Les trous noirs restent des objets mystérieux et leurs comportements une source de questionnement permanent, notamment lorsqu’ils engloutissent un corps céleste. Récemment, un objet proche du trou noir supermassif au centre de la Voie lactée a suscité l’intérêt des scientifiques, car il a évolué de façon spectaculaire en un temps relativement court, se rapprochant inexorablement du trou noir. Les chercheurs estiment qu’il disparaîtra dans ce dernier d’ici 2036. L’objet, appelé X7, pourrait être un nuage de poussières et de gaz créé lors de la collision de deux étoiles.
L’idée d’un objet céleste si massif et dense que la lumière ne peut s’en échapper existe depuis des siècles. Les trous noirs ont été prédits par la théorie de la relativité générale d’Einstein. Lorsqu’une étoile massive meurt, elle laisse parfois derrière elle un petit noyau dense. Si la masse de ce noyau est supérieure à environ trois fois celle du Soleil, les équations montrent que la force de gravité surpasse toutes les autres forces et produit un trou noir.
Les scientifiques ne peuvent pas observer directement les trous noirs avec des télescopes qui détectent les rayons X, la lumière ou d’autres formes de rayonnement électromagnétique. Néanmoins, nous pouvons cependant déduire la présence de trous noirs et les étudier en observant leur effet sur d’autres matières à proximité.
Concernant notre galaxie, la Voie lactée, nous savons qu’un trou noir supermassif se trouve en son centre, Sagittarius A*. Il a été confirmé par son interaction avec son environnement. Récemment, une équipe de l’UCLA (Université de Californie à Los Angeles) a rapporté la prochaine collision, d’ici 2036, entre ce dernier et un objet nommé X7, grâce aux données issues de plusieurs années de surveillance de son comportement près du trou noir. Les travaux de l’équipe sont publiés dans la revue The Astrophysical Journal.
Une évolution rapide sur 20 ans, témoin de la force d’attraction du trou noir
Détecté pour la première fois en 2004, puis nommé en 2007, X7 est suivi depuis deux décennies par le Galactic Center Orbit Inintiative. L’équipe de recherche de l’observatoire WM Keck au Maunakea à Hawaï et de l’UCLA s’est intéressée à son évolution à travers des images dans le proche infrarouge à haute résolution angulaire capturées avec le puissant système d’optique adaptative de l’observatoire Keck. Elle a constaté que X7 s’est étiré au cours de cette période, si intensément qu’il a maintenant une longueur de 3000 fois la distance Terre-Soleil (ou 3000 unités astronomiques).
Anna Ciurlo, chercheuse adjointe à l’UCLA et auteure principale de l’étude, déclare dans un communiqué : « Il a commencé en forme de comète et les gens pensaient que cela avait peut-être pris cette forme à cause des vents stellaires ou des jets de particules du trou noir. Mais au fur et à mesure que nous l’avons suivi pendant 20 ans, nous l’avons vu s’allonger ».
Concrètement, à partir de leurs analyses, bien que l’origine de X7 fasse toujours l’objet de débats, les chercheurs proposent qu’il puisse s’agir d’un nuage de poussières et de gaz éjecté lors de la collision de deux étoiles.
Certes, X7 montre certaines des mêmes propriétés que les autres objets en orbite autour de Sgr A*, mais la forme et la vitesse de X7 ont changé de façon plus spectaculaire. Alors qu’il s’approche du trou noir, X7 se déplace plus rapidement, à des vitesses allant jusqu’à environ 2520 km/h.
Anna Ciurlo précise : « Dans ce processus [collision de deux étoiles], l’étoile fusionnée est cachée à l’intérieur d’une coquille de poussière et de gaz, ce qui pourrait correspondre à la description des objets G. Et le gaz éjecté a peut-être produit des objets de type X7 ».
Une disparition précoce annoncée
Il faut savoir que X7 a une masse d’environ 50 Terres et se trouve sur une trajectoire orbitale telle autour de Sgr A*, qu’il faudrait 170 ans pour qu’il y soit englouti. Mais sur la base de sa trajectoire actuelle et de son évolution, l’équipe estime que X7 fera son approche de Sgr A* bien plus rapidement que la théorie ne le prévoit, vers 2036, puis disparaîtra.
VIDÉO : vue d’artiste de l’approche de X7, vers 2036, du trou noir supermassif de la Voie lactée. © Observatoire WM Keck/Adam Makarenko
Dans un second communiqué, Anna Ciurlo souligne : « C’est une chance unique d’observer les effets des forces de marée du trou noir à haute résolution, ce qui nous donne un aperçu de la physique de l’environnement extrême au centre de la galaxie ».
Les forces de marée sont l’attraction gravitationnelle qui étire un objet s’approchant d’un trou noir ; le côté de l’objet le plus proche du trou noir est tiré beaucoup plus fortement que le côté le plus éloigné. Le co-auteur Randy Campbell, responsable des opérations scientifiques à l’observatoire de Keck, explique : « C’est excitant de voir des changements significatifs de la forme et de la dynamique de X7 avec autant de détails sur une échelle de temps relativement courte, car les forces gravitationnelles du trou noir supermassif au centre de la Voie lactée influencent cet objet ».
L’équipe de recherche continuera à surveiller les changements spectaculaires de X7 avec l’observatoire Keck, alors que la puissance de la gravité du trou noir le sépare.