Dans la chasse à la matière noire, les trous noirs pourraient être des alliés précieux pour les chercheurs. En effet, une équipe de physiciens a montré que de la même manière que des champs d’électrons évoluent autour de systèmes binaires atomiques, des champs de particules de matière noire pourraient évoluer autour de systèmes binaires de trous noirs, formant des sortes de « molécules gravitationnelles ». Et ces champs de matière noire autour des trous noirs influeraient sur les ondes gravitationnelles, les rendant par la même occasion détectables.
Une équipe de chercheurs a montré qu’un type spécial de particule peut exister autour d’une paire de trous noirs, de la même manière qu’un électron peut exister autour d’une paire d’atomes d’hydrogène. Cette curieuse configuration peut nous donner des indices sur l’identité de la matière noire et la nature ultime de l’espace-temps.
Les champs : un puissant outil de description des systèmes physiques
Pour comprendre comment la nouvelle recherche, publiée sur le serveur de préimpression arXiv, explique l’existence de molécules gravitationnelles, nous devons d’abord explorer l’un des aspects les plus fondamentaux de la physique moderne : le champ. Un champ est la donnée, pour chaque point de l’espace-temps, de la valeur d’une grandeur physique. Par exemple, le champ qui décrit la valeur de la température en chaque point de l’espace est connu sous le nom de champ « scalaire » de température.
Il existe aussi d’autres types de champs dans le domaine de la physique, comme les champs « vectoriels » et les champs « tensoriels ». À l’apogée du milieu du XXe siècle, les physiciens ont adopté le concept de champ, qui était déjà utilisé par les mathématiciens. Ils ont réalisé que les champs ne sont pas seulement des outils mathématiques pratiques, mais peuvent servir à décrire la plupart des systèmes de l’Univers.
Trous noirs et atomes : des descriptions similaires
En physique atomique, l’on peut décrire complètement une particule élémentaire (comme un électron) via trois propriétés : sa masse, son spin et sa charge électrique. Et en physique gravitationnelle, l’on peut décrire complètement un trou noir en termes de trois propriétés : sa masse, son spin et sa charge électronique (cela s’explique par le « théorème de la calvitie »).
Il est possible de décrire un atome comme un petit noyau entouré par un champ d’électrons. Ce champ électronique répond à la présence du noyau et ne permet à l’électron d’apparaître que dans certaines régions. Il en va de même pour les électrons autour de deux noyaux, par exemple dans une molécule diatomique comme l’hydrogène (H), on peut décrire l’environnement d’un trou noir de la même manière.
Imaginez la minuscule singularité au centre du trou noir comme le noyau d’un atome, tandis que l’environnement alentour — un champ scalaire générique — est similaire à celui qui décrit une particule subatomique. Ce champ scalaire répond à la présence du trou noir et permet à sa particule correspondante d’apparaître uniquement dans certaines régions. Et tout comme dans les molécules diatomiques, il est également possible de décrire des champs scalaires autour de deux trous noirs, comme dans un système binaire de trous noirs.
Les auteurs de l’étude ont constaté que des champs scalaires peuvent effectivement exister autour des trous noirs binaires. De plus, ils peuvent se former dans certains modèles qui ressemblent à la façon dont les champs d’électrons s’organisent en molécules. Ainsi, le comportement des champs scalaires dans ce scénario imite la façon dont les électrons se comportent dans les molécules diatomiques, d’où le surnom de « molécules gravitationnelles ».
Des champs de matière noire autour des trous noirs binaires
Quel est l’intérêt pour les champs scalaires ? D’une part, nous ne comprenons pas la nature de la matière noire ou de l’énergie noire, et il est possible que l’énergie noire et la matière noire soient composées d’un ou plusieurs champs scalaires, tout comme les électrons sont constitués du champ électronique.
Si la matière noire est effectivement composée d’une sorte de champ scalaire, alors ce résultat signifie que la matière noire existerait dans un état très étrange autour des trous noirs binaires — les mystérieuses particules sombres devraient exister sur des orbites très spécifiques, tout comme les électrons le font dans les atomes. Mais les trous noirs binaires ne durent pas éternellement ; ils émettent un rayonnement gravitationnel et finissent par entrer en collision et fusionner en un seul trou noir.
Ces champs scalaires de matière noire affecteraient toutes les ondes gravitationnelles émises lors de telles collisions car ils filtreraient, dévieraient et remodèleraient toutes les ondes traversant des régions de densité accrue de matière noire. Cela signifie que nous pourrions être en mesure de détecter ce type de matière noire avec une sensibilité suffisante dans les détecteurs d’ondes gravitationnelles existants.