Des chercheurs ont mis au point la première « image » de la matière noire, reliant les galaxies entre elles dans l’Univers.
Lorsque vous imaginez l’Univers, il est possible que vous pensiez à un environnement sombre et vide, rempli de millions de galaxies, contenant chacune plusieurs milliards d’étoiles… Bien entendu, la réalité est bien plus compliquée que cela : apparemment, les galaxies séparées sont connectées entre elles par le biais de vastes toiles intergalactiques invisibles, composées de véritables filaments de matière noire.
Bien que cela puisse être difficile à imaginer, grâce à une utilisation intelligente de l’effet de lentille gravitationnelle, nous pourrions être en mesure de visualiser ces filaments. C’est ce qu’a fait une équipe d’astronomes de l’Université de Waterloo au Canada, utilisant de ce fait l’effet de lentille gravitationnelle pour observer ce qui ne peut être vu de manière ordinaire.
Rappelons ce qu’est la matière noire : si vous utilisez un télescope, ce que vous pourrez directement détecter et voir, ne représente que le 5% de l’Univers observable. Il s’agit de la matière dite ordinaire. Environ 68% représentent l’énergie sombre qui, si elle existe, rempli de manière uniforme tout l’Univers et est dotée d’une pression négative, qui la fait se comporter comme une force gravitationnelle répulsive. Puis, il y a la matière noire, qui est différente, et compose environ 27% de l’Univers. Tout comme l’énergie sombre, nous pouvons détecter son effet, mais sans réellement comprendre son fonctionnement.
En gros, l’effet de la matière noire est principalement la gravité : mais bien que la plupart des matériaux possédant une masse semblent soit émettre ou absorber de la radiation électromagnétique (ou du moins interagir avec les forces nucléaires), les amas de matière noire se trouvent simplement là, sans forcément répondre à quoi que ce soit d’autre dans l’Univers.
Jusqu’à présent, nous avons été en mesure d’évaluer la position et la quantité approximative de la matière noire, en cartographiant les étoiles et les galaxies ainsi qu’en déterminant leurs mouvements et leurs positions. Cela nous a renseignés sur le fait que la matière dite ordinaire (et visible), ainsi que la matière noire, ont tendance à former des amas, avec la matière noire formant des « halos » autour du gaz incandescent, des étoiles, ainsi que de nuages sombres de poussière.
Nous savons également depuis un certain temps que la matière noire ressemble à des sortes de cordes, séparées en bandes par l’étirement de l’Univers. Cela signifie également que les galaxies ont tendance à s’installer le long de ces filaments, formant de ce fait des superamas interconnectés qui s’étirent non seulement dans l’espace, mais également dans le temps lui-même.
Savoir que la matière noire s’étend entre les galaxies visibles dans l’Univers est une chose, mais réussir à réellement « voir » la matière noire, en est une autre. « Depuis des décennies, les chercheurs ont prédit l’existence des filaments de matière noire entre les galaxies, qui agissent comme une superstructure en forme de bande, reliant ces galaxies entre elles », explique le chercheur Mike Hudson. « Cette image nous projette au-delà des prévisions, c’est quelque chose que nous pouvons voir et mesurer », ajoute-t-il.
Quand la lumière passe à travers une masse, comme une galaxie par exemple, elle dérive avec les courbes provoquées par l’effet de lentille gravitationnelle. C’est en combinant plus de 23’000 images différentes de galaxies, situées à environ 4,5 milliards d’années-lumière de la Terre, que les astronomes ont pu utiliser de légères variations dans ces dernières pour édifier une carte relativement détaillée de ces ponts de matière noire les reliant.
« En utilisant cette technique, nous ne sommes pas seulement en mesure de confirmer l’existence des filaments de matière noire dans l’univers, mais nous sommes également en mesure de voir dans quelle mesure ces derniers relient les galaxies entre elles », explique Seth Epps, co-auteur de l’étude.
Par exemple, les filaments de matière noire semblent être plus forts lorsqu’ils se trouvent entre des amas de galaxies, situées à moins de 40 millions d’années-lumière de distance. Ajouter les données de cette nouvelle découverte aux cartes existantes de l’espace, pourrait révéler de nouveaux détails concernant cette forme de matière encore si peu connue et nous en apprendre plus sur la manière dont l’Univers a évolué.