Après Pfizer/BioNTech et Moderna, c’est au tour du laboratoire AstraZeneca, en collaboration avec l’Université d’Oxford, de faire part des résultats de l’étude préliminaire de son candidat-vaccin. Avec un taux d’efficacité estimé à 90%, ces premiers retours sont tout aussi encourageants que ceux de la concurrence. Légèrement moins efficace, certes, mais ce vaccin présente un avantage majeur : son coût de production, évalué à seulement 4$ par dose.
À titre de comparaison, rappelons que le vaccin Pfizer/BioNTech coûte environ 20$ par dose, tandis que celui développé par Moderna est évalué à 33$. Le vaccin Oxford/AstraZeneca est donc bien plus attractif. Mais ce n’est pas tout ! Il est également plus facile à distribuer, car il ne nécessite pas d’être conservé à des températures extrêmement froides — à l’inverse du vaccin à ARNm de Pfizer/BioNTech, beaucoup plus fragile, qui doit être conservé à -70 °C. Un réfrigérateur standard pourra donc très bien faire l’affaire.
Selon le communiqué officiel d’AstraZeneca, « aucune hospitalisation ni aucun cas grave de la maladie n’a été signalé chez les participants recevant le vaccin ». En revanche, l’efficacité de 90% est à nuancer : le vaccin a atteint ce taux uniquement dans les cas où les participants ont reçu une demi-dose, suivie d’une dose complète à au moins un mois d’intervalle. Dans les cas où deux doses complètes ont été administrées, espacées du même intervalle de temps, l’efficacité tombe à 62% — un chiffre qui peut paraître faible, mais qui s’avère néanmoins plus élevé que l’efficacité du vaccin contre la grippe saisonnière, qui varie entre 30 et 60% selon les années.
« Un accès large, équitable et rapide » au vaccin
L’efficacité de la formule Oxford/AstraZeneca, baptisée AZD1222, dépend donc de la posologie. L’analyse combinée des deux schémas posologiques testés a conduit à une efficacité moyenne de 70%. Dans les deux cas de figure, le vaccin a été bien toléré. Les responsables se réjouissent de constater que le schéma le plus efficace correspond à celui nécessitant le moins de produit ; par conséquent, cela signifie que davantage de personnes pourront potentiellement être vaccinées avec les quantités d’approvisionnement prévues. « Ces résultats montrent que nous disposons d’un vaccin efficace qui sauvera de nombreuses vies », se réjouit le professeur Andrew Pollard, chercheur en chef de l’essai.
AstraZeneca est convaincue que son vaccin sera très efficace contre la COVID-19. L’entreprise se prépare aujourd’hui à soumettre sa formule AZD1222 aux autorités sanitaires pour obtenir une approbation conditionnelle ou anticipée. Elle travaille également, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé, à la mise en place d’un dispositif d’urgence visant à distribuer le vaccin dans les pays à faible revenu. « La chaîne d’approvisionnement simple du vaccin et notre engagement à but non lucratif, envers un accès large, équitable et rapide, signifie qu’il sera abordable et disponible dans le monde entier, fournissant des centaines de millions de doses après approbation », annonce Pascal Soriot, directeur général de la société.
Cette étude préliminaire concerne plus de 23’000 participants, impliqués dans l’essai de phase 2/3 mené au Royaume-Uni et à l’essai de phase 3 mené au Brésil. Tous ont reçu des demi-doses et/ou des doses complètes du vaccin selon le schéma posologique suivi. L’ensemble des participants étaient âgés de 18 ans ou plus, de diverses origines et en bonne santé. Le communiqué précise qu’aucun événement grave lié au vaccin n’a été confirmé pendant les tests.
AstraZeneca mène également des essais aux États-Unis, au Japon, en Russie, en Afrique du Sud, au Kenya et en Amérique latine et d’autres sont prévus dans d’autres pays européens et asiatiques. L’objectif étant de recruter à terme 60’000 participants dans le monde. Comme pour les autres vaccins, le prolongement des essais est indispensable pour confirmer l’efficacité du produit, mais aussi pour déterminer précisément la durée de la protection qu’il confère.
Un vaccin basé sur un adénovirus de chimpanzé
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a déclaré que c’était « une nouvelle incroyablement excitante » et que même s’il restait des contrôles de sécurité à venir, « ce sont des résultats fantastiques ». Le gouvernement britannique a d’ores et déjà précommandé 100 millions de doses. Johnson a précisé que la majorité des personnes jugées prioritaires à la vaccination pourraient peut-être en bénéficier avant Pâques. Sur le territoire britannique, les résidents et le personnel des établissements de soins seront les premiers dans la file d’attente, suivis des travailleurs de la santé et des plus de 80 ans.
La formule AZD1222 a été co-développée par l’Université d’Oxford et sa société dérivée, Vaccitech. Ce vaccin est différent de ceux développés par Pfizer/BioNTech et Moderna, qui sont des vaccins à ARN messager. AZD1222 est dit « à vecteur viral » ; il repose sur une version affaiblie (génétiquement modifiée) d’un virus du rhume commun (un adénovirus), qui provoque des infections chez les chimpanzés, et contient le matériel génétique de la protéine de pointe du virus SARS-CoV-2. Une fois le sujet vacciné, la protéine de pointe de surface est produite par l’organisme, ce qui a pour effet de stimuler et d’entraîner le système immunitaire. De cette manière, celui-ci sera apte à se défendre contre le SARS-CoV-2 s’il infecte ultérieurement le corps.
La société a annoncé une capacité de production pour 2021 pouvant atteindre trois milliards de doses de vaccin, à destination du monde entier. Comme précisé plus haut, l’avantage de ce vaccin est qu’il peut être conservé, transporté et manipulé dans des conditions réfrigérées normales (2-8 °C) pendant au moins six mois. Il ne nécessite donc pas de prévoir la mise en place d’infrastructures spécifiques pour assurer sa distribution et pourrait être administré dans les établissements de santé existants.
À ce jour, on recense près de 60 millions de cas d’infection et 1,4 million de décès dus à la COVID-19 dans le monde. L’année 2021 est donc véritablement porteuse d’espoir. Certes, la vie ne reviendra pas à la normale du jour au lendemain, mais si les vaccins candidats sont approuvés et qu’ils s’avèrent aussi efficaces que le laissent penser les tests, la situation s’améliorera sans doute très vite — certains experts parlent d’un « retour à une vie normale » d’ici l’été 2021. Mais le nombre de décès et de cas graves devraient largement diminuer avant cela.