Il y a trois milliards d’années, la planète rouge et poussiéreuse que nous contemplons actuellement était un monde bien différent, et aurait pu accueillir la vie. Récemment, des scientifiques américains ont révélé des preuves tangibles et robustes de la présence d’un ancien océan sur Mars, mettant un terme à un débat concernant le passé océanique d’une partie cette planète, maintenant froide et gelée. Ces découvertes pourront certainement nous éclairer quant à la possible émergence de vie martienne.
En 2013, soit il y a près de 10 ans, des chercheurs du California Institute of Technology (Caltech) ont découvert des preuves d’un ancien delta sur Mars où une rivière aurait pu se jeter dans un vaste océan. Pour les auteurs de l’étude, cet océan, s’il existait, aurait pu recouvrir une grande partie de l’hémisphère nord de Mars, s’étendant sur près d’un tiers de la planète.
Des images satellites montraient qu’une zone, faisant partie d’une région plus vaste appelée Aeolis Dorsa (la zone d’étude actuelle), présentait des structures en canaux inversés ou crêtes fluviales. Ces derniers se forment lorsque des matériaux grossiers comme de gros graviers et des galets sont transportés le long des rivières et déposés sur le fond, s’accumulant avec le temps. Leur disposition topographique concordait avec l’hypothèse d’un delta de rivière se jetant dans un océan. Bien que ces découvertes soient loin de prouver l’existence même d’un océan ancien, elles fournissaient l’un des soutiens les plus solides jusque-là.
Puis d’autres preuves sont venues s’accumuler confirmant la présence ancienne d’eau, sans jamais apporter la preuve formelle de la présence d’un océan, autrement que par modélisation.
Récemment, des chercheurs de l’Université de Penn State ont publié, dans la revue Journal of Geophysical Research: Planets, un ensemble de cartes topographiques fournissant de nouvelles preuves d’un ancien océan nordique sur Mars. Les cartes offrent le cas le plus solide à ce jour selon lequel la planète a déjà connu une élévation du niveau de la mer compatible avec un climat chaud et humide prolongé, et non le paysage dur et gelé qui existe aujourd’hui.
Une réponse sans équivoque à un débat scientifique de longue date
Il y a longtemps eu un débat dans la communauté scientifique sur la question de savoir si Mars avait un océan dans son hémisphère nord à basse altitude, explique Benjamin Cardenas, professeur adjoint de géosciences à Penn State et auteur principal de l’étude. En 2015, la NASA réaffirmait l’hypothèse d’un océan primitif sur Mars contenant plus d’eau que l’océan Arctique terrestre, sur la base d’observatoires au sol, et des mesures de signatures d’eau dans l’atmosphère de la planète rouge.
Il y a environ 4,3 milliards d’années, Mars aurait donc eu assez d’eau pour recouvrir toute sa surface d’une couche liquide d’environ 137 mètres de profondeur. Plus probablement, l’eau aurait formé un océan occupant près de la moitié de l’hémisphère nord, atteignant dans certaines régions des profondeurs supérieures à 1,6 kilomètre.
Dans l’étude actuelle, à l’aide de données topographiques, l’équipe de recherche a pu montrer des preuves définitives d’un littoral vieux d’environ 3,5 milliards d’années avec une accumulation sédimentaire substantielle, d’au moins 900 mètres d’épaisseur, qui couvrait des centaines de milliers de kilomètres carrés.
Concrètement, l’équipe a utilisé un logiciel développé par l’United States Geological Survey pour cartographier les données de la NASA et de l’altimètre laser Mars Orbiter. Ils ont découvert plus de 6500 kilomètres de crêtes fluviales, à l’image de celles à peine dévoilées en 2015 par la NASA, et les ont regroupées en 20 systèmes pour montrer que les crêtes sont probablement des deltas fluviaux érodés ou des ceintures de canaux sous-marins, les vestiges d’un ancien littoral martien.
Utiliser la stratigraphie terrestre, mais sur Mars
Benjamin Cardenas déclare dans un communiqué : « La grande nouveauté que nous avons dans cet article a été de penser à Mars en termes de stratigraphie et d’enregistrement sédimentaire. Sur Terre, nous retraçons l’histoire des voies navigables en examinant les sédiments qui se déposent au fil du temps. Nous appelons cela la stratigraphie, l’idée que l’eau transporte les sédiments et que vous pouvez mesurer les changements sur Terre en comprenant la façon dont ces sédiments s’accumulent. C’est ce que nous avons fait ici, mais avec Mars ».
Les éléments des formations rocheuses, tels que les épaisseurs du système de crêtes, les élévations, les emplacements et les directions possibles des flux sédimentaires, ont aidé l’équipe à comprendre l’évolution de la paléogéographie de la région. La zone qui était autrefois l’océan est maintenant connue sous le nom d’Aeolis Dorsa, comme mentionné précédemment, et contient la collection de crêtes fluviales la plus dense de la planète.
De plus, Cardenas et ses collègues ont cartographié ce qu’ils ont déterminé être d’autres anciennes voies navigables sur Mars. Une étude à venir dans le Journal of Sedimentary Research montre que divers affleurements visités par le rover Curiosity étaient probablement des strates sédimentaires d’anciennes barres fluviales.
Sans compter qu’un autre article publié dans Nature Geoscience applique une technique d’imagerie acoustique, utilisée pour visualiser la stratigraphie sous le fond marin du golfe du Mexique, à un modèle d’érosion du bassin de type Mars. Les chercheurs confirment que les crêtes fluviales sur Mars sont probablement d’anciens dépôts fluviaux érodés à partir de grands bassins similaires à Aeolis Dorsa.
Recherche de vie martienne
Le chercheur fait remarquer que les roches de cette zone, comme toute roche sédimentaire sur Terre, capturent des informations sur l’état de l’océan, l’évolution du climat et de la vie. Il ajoute : « C’était dynamique. Le niveau de la mer a considérablement augmenté. Des roches se déposaient le long de ses bassins à un rythme rapide. Il y a eu beaucoup de changements ici ».
Si les scientifiques veulent trouver un enregistrement de la vie sur Mars, un océan aussi grand que celui qui couvrait autrefois Aeolis Dorsa serait l’endroit le plus logique pour commencer. En effet, la géographie estimée par les auteurs de l’étude corrobore l’idée que cette zone aurait été alimentée par des sédiments provenant des hautes terres, vraisemblablement porteuses de nutriments.
Benjamin Cardenas explique : « S’il y avait eu des marées sur l’ancienne Mars, elles auraient été ici, apportant et sortant doucement de l’eau. C’est exactement le type d’endroit où l’ancienne vie martienne aurait pu évoluer ».