Des « tremblements de glace » détectés pour la première fois dans un courant glaciaire au Groenland

Une dynamique influençant l’élévation du niveau de la mer due à la calotte groenlandaise.

tremblements glace detectes premiere fois courant gele groenland couv
| Trust My Science
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Une équipe internationale de chercheurs a détecté pour la première fois des milliers de petits « tremblements de glace » à l’intérieur du courant de glace du Nord-Est du Groenland (NEGIS), le plus grand de la région. Alors qu’on pensait initialement que ce type de courant s’écoulait vers l’océan comme du miel épais, les nouvelles données indiquent qu’il alterne également avec des mouvements saccadés. Ces résultats permettraient de modéliser avec davantage de précision la dynamique des courants de glace et des variations du niveau de la mer qui en découlent.

Les courants de glace sont des flux de glace qui transportent celle-ci de l’intérieur des calottes vers la mer. Les changements dans leur dynamique influencent leur impact sur l’élévation du niveau de la mer. On estime par exemple que NEGIS contribue annuellement à 5% de l’élévation totale du niveau de la mer.

Pour modéliser l’influence des courants de glace sur l’élévation du niveau de la mer, les climatologues s’appuyaient jusqu’ici sur l’hypothèse selon laquelle ils s’écoulent lentement et régulièrement comme du miel épais. Cependant, la précision de ces modèles est fortement limitée, principalement en raison de la difficulté à effectuer des mesures in situ.

En conséquence, il existe un écart que les chercheurs ne parvenaient pas jusqu’ici à expliquer entre les résultats de ces modèles et les données satellites. Cela provoque des incertitudes significatives dans les estimations de la masse de glace entraînée par les courants et de l’élévation du niveau de la mer qui en résulte.

La nouvelle étude codirigée par l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zurich) met pour la première fois en évidence des tremblements internes influençant le mouvement des courants de glace. « L’hypothèse selon laquelle les courants de glace ne s’écoulent que comme du miel visqueux ne se tient plus. Ils se déplacent également avec un mouvement de glissement-collage constant », explique dans un communiqué Adreas Fichtner de l’ETH Zürich, auteur principal de la recherche. Ce phénomène pourrait d’ailleurs expliquer l’écart entre les mesures satellitaires et les données des modèles précédents.

negis groenland
Carte montrant l’emplacement du NEGIS et de la station de recherche de l’équipe. © ETH Zürich

Des mouvements saccadés et irréguliers

Pour effectuer leurs mesures, les chercheurs ont effectué un forage de 2700 mètres de profondeur au niveau du NEGIS, à environ 400 kilomètres de la côte groenlandaise. Ils ont ensuite inséré un câble à fibre optique pour relever les tremblements internes jusqu’à 1500 mètres de profondeur. Les mouvements du courant de glace ont été enregistrés en continu pendant 14 heures.

NEGIS est le plus grand courant glaciaire du Groenland et se déplace vers la mer à une vitesse d’environ 50 mètres par an. L’équipe de la nouvelle étude a constaté que ce mouvement est influencé par des milliers de petits tremblements qui se déclenchent mutuellement, à la manière d’un effet domino, et se propagent sur des centaines de mètres. Cela provoque des mouvements saccadés et irréguliers, plutôt que fluides et réguliers, comme cela avait été initialement suggéré.

D’après les chercheurs, ces tremblements pourraient également être à l’origine des nombreuses fissures observées dans les cristaux de glace des carottes prélevées en profondeur. Ces failles sont connues des scientifiques depuis des décennies, mais aucune explication n’a été établie jusqu’à présent.

D’autre part, cette découverte pourrait améliorer considérablement la précision des modèles climatiques concernant l’élévation du niveau de la mer. « Le fait que nous ayons maintenant découvert ces tremblements de glace est une étape clé vers une meilleure compréhension de la déformation des courants de glace à petite échelle », explique Olaf Eisen de l’Institut Alfred Wegener, co-auteur de l’étude – publiée dans la revue Science.

tremblement glace
(A) NEGIS et ses glaciers de sortie représentés sous forme de vitesses d’écoulement de surface. (B) Illustration schématique, non à l’échelle, du dispositif expérimental. (C) Image par balayage optique de ligne d’une structure similaire aux failles de chevauchement géologiques, mais seulement partiellement visible en raison du diamètre étroit de la carotte de glace. © Fichtner et al.

Des cendres volcaniques réduisant la stabilité de la glace

D’après les chercheurs, les tremblements de glace se produisent lorsque celle-ci se fissure ou que deux plaques s’entrechoquent, à l’instar des mouvements tectoniques à l’origine des tremblements de terre. Cependant, si les tremblements de NEGIS n’ont pas été détectés jusqu’à présent, ce serait parce qu’une couche de cendre volcanique se trouve à 900 mètres sous la surface.

Cette couche de cendre isolerait suffisamment la glace de sorte que les petits tremblements n’atteignent pas la surface. L’analyse de la carotte prélevée lors du forage a montré que les particules volcaniques proviennent d’une éruption massive du mont Mazama (dans l’actuel Oregon, aux États-Unis), il y a environ 7700 ans.

Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que ces cendres influencent également les tremblements de glace. De minuscules particules de sulfates volcaniques ont été projetées dans l’atmosphère pour ensuite se déposer au niveau de la calotte glaciaire après avoir été transportées par les chutes de neige. Les particules incrustées réduisent la stabilité de la glace, favorisent les tremblements et augmentent la formation de microfissures. « Nous avons été stupéfaits par cette relation jusqu’alors inconnue entre la dynamique d’un courant de glace et les éruptions volcaniques », affirme Fichtner.

L’équipe a en outre relevé les tremblements de glace sur de larges zones. Cela suggère que ces phénomènes peuvent survenir partout et à tout moment dans les courants de glace. Davantage de recherches sont prévues par les chercheurs pour explorer cette hypothèse.

Source : Science

Laisser un commentaire

Vous voulez éliminer les publicités tout en continuant de nous soutenir ?


Il suffit de s'abonner !


JE M'ABONNE