Pourquoi le travail cognitif intense fatigue-t-il autant ? Voici enfin l’explication scientifique

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Aprรจs une longue journรฉe de travail mental difficile, il nโ€™est pas rare dโ€™รฉprouver un sentiment dโ€™รฉpuisement et de se tourner vers des activitรฉs nรฉcessitant le moindre effort. Pourquoi le cerveau ne peut-il pas calculer en continu ? Des chercheurs montrent que lorsqu’un travail cognitif intense se prolonge pendant plusieurs heures, des produits potentiellement toxiques s’accumulent dans la partie du cerveau appelรฉe cortex prรฉfrontal latรฉral. Cela dรฉclenche un mรฉcanisme de rรฉgulation qui altรจre alors le contrรดle des dรฉcisions ร  prendre.

ร€ la fin dโ€™une dure journรฉe de travail intellectuel, nous nous sentons fatiguรฉs et peu aptes ร  prendre des dรฉcisions importantes. Cโ€™est tout ร  fait normal, et la raison se situe dans le cortex prรฉfrontal latรฉral de notre cerveau, dโ€™aprรจs une nouvelle รฉtude parue dans Current Biology. Les chercheurs rappellent que mรชme les joueurs d’รฉchecs professionnels commencent ร  faire des erreurs โ€” gรฉnรฉralement aprรจs 4 ou 5 heures de jeu โ€” qu’ils ne feraient pas sโ€™ils รฉtaient bien reposรฉs.

Cependant, la raison pour laquelle l’exercice du contrรดle cognitif est รฉpuisant n’est pas claire. ยซย Des thรฉories influentes ont suggรฉrรฉ que la fatigue est une sorte d’illusion fabriquรฉe par le cerveau pour nous faire arrรชter ce que nous faisons et nous tourner vers une activitรฉ plus gratifianteย ยป, explique dans un communiquรฉ le co-auteur de lโ€™รฉtude Mathias Pessiglione, de l’universitรฉ Pitiรฉ-Salpรชtriรจre ร  Paris.

Le cerveau a besoin de recycler les substances nocives issues du travail cognitif

Les neuroscientifiques ont posรฉ lโ€™hypothรจse que des changements mรฉtaboliques dans le cerveau pouvaient รชtre ร  lโ€™origine des effets de la fatigue mentale. Plus prรฉcisรฉment, le cerveau aurait besoin de recycler les substances potentiellement toxiques issues de l’activitรฉ neuronale. ยซย Nos rรฉsultats montrent que le travail cognitif entraรฎne une vรฉritable altรฉration fonctionnelle – l’accumulation de substances nocives – et la fatigue serait donc bien un signal qui nous pousse ร  arrรชter de travailler, mais dans un but diffรฉrent : prรฉserver l’intรฉgritรฉ du fonctionnement du cerveau ยป, continue Pessiglione.

24 participants sur un total de 40 ont รฉtรฉ conviรฉs ร  effectuer des tรขches ยซย difficilesย ยป, par exemple regarder des lettres apparaรฎtre sur un รฉcran d’ordinateur toutes les 1,6 seconde et noter quand l’une d’elles correspondait ร  une lettre apparue trois lettres auparavant. Les 16 autres participants ont effectuรฉ des tรขches similaires, mais plus faciles. Les deux รฉquipes ont travaillรฉ pendant un peu plus de six heures, avec des moments consacrรฉs ร  des prises de dรฉcisions รฉconomiques.

L’รฉquipe de recherche a utilisรฉ la spectroscopie par rรฉsonance magnรฉtique (SRM) pour mesurer les niveaux de glutamate dans le cortex prรฉfrontal latรฉral chez les deux groupes au cours de la journรฉe. Les participants qui avaient travaillรฉ sur la tรขche la plus difficile avaient accumulรฉ plus de glutamate dans cette rรฉgion du cerveau ร  la fin de la journรฉe, par rapport ร  ceux qui avaient travaillรฉ sur la tรขche la plus facile.

Par ailleurs, les marqueurs de fatigue liรฉs aux choix n’รฉtaient prรฉsents que dans le groupe plus sollicitรฉ mentalement, avec une rรฉduction de la dilatation des pupilles pendant la prise de dรฉcision et une prรฉfรฉrence pour des activitรฉs proposant des rรฉcompenses ร  court terme avec peu d’effort.

Le mรฉcanisme de rรฉgulation rend l’activation du cortex prรฉfrontal latรฉral plus difficile

ยซย Associรฉs aux donnรฉes antรฉrieures de lโ€™imagerie par rรฉsonance magnรฉtique fonctionnelle, ces rรฉsultats soutiennent un modรจle neuro-mรฉtabolique dans lequel l’accumulation de glutamate dรฉclenche un mรฉcanisme de rรฉgulation qui rend l’activation du cortex prรฉfrontal latรฉral plus coรปteuse, expliquant pourquoi le contrรดle cognitif est plus difficile ร  mobiliser aprรจs une journรฉe de travail intenseย ยป, rรฉsument les auteurs de lโ€™รฉtude, laquelle pourrait ainsi aider ร  dรฉtecter une fatigue mentale grave.

En outre, ces mรชmes marqueurs de fatigue dans le cerveau pourraient peut-รชtre permettre de prรฉdire l’apparition de certaines maladies affectant le cerveau, telles que la dรฉpression ou le cancer. Dans de futurs travaux, les chercheurs espรจrent รฉgalement comprendre pourquoi le cortex prรฉfrontal semble particuliรจrement sensible ร  l’accumulation de glutamate et ร  la fatigue.

Sourceย : Current Biology

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