Des archéologues ont mis au jour une mâchoire partielle d’Homo erectus vieille de 1,8 million d’années sur le site d’Orozmani, en République de Géorgie. Découvert à proximité d’un autre gisement où de nombreux ossements d’Homo erectus avaient déjà été exhumés, ce fossile pourrait figurer parmi les plus anciens restes humains jamais trouvés hors d’Afrique. Il constituerait ainsi un indice précieux de la première migration de nos ancêtres au-delà du continent africain.
Plusieurs vagues de migration des espèces du genre Homo d’Afrique vers l’Eurasie se sont produites, depuis le Paléolithique inférieur (il y a 2,5 millions d’années) jusqu’à des périodes beaucoup plus récentes, contrairement à ce qu’indiquent parfois certaines sources. La première d’entre elles, connue sous le nom de « Out of Africa I », correspond au moment où le genre commença à quitter le continent pour explorer d’autres territoires. Elle ne doit pas être confondue avec la seconde grande migration, dite « Out of Africa II », survenue chez Homo sapiens il y a environ 200 000 ans.
H. erectus, apparu en Afrique il y a près de 2 millions d’années, est considéré comme la première espèce du genre Homo à avoir franchi les frontières africaines lors de cette première migration. Il a occupé certaines régions d’Europe, d’Asie et d’Océanie. Les plus anciens fossiles attribués à cette espèce et connus à ce jour, datés entre 1,77 et 1,85 million d’années, proviennent du site de Dmanissi, en République de Géorgie.
Cependant, la date précise de la migration d’H. erectus hors d’Afrique ainsi que sa répartition géographique exacte font l’objet de débats, faute de preuves fossiles suffisantes. Les vestiges de l’espèce sont en effet bien plus rares que les outils ou les restes d’animaux qu’elle consommait. Selon les archéologues de l’Université d’État d’Ilia à Tbilissi, la mâchoire d’Orozmani pourrait bien représenter le plus ancien spécimen découvert en dehors d’Afrique.
« C’est officiel ! La mâchoire inférieure d’un homme vieux de 1,8 million d’années a été découverte à Orozmani », a déclaré dans une publication Facebook de l’Ambassade de France en Géorgie Giorgi Bidzinashvili, professeur d’archéologie de l’âge de pierre à l’Université d’État d’Ilia et l’un des principaux responsables du projet.
Un fossile qui éclaire la première dispersion humaine
Le fossile a été mis au jour sur un site relativement restreint, situé à une centaine de kilomètres au sud de Tbilissi et à une vingtaine de kilomètres de Dmanisi. Il s’agit de la moitié inférieure d’une mâchoire, encore pourvue de deux dents. Ce n’est pas la première découverte du genre sur le site : une dent isolée avait déjà été trouvée en 2022 dans la même couche sédimentaire.
Jusqu’alors, les fouilles d’Orozmani n’avaient révélé que des restes d’animaux (tigres à dents de sabre, loups, éléphants, cerfs ou girafes) et des outils en pierre. L’annonce de ces nouveaux fragments par l’Agence nationale géorgienne pour la préservation du patrimoine culturel marque donc une avancée décisive, offrant aux chercheurs un portrait plus complet d’H. erectus.
Une présence humaine plus étendue qu’on ne le pensait
Les datations chimiques des coulées de lave recouvrant Dmanisi et Orozmani situent ces sites entre 1,825 et 1,765 million d’années. Bien que la découverte d’Orozmani ne concerne qu’une mâchoire partielle et deux dents, elle confirme que Dmanisi n’était pas une singularité : en trente ans de fouilles, ce dernier site a livré plus de cent ossements, dont cinq crânes.
Pour les spécialistes, ces trouvailles indiquent que plusieurs groupes humains primitifs se sont établis dans le Caucase après leur départ d’Afrique. Les crânes fossilisés montrent qu’ils étaient sensiblement plus petits que les Homo sapiens actuels et dotés d’un cerveau moins volumineux. La nouvelle découverte « devrait révéler les raisons de la migration des premiers hominidés hors d’Afrique », a expliqué Bidzinashvili au média Live Science.
« Peut-être que nous constatons que ce mouvement vers la Géorgie n’était pas un incident isolé, mais qu’Homo erectus était peut-être plus largement réparti à cette époque », a estimé Karen Baab, anthropologue biologique à l’Université Midwestern de Glendale, citée par le média américain.
De nouvelles analyses seront toutefois nécessaires pour affiner la datation du fossile, une étape que les chercheurs espèrent franchir d’ici la fin de l’année. Seule cette confirmation permettra de déterminer si la mâchoire d’Orozmani constitue effectivement le plus ancien témoin d’Homo hors d’Afrique.