Il ne s’agit que d’un essai préliminaire, mais les résultats obtenus par la société américaine Atara Biotherapeutics sont très encourageants. Le traitement est basé sur une nouvelle immunothérapie ciblant les cellules infectées par le virus d’Epstein-Barr — plusieurs recherches ayant établi un lien entre ce virus et le développement de la sclérose en plaques. Sur les 24 patients qui ont bénéficié du traitement, 20 ont constaté une amélioration de leurs symptômes. Des scintigraphies cérébrales suggèrent par ailleurs que certaines cellules nerveuses endommagées par la maladie auraient été « réparées ».
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune qui provoque des lésions dans le système nerveux central ; le système immunitaire attaque les cellules de la gaine de myéline, qui entoure les fibres nerveuses, comme s’il s’agissait de cellules étrangères. À plus ou moins long terme, ces lésions entraînent des perturbations au niveau des fonctions motrices, sensitives et cognitives, pouvant mener à un handicap irréversible. Les traitements actuels permettent de réduire les poussées et d’améliorer la qualité de vie des malades souffrant de la forme dite « rémittente » de la maladie, mais aucun traitement curatif n’existe à ce jour.
Les facteurs de risque de la SEP sont encore mal connus. En plus de la prédisposition génétique, divers facteurs, notamment environnementaux, peuvent influencer le développement de cette maladie. Plusieurs études ont néanmoins mis en évidence un lien fortement probable entre l’infection par le virus d’Epstein-Barr (EBV) — un virus très commun, responsable de la mononucléose infectieuse — et la survenue de la maladie. Une étude publiée récemment dans Science a notamment montré que le risque de SEP est multiplié par 32 après une infection par l’EBV (alors qu’il n’augmentait pas après une infection par d’autres virus, y compris le cytomégalovirus, qui se transmet de manière similaire).
Un mimétisme moléculaire à l’origine de la maladie
La forme rémittente de la SEP — qui représente 85% des cas lorsque la maladie se déclare — évolue sous forme de poussées, espacées par des périodes de rémission plus ou moins longues ; les premières années, la récupération après une poussée peut être complète. Mais au fil du temps, la maladie évolue vers une forme dite « progressive », caractérisée par une aggravation lente et continue des symptômes neurologiques, sans aucune rémission ; certaines personnes peuvent souffrir d’une SEP progressive dès le début de la maladie, et il existe peu de traitements pour cette forme spécifique.
Une étude publiée au début de l’année dans Nature a mis en évidence « un mimétisme moléculaire de haute affinité » entre le facteur de transcription de l’EBV et la molécule d’adhérence des cellules gliales du système nerveux central ; en d’autres termes, l’une des protéines produites par EBV est très similaire à une protéine produite dans le système nerveux central. Ainsi, une réponse immunitaire ciblant la protéine virale est susceptible de s’attaquer par erreur à la protéine du système nerveux. Or, après avoir infecté une personne, le virus demeure latent dans son organisme et peut potentiellement se réactiver, entraînant la réponse immunitaire associée — c’est ce qui causerait l’apparition de la SEP.
Sur la base des recherches antérieures explorant l’implication d’EBV, la société Atara Biotherapeutics a développé un nouveau traitement, baptisé ATA188, qui consiste à injecter des lymphocytes T ciblant spécifiquement les cellules B et les plasmocytes infectés par EBV à des patients atteints de SEP. « Il existe de plus en plus de preuves solides que les lymphocytes B et les plasmocytes infectés par EBV jouent un rôle essentiel dans la pathogenèse de la sclérose en plaques », a déclaré AJ Joshi, médecin-chef chez Atara Biotherapeutics.
Une potentielle réparation des lésions nerveuses
L’essai a impliqué 24 personnes atteintes de SEP progressive. Les cellules immunitaires provenaient de donneurs ayant été infectés par EBV et ont été immunologiquement appariées pour éviter le rejet par l’organisme du receveur. La société rapporte que sur ces 24 patients, 20 ont vu leur état se stabiliser, voire s’améliorer. « Aucun événement indésirable fatal, de grade >3, de toxicité limitant la dose, de syndrome de libération de cytokine ou de maladie du greffon contre l’hôte n’a été observé », ajoute l’entreprise dans un communiqué.
En outre, en examinant les lésions cérébrales des participants — à l’aide d’une technique d’imagerie appelée Magnetisation Transfer Ratio (MTR), qui permet de mesurer la densité de la myéline — les chercheurs ont également relevé des changements structurels suggérant une remyélinisation, ce qui pourrait signifier une inversion des dommages causés par la SEP. « Il est important de noter qu’une augmentation du signal d’imagerie MTR suggérant une remyélinisation a été observée chez les patients qui ont obtenu une amélioration soutenue de l’EDSS [ndlr : Expanded Disability Status Scale, une échelle utilisée pour évaluer le degré de handicap d’un patient] », précise le Dr Joshi.
Selon les chercheurs, les signes de remyélinisation peuvent se produisent très tôt parallèlement à l’amélioration clinique. Cet effet reste toutefois à confirmer, d’autant plus que cet essai de phase I a été réalisé sur un groupe très restreint, sans placebo ni groupe témoin. La société recrute actuellement 80 personnes supplémentaires pour mener un essai de phase II. À noter qu’EBV est également suspecté de causer d’autres maladies auto-immunes, comme le lupus ou le diabète de type 1 ; Atara Biotherapeutics prévoit d’évaluer l’efficacité de son traitement sur ces autres maladies.