Le constructeur automobile japonais vient de breveter un système autonome conçu pour alimenter un véhicule sur demande, que ce soit pour remplir le réservoir de carburant, charger la pile à hydrogène ou la batterie. L’invention n’est pas sans rappeler les avions militaires capables de ravitailler d’autres aéronefs en plein vol.
Les documents de dépôt de demande de brevet font état d’un « véhicule autonome », constitué d’une zone de stockage, d’un mécanisme de distribution de carburant et d’un contrôleur central. En théorie, l’engin serait capable d’effectuer plusieurs ravitaillements le long d’un même itinéraire avant de repartir vers sa base de chargement. En revanche, aucune précision n’est apportée quant aux conditions dans lesquelles il peut recharger le véhicule ; ce dernier doit-il se trouver à l’arrêt ou le plein peut-il être fait pendant le déplacement ?
Une chose est sûre, le conducteur n’aurait strictement rien à faire, si ce n’est rester sur son siège et attendre patiemment la fin de l’opération. Bientôt la disparition des stations-service ? Non, certainement pas. Il y a peu de chance que la technologie soit mise en production dans un futur proche. En outre, plusieurs technologies de recharge concurrentes pourraient éclipser ce projet avant même qu’un prototype ne soit développé.
Un ravitaillement « à la volée »
Grâce aux nombreux indicateurs et signaux sonores dont disposent les véhicules aujourd’hui, il est beaucoup plus rare de tomber en panne d’essence ou de batterie. Plus rare, mais cela peut tout de même se produire, ne serait-ce que parce que l’on a mal estimé la distance qui nous sépare du prochain point de ravitaillement. L’invention de Toyota permettrait ainsi d’éliminer totalement ce type de mésaventure, notamment pour les véhicules électriques ou à hydrogène, dont les stations de recharge sont beaucoup plus rares. Il s’agirait également (dans le cas d’un ravitaillement sur route) de permettre aux chauffeurs routiers qui le souhaitent de ne plus dépendre du ravitaillement pour planifier leurs pauses, et d’ainsi obtenir des trajets plus efficients.
Car d’après le brevet, le système pourrait théoriquement fonctionner avec n’importe quelle source d’énergie : essence, électricité ou hydrogène. Selon les plans fournis, l’appareil autonome pourra détecter le véhicule dans le besoin grâce à son GPS intégré. Puis, il pourra se rapprocher en toute sécurité du véhicule et du point de remplissage/recharge grâce aux capteurs de proximité et aux ports de carburant automatisés dont il sera doté.
En revanche, les documents ne mentionnent pas la moindre intervention du conducteur, ce qui semble peu réaliste. Et pour cause, les ouvertures de réservoirs d’essence et les ports de chargement de batteries sont en effet trop différents selon les marques et modèles de voitures pour que l’engin puisse tous les prendre en charge (à moins que Toyota ne parvienne à développer un système de connexion particulièrement polyvalent).
Pourra-t-il fonctionner en cours de route, à la manière des avions ravitailleurs ? Le constructeur automobile n’est pas très clair sur ce point. Pour des raisons de sécurité, il est probable que l’engin ne fonctionne qu’avec des véhicules à l’arrêt. Toutefois, le brevet est titré « On-the-fly autonomous vehicle refueling and recharging », ce qui pourrait laisser entendre que l’engin est capable d’exécuter sa tâche tout en roulant. Les dessins qui accompagnent le descriptif n’apportent guère plus de précisions à ce sujet.
Une industrie automobile pas encore prête
Bien évidemment, une technologie comme celle-ci ne sillonnera pas les routes publiques de sitôt. Pourquoi cet engin de ravitaillement autonome n’est-t-il pas près de voir le jour ? Selon les experts, les véhicules « intelligents » existants aujourd’hui n’ont pas encore atteint le niveau d’autonomie suffisant pour permettre la mise en œuvre d’un tel système de ravitaillement. En effet, à l’heure actuelle, selon la grille d’évaluation établie par SAE International, les voitures autonomes du marché se situent au niveau 2. Qu’est-ce que cela signifie ? Cette grille définit six niveaux d’autonomie, permettant de classer les systèmes autonomes selon ce qu’ils sont capables de faire et ne pas faire.
Ainsi, au niveau 0, le conducteur a le contrôle total de toutes les fonctions principales du véhicule. Le niveau 2 correspond à une automatisation partielle. Autrement dit, dans certaines situations, le conducteur peut déléguer le contrôle longitudinal et latéral du véhicule au système. En revanche, il reste responsable de la supervision, continue à surveiller les alentours et doit être capable de reprendre la main à tout moment. Au niveau 5, un véhicule serait complètement autonome et ne nécessiterait aucune intervention de son conducteur dans la plupart des situations.
À titre d’exemple, le régulateur de vitesse adaptatif est considéré comme une fonction de niveau 1, mais lorsqu’il est associé à la fonction de centrage de voie (comme chez Tesla), le véhicule atteint le niveau 2. D’après la classification de SAE, des véhicules équipés de systèmes capables de gérer l’accélération, le freinage et la direction dans un trafic dense, avec arrêts multiples — type embouteillages — sont considérés comme des véhicules autonomes de niveau 3.
Aucun constructeur, y compris Tesla, n’a pour le moment introduit cette fonctionnalité. Audi avait prévu d’en équiper son modèle A8, mais s’est finalement ravisé. Honda devrait en revanche faire figure de pionnier en la matière : le constructeur japonais vient de recevoir l’approbation réglementaire du ministère japonais du Territoire, des infrastructures, des transports et du tourisme (MLIT) pour mettre sur le marché sa nouvelle Honda Legend autonome de niveau 3. Les premiers véhicules devraient être commercialisés au printemps 2021. De plus, la marque a d’ores et déjà annoncé son intention de concevoir des véhicules de niveau 4 d’ici 2025.
En attendant, le système de ravitaillement autonome pensé par Toyota ne pourra être envisageable que lorsque des véhicules autonomes de niveau 5 feront l’objet d’un marché de masse et seront autorisés à circuler librement. Il faudra donc un certain temps avant de voir apparaître ces petits engins de secours sur les routes.