Une trompe de moustique utilisée comme micro-buse 3D imprime des structures complexes à haute résolution

Une alternative potentielle à la fois durable et peu coûteuse pour l’impression 3D de haute précision.

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| Justin Puma et al.
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Des ingénieurs ont utilisé la trompe d’une femelle moustique comme buse d’impression 3D haute résolution. Beaucoup plus fine que les meilleures micro-buses existantes, sa forme et sa résistance permettraient d’imprimer des détails extrêmement fins avec des bio-encres épaisses. Elle pourrait ainsi constituer une alternative à la fois durable et peu coûteuse pour l’impression 3D de haute précision.

Les technologies biomimétiques ont transformé l’ingénierie de nombreuses manières. Les approches biomimétiques sont par exemple à l’origine des surfaces autonettoyantes inspirées des feuilles de lotus, des volets anti-turbulences inspirés des plumes d’oiseaux, ou encore les systèmes Velcro inspirés des bardanes. Mis à part le biomimétisme, nous utilisons aussi des matériaux directement prélevés de plantes ou d’animaux (tels que le bois, le cuir, la fourrure, etc.) depuis des millénaires.

L’utilisation de ces matériaux biologiques a inspiré la « nécrorobotique », un domaine de la robotique utilisant des composants prélevés sur des corps d’animaux. Parmi ces technologies figurent par exemple des micro-pinces composées de pattes d’araignées et utilisant un système pneumatique pour contrôler les articulations. Ce type de technologie est proposé comme alternative économique et biodégradable à ceux fabriqués uniquement avec des matériaux synthétiques.

Les embouts et les buses de distribution de matériau constituent également un domaine de recherche actif en nécrorobotique. Ils sont essentiels à de nombreuses applications telles que la manipulation d’échantillons de laboratoire et la bioimpression 3D. Cependant, ils sont principalement fabriqués à partir de matériaux non biodégradables telles que les métaux et les plastiques, ce qui soulève des préoccupations environnementales.

Mis à part les impacts environnementaux, ils posent également un problème de coût. Les buses à haute résolution (avec un diamètre inférieur à 100 micromètres) les plus performantes peuvent coûter plus de 80 dollars l’unité. Or, ces embouts sont de plus en plus utilisés en ingénierie de précision, permettant notamment de manipuler des structures fragiles comme des cellules ou d’imprimer des architectures fines et détaillées avec des surfaces très lisses.

Afin de surmonter ces limites, des chercheurs de l’Université McGill, au Canada, proposent une buse d’impression 3D ultra-fine fabriquée à partir de la trompe d’un moustique. « En introduisant des matériaux biotiques comme substituts viables à des composants techniques complexes, ce travail ouvre la voie à des solutions durables et innovantes dans le domaine de la fabrication avancée et de la microingénierie », écrivent les chercheurs dans leur étude publiée dans la revue Science Advances.

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Concept et configuration de la nécro-impression 3D avec la buse en trompe de moustique. © Justin Puma et al.

Deux fois plus fine que les meilleurs micro-buses du marché

Afin d’identifier le meilleur matériau pour la buse d’impression à haute résolution, les chercheurs ont exploré différentes alternatives allant de dards d’insectes piqueurs aux crochets de serpents, en passant par les vaisseaux du xylème (le tissu transportant la sève brute) des plantes. Ils ont finalement sélectionné la trompe des femelles moustiques en raison de ses caractéristiques uniques.

En effet, en plus d’être rigides et quasi rectilignes, leurs trompes disposent d’un mécanisme naturel d’assistance vibratoire permettant de percer les surfaces avec un minimum d’effort et d’atteindre les vaisseaux sanguins avec précision. « La combinaison unique de leurs propriétés mécaniques, géométriques et structurelles rend la trompe du moustique femelle particulièrement intéressante pour les applications de distribution », expliquent les chercheurs.

D’autre part, les trompes possèdent un diamètre inférieur à 20 micromètres, elles sont beaucoup plus fines que les meilleures micro-buses du marché. Elles sont aussi suffisamment résistantes pour supporter une pression interne d’environ 60 kilopascals avant de se rompre. D’après les chercheurs, cette résistance serait suffisante pour pouvoir injecter des bio-encres épaisses.

Pour leur système d’impression dit « nécroimprimante 3D », les chercheurs ont prélevé la trompe du cadavre d’un moustique non infecté et élevé en laboratoire. La trompe a ensuite été fixée au niveau d’un embout distributeur standard. Afin de pallier la limite de résistance mécanique de la bio-buse, les chercheurs ont effectué des cycles d’essais pour établir le protocole d’impression optimal.

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Différentes microstructures imprimées avec la nécro-imprimante 3D. © Justin Puma et al.

L’équipe est parvenue à imprimer des formes complexes telles que des alvéoles, des feuilles d’érable, des grilles, etc. Des bio-échafaudages soutenant la croissance cellulaire en laboratoire ont également été imprimés. Les microstructures avaient en moyenne des largeurs de ligne d’environ 20 micromètres (l’équivalent de l’épaisseur d’un demi-cheveu humain).

La prochaine étape de la recherche consistera à tester d’autres bio-buses pouvant potentiellement offrir plus de résistance et une résolution plus élevée, selon TechXplore. L’équipe prévoit également d’explorer les applications concrètes de la nécro-impression 3D, en particulier dans le domaine de la recherche biomédicale.

Source : Science Advances
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