ce sont eux qui permettent de confiner les particules de plasma chargées électriquement. Pour générer ces champs magnétiques, Tokamak Energy a donc misé sur les aimants HTS, constitués d’oxydes mixtes de baryum, de cuivre et de terre rare (appelés REBCO), fabriqués en bandes étroites de moins de 0,1 mm d’épaisseur. Enroulés en bobines, ils créent des champs magnétiques beaucoup plus élevés, tout en occupant moins d’espace que les aimants supraconducteurs traditionnels. En outre, ils peuvent fonctionner à des températures légèrement plus élevées, ce qui permet d’économiser de l’énergie.

bobines tokamak sphérique
Gros plan montrant les bobines de champ du réacteur. © Tokamak Energy

Le système conçu par la société comprend 14 branches de champ toroïdal, une colonne centrale et une paire de bobines de champ poloïdal. La combinaison des deux champs permet de confiner le plasma chaud et de le maintenir éloigné des parois de la chambre à vide. La colonne centrale comporte un grand solénoïde, qui maintient un courant dans le plasma pour le stabiliser. Les bobines de champ poloïdal contrôlent la forme et la position du plasma chaud ; les bobines de déviation (centrale, supérieure et inférieure) étirent le plasma verticalement et guident son échappement vers une zone bien définie d’où il peut être efficacement éliminé.

Un tokamak au plus proche de la fusion commerciale

À noter que le ST-40 utilise une nouvelle technique pour générer et chauffer le plasma, dénommée Merging Compression (compression par fusion), qui ne repose pas sur le solénoïde central. Cette méthode implique la formation de plasma autour de deux bobines de champ poloïdal dans la cuve, suivie d’un événement de reconnexion magnétique après lequel le plasma peut être comprimé, explique l’équipe de Tokamak Energy. Elle permet d’atteindre à la fois un courant plasma élevé et des températures élevées à des densités pertinentes pour la fusion.

Les réacteurs à fusion sphériques sont plus petits et s’avèrent plus rentables que les tokamaks toriques ; le plasma est en outre beaucoup plus stable. « Lorsqu’ils sont combinés avec des aimants HTS, les tokamaks sphériques représentent la voie optimale pour obtenir une énergie de fusion commerciale propre et à faible coût », résume le PDG. Les deux technologies ont en tout cas permis d’atteindre un nouveau record de température, vérifié et confirmé par un comité consultatif indépendant composé d’experts internationaux.

Forte de ce succès, Tokamak Energy travaille désormais sur une nouvelle génération de réacteur, le ST-HTS. Il devrait être mis en service vers 2025 et servira à démontrer plusieurs technologies avancées requises pour l’énergie de fusion, qui seront exploitées dans la première usine de fusion au monde, que l’entreprise ambitionne de lancer au début des années 2030. L’énergie de fusion nucléaire serait une source d’énergie idéale, car elle est sûre, repose sur des combustibles inépuisables, et la réaction ne produit pas de dioxyde de carbone ni de déchets radioactifs à vie longue. Les tokamaks sphériques pourraient déboucher plus rapidement que leurs homologues toriques sur une exploitation commerciale de cette énergie.

Source : Tokamak Energy

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