Le mystère des trous noirs supermassifs continue de captiver la communauté scientifique, ces monstres cosmiques étant notoirement difficiles à localiser et à examiner. Ainsi, lorsqu’ils se comportent de manière inédite, une multitude d’hypothèses émergent. Récemment, des astronomes ont détecté une anomalie dans l’Univers, qu’ils ont interprétée comme un trou noir supermassif projeté hors de sa galaxie hôte. Cependant, cette interprétation ne fait pas l’unanimité. Certains scientifiques avancent désormais l’hypothèse qu’il pourrait simplement s’agir d’une galaxie plate vue latéralement. Des observations plus précises, attendues de divers télescopes, permettront de clarifier cette situation.
Les trous noirs sont souvent associés à l’idée de destruction dans l’imaginaire collectif, tels des entités gloutonnes avalant tout ce qui se situe à proximité de leur champ gravitationnel. Cependant, certains d’entre eux peuvent adopter un comportement pour le moins inhabituel.
Contrairement à l’image conventionnelle du trou noir dévorant des étoiles à l’instar d’un Pac-Man cosmique, un trou noir rapide, capturé par inadvertance par le télescope spatial Hubble, laisse derrière lui une « traînée » inédite d’étoiles jeunes sur une distance de 200 000 années-lumière, soit le double du diamètre de la Voie lactée. Ce trou noir se déplace à une vitesse fulgurante de 1600 km par seconde, trop élevée pour prendre le temps d’absorber des matériaux, d’après le communiqué de la NASA.
Pour expliquer ce phénomène, deux théories principales ont été proposées, mais elles sont en contradiction mutuelle. La première, soutenue par des chercheurs de l’Université de Yale, postule que ce trou noir supermassif a été expulsé du centre de sa galaxie hôte par la force gravitationnelle issue de l’interaction de trois trous noirs. Il serait désormais en « fuite » à travers l’Univers.
Les astronomes admettent que d’autres études — incluant notamment l’emploi du télescope spatial James Webb de la NASA et de l’observatoire à rayons X Chandra — seront nécessaires pour corroborer leurs conclusions. Ils reconnaissent également la possibilité d’autres interprétations de cette découverte à mesure qu’ils poursuivent leurs recherches.
Par conséquent, la seconde hypothèse émane de l’Instituto de Astrofísica de Canarias (IAC), selon laquelle il s’agirait d’une galaxie plate observée depuis son côté. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans la revue Astronomy and Astrophysics Letters.
Une résolution de mystère qui tempère notre imagination
Les auteurs de cette nouvelle étude ont conclu que cette structure atypique d’étoiles pourrait être interprétée comme une galaxie sans renflement, observée latéralement. Ce type de galaxie, également connue sous le nom de « galaxie mince » (ou plate), est relativement commune. Jorge Sanchez Almeida, chercheur à l’IAC et auteur principal de l’étude, explique dans un communiqué : « Les mouvements, la taille et le nombre d’étoiles correspondent à ce qui a été observé dans les galaxies de l’univers local. C’est un soulagement d’avoir résolu ce mystère, le nouveau scénario proposé est beaucoup plus simple. Dans un sens, c’est aussi décevant, car on s’attend à l’existence de trous noirs fuyants, et celui-ci aurait pu être le premier à être observé ».
Pour étayer l’hypothèse d’une interprétation en matière de galaxie, l’équipe a comparé la structure mystérieuse avec une galaxie locale bien connue sans renflement, IC5249, qui possède une masse stellaire similaire, et a trouvé une surprenante concordance.
Mireia Montes, chercheuse à l’IAC et co-auteure de l’article, déclare : « Lorsque nous avons analysé les vitesses de cette structure d’étoiles distantes, nous avons réalisé qu’elles étaient très similaires à celles obtenues à partir de la rotation des galaxies. J’ai alors décidé de comparer une galaxie beaucoup plus proche et j’ai découvert qu’elles étaient extraordinairement similaires ».
Un type de galaxie commun dans l’Univers
L’équipe a également étudié la relation entre la masse de la galaxie présumée et sa vitesse de rotation maximale, pour conclure qu’il s’agissait bien « d’une galaxie qui se comporte comme une galaxie ». Ignacio Trujillo, un chercheur de l’IAC qui a participé à l’étude, ajoute : « C’est un objet intéressant, car c’est une assez grande galaxie à une très grande distance de la Terre, où la majorité des galaxies sont plus petites ».
De plus, s’il s’agit bien d’une galaxie « sans renflement », son étude pourrait permettre de mieux comprendre ces phénomènes dont les scientifiques pensaient que la forme provenait essentiellement du manque d’une grande collection d’étoiles en son centre. Mais en 2013, certains astronomes utilisant le Wide-field Infrared Survey Explorer, ou WISE, de la NASA, ont trouvé davantage de preuves que les galaxies sans renflement, contrairement aux théories précédentes, abritent des trous noirs supermassifs en leur centre.
Des observations futures, notamment avec le puissant télescope spatial James Webb, permettront d’étudier cet objet plus en détail et de déterminer de manière définitive sa nature exacte, soit un trou noir en fuite, soit une « simple » galaxie.