Face à l’augmentation inquiétante de la taille du trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, les scientifiques s’interrogent sur les causes exactes — au-delà des CFCs déjà réglementés. Cette expansion, observée malgré les efforts internationaux concernant le climat, pourrait avoir des répercussions significatives en surface, en particulier dans l’hémisphère Sud. L’étude de ces changements est cruciale pour comprendre les interactions entre les activités humaines et les processus atmosphériques, et pour orienter les futures politiques environnementales.
La couche d’ozone, ce bouclier atmosphérique qui protège la vie sur Terre des rayons ultraviolets nocifs, est aujourd’hui confrontée à un défi de taille. Des observations récentes indiquent une expansion alarmante du trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, atteignant des dimensions sans précédent.
Les résultats, publiés dans la revue Nature Communications, sont en désaccord avec les évaluations largement acceptées concernant son état, y compris une récente étude soutenue par l’ONU montrant qu’elle reviendrait au niveau des années 1980 dès 2040. Cette évolution soulève des questions cruciales sur les facteurs environnementaux et anthropiques influençant ce phénomène.
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Des dimensions records
La récente expansion du trou dans la couche d’ozone, observée par le satellite Copernicus Sentinel-5P de l’Agence spatiale européenne (ESA), a atteint une ampleur préoccupante. En septembre 2023, le trou s’étendait sur 26 millions de kilomètres carrés, dépassant la taille des trois années précédentes, avec une superficie totale équivalant à près de trois fois la taille du Brésil. Ce constat n’est pas seulement remarquable pour la taille, mais aussi par la rapidité d’expansion.
Chaque année, entre août et octobre, une période correspondant au printemps austral, le trou dans la couche d’ozone connaît une croissance significative. Cette observation régulière souligne un phénomène récurrent et inquiétant. Les auteurs ont constaté que les niveaux d’ozone ont diminué de 26% depuis 2004 au cœur du trou au printemps de l’Antarctique.
Hannah Kessenich, doctorante à l’Université d’Otago et auteure principal de l’étude, déclare dans un communiqué : « Cela signifie que le trou est non seulement resté vaste en superficie, mais qu’il est également devenu plus profond [c’est-à-dire qu’il contient moins d’ozone] pendant la majeure partie du printemps antarctique ».
Cette augmentation rapide de la taille du trou interpelle la communauté scientifique et environnementale. Les données satellites, précises et détaillées, permettent de suivre cette évolution avec une grande exactitude, mais elles soulèvent également des questions cruciales sur les causes sous-jacentes de cette expansion.
Des causes (trop) complexes ?
Historiquement, les chlorofluorocarbures (CFC), utilisés dans de nombreux produits industriels et domestiques il y a quelques décennies, ont été identifiés comme les principaux coupables de l’appauvrissement de l’ozone. Le Protocole de Montréal, adopté en 1987, a été une réponse internationale majeure pour contrôler et réduire l’utilisation des CFC. Cette initiative a été largement saluée pour son efficacité dans la diminution des émissions de ces substances nocives.
Cependant, malgré cette régulation réussie, l’élargissement continu du trou dans la couche d’ozone suggère l’implication d’autres facteurs. Ainsi, de nouveaux produits chimiques, peut-être non encore identifiés ou réglementés, pourraient contribuer à endommager la couche d’ozone. Cette hypothèse soulève des questions sur la nécessité d’élargir la surveillance et la réglementation à d’autres substances potentiellement dangereuses.
Parallèlement, les scientifiques examinent le rôle des phénomènes naturels dans l’expansion du trou d’ozone. En effet, les éruptions volcaniques par exemple, peuvent injecter d’énormes quantités de particules et de gaz dans l’atmosphère. L’éruption du Hunga Tonga en 2022 a injecté une quantité massive de vapeur d’eau dans la stratosphère, ce qui peut réagir avec l’ozone et accélérer sa décomposition, perturbant ainsi l’équilibre de la couche d’ozone et contribuant potentiellement à son affaiblissement.
De même, les incendies de forêt, de plus en plus fréquents et intenses en raison du changement climatique, libèrent également des substances qui peuvent affecter la composition chimique de l’atmosphère. Ces événements naturels, combinés à des facteurs anthropiques, pourraient donc jouer un rôle significatif dans les changements observés dans la couche d’ozone.
Cette perspective souligne l’importance d’une approche holistique dans l’étude des changements environnementaux, où les interactions entre les phénomènes naturels et les activités humaines sont considérées dans leur ensemble pour tenter de mieux comprendre et répondre efficacement aux défis environnementaux.
Un impact dramatique global sur le climat
L’élargissement du trou dans la couche d’ozone a des répercussions profondes sur le climat mondial, en particulier dans l’hémisphère Sud. La couche d’ozone joue un rôle crucial dans l’absorption et la répartition de l’énergie solaire dans l’atmosphère terrestre.
Lorsque cette couche s’amincit ou se détériore, la quantité de rayonnement ultraviolet (UV) atteignant la surface de la Terre augmente. Cette augmentation des UV peut entraîner un réchauffement inégal de différentes parties de l’atmosphère, perturbant ainsi la distribution normale de la chaleur autour du globe. Ces perturbations peuvent modifier les modèles climatiques locaux, notamment en influençant les courants atmosphériques, comme le fameux courant-jet, un flux d’air rapide et de haute altitude.
En outre, ces modifications dans la distribution de la chaleur et des rayonnements UV peuvent avoir un impact direct sur les températures de surface et les schémas de vent locaux. Dans l’hémisphère Sud, l’élargissement du trou d’ozone a été associé à des changements dans les vents d’ouest, qui peuvent influencer les courants océaniques et, par conséquent, les écosystèmes marins. Ces changements peuvent également affecter les précipitations et les températures dans des régions éloignées, comme l’Australie et l’Amérique du Sud.
De plus, une augmentation des rayonnements UV due à un affaiblissement de la couche d’ozone peut avoir des effets néfastes sur la santé humaine, la vie marine et terrestre, en augmentant les risques de cancer de la peau et en perturbant les chaînes alimentaires. Ainsi, l’élargissement du trou dans la couche d’ozone n’est pas seulement un problème environnemental isolé, mais un phénomène ayant des implications vastes et interconnectées, affectant divers aspects du système climatique mondial.
VIDÉO : Évolution du trou dans la couche d’ozone en 2023. © CAMS/ECMWF