Hier, le 19 novembre, la National Science Foundation (NSF) a annoncé la mise hors service de la grande antenne parabolique de l’observatoire d’Arecibo, situé à Porto Rico. En activité depuis 1963, l’installation avait subi d’importants dommages au mois d’août, puis plus tôt ce mois-ci, rendant instable la plateforme suspendue au-dessus de l’antenne. Les dégâts ayant finalement été jugés irréparables par différents experts, la NSF a pris la décision de fermer l’observatoire pour ne pas mettre le personnel en danger.
Avec une antenne principale de 305 mètres de diamètre, le télescope Arecibo a été jusqu’en 2016 — date à laquelle le radiotélescope chinois FAST l’a surpassé — le plus grand radiotélescope simple jamais construit. Il a été construit au cœur de la jungle, à l’intérieur d’un gouffre naturel ; son antenne sphérique était fixe et le récepteur, mobile, se trouvait sur une plateforme de 900 tonnes, suspendue à 50 mètres au-dessus de l’antenne par 18 câbles, reliés à trois tours. Sa localisation proche de l’équateur, sur la côte nord de l’île de Porto Rico, lui permettait d’observer toutes les planètes du système solaire pendant près de la moitié de leur orbite.
Depuis sa construction, l’installation a subi de nombreux tremblements de terre et ouragans — notamment l’ouragan Maria en 2017 — mais a malgré tout contribué à d’importantes découvertes dans le domaine des ondes gravitationnelles, de la caractérisation des astéroïdes, de l’exploration planétaire et plus encore. Malheureusement, au début de mois d’août, l’un des câbles auxiliaires de soutien s’est rompu et a considérablement endommagé l’antenne, formant une entaille de 30 mètres de long.
Un second incident fatal
Cet incident n’avait pas suscité trop d’inquiétude de la part des ingénieurs ; la structure demeurait stable et la planification des réparations a été établie rapidement. Cependant, un second événement est venu aggraver la situation : le 6 novembre, un second câble, principal cette fois-ci, a cédé, mettant l’installation en péril. Fort heureusement, personne n’a été blessé. Les deux câbles incriminés étaient connectés à la même tour de support. Le second a cédé a priori du fait de la charge supplémentaire provoquée par la déconnexion du premier câble.
Les ingénieurs ont dès lors tâché d’évaluer la meilleure façon de stabiliser l’installation. L’objectif étant de trouver le moyen de préserver le télescope sans menacer la sécurité de quiconque. Mais le verdict vient de tomber ; trois rapports d’expertise distincts ont finalement mené la NSF, propriétaire de l’observatoire, à prendre une décision radicale, à savoir la mise hors service du télescope. « Les dommages causés à l’observatoire d’Arecibo ne peuvent être stabilisés sans risque pour les travailleurs de la construction et le personnel de l’installation », peut-on lire dans le communiqué officiel.
Sean Jones, directeur adjoint de la Direction des sciences mathématiques et physiques de la NSF, ajoute qu’une prise de décision plus tardive pourrait exposer l’ensemble de l’installation au risque d’un effondrement incontrôlé. « Selon les évaluations techniques, même les tentatives de stabilisation ou de test des câbles pourraient accélérer la catastrophe », confirme Ralph Gaume, directeur de la Division des sciences astronomiques de la NSF.
Les ingénieurs chargés de l’expertise ont en effet rapporté que la structure s’effondrerait d’elle-même dans un proche avenir. Même en cas de réparations, ils ont constaté que la structure présenterait probablement des problèmes de stabilité à long terme. Il apparaît que le câble principal s’est rompu à environ 60% de ce qui aurait dû être sa résistance minimale à la rupture ; par conséquent, il était fort probable que d’autres câbles soient moins résistants que prévu. Des inspections ont d’ailleurs confirmé que certains des câbles principaux présentaient déjà quelques ruptures de fils. Conclusion : le moindre travail de stabilisation ou de réparation serait dangereux.
Une décision difficile, mais nécessaire
La communauté scientifique perd ainsi un outil inestimable, mais la sécurité des personnes passe avant tout. « La NSF donne la priorité à la sécurité des travailleurs, du personnel de l’Observatoire d’Arecibo et des visiteurs, ce qui rend cette décision nécessaire, bien que malheureuse », a déclaré Sethuraman Panchanathan, directeur de la NSF.
Le plan de déclassement prévoit le démantèlement du télescope, mais vise à préserver les autres parties de l’observatoire qui pourraient être gravement endommagées en cas d’effondrement imprévu. L’objectif est de consolider l’infrastructure restante de l’observatoire d’Arecibo, pour qu’elle puisse être exploitée lors de futures missions de recherche et d’enseignement. Sans compter que le site a une grande importante culturelle et économique pour les Portoricains ; motivés par son existence, beaucoup envisagent des études et carrières scientifiques.
Une étude photographique haute résolution, réalisée à l’aide de drones, permettra d’évaluer plus précisément la nature et l’étendue des dégâts, afin de mettre en œuvre une procédure de démontage optimale et sécurisée. Tous les équipements seront temporairement déplacés hors de la zone de danger, puis le télescope fera l’objet d’un démontage complet, scrupuleusement contrôlé.
Qu’en est-il des précieuses données astronomiques collectées et archivées par l’engin au fil du temps ? Un accord signé avec Microsoft en 2019 a permis à l’Université de Floride centrale — qui exploitait le radiotélescope — de stocker et d’analyser un certain nombre de données dans le cloud. L’observatoire travaille désormais à la migration des données qui se trouvent encore sur site vers des serveurs extérieurs.
Pour rappel, ce radiotélescope a participé à plusieurs découvertes importantes. En 1964, il a notamment permis de déterminer plus exactement la période de rotation de Mercure. En 1989, il a capturé la toute première image radar d’un astéroïde, (4769) Castalie, qui se situait alors à moins de onze fois la distance Terre-Lune. Il a également contribué à la découverte des toutes premières exoplanètes, à partir de la détection du pulsar PSR B1257+12 réalisée par l’astronome polonais Alexander Wolszczan en 1990. Enfin, le site est également connu pour son célèbre message radio, émis en 1974 vers un amas stellaire situé à environ 21’000 années-lumière, contenant des informations sur la Terre et ses habitants à destination d’éventuelles civilisations extraterrestres avancées…