Depuis son émergence comme hypothèse au cours du 20ème siècle, la matière noire échappe toujours aux détections des astrophysiciens. Pourtant, elle est une pierre angulaire du modèle cosmologique standard, et permet d’expliquer des phénomènes comme la courbe de rotation des galaxies ou encore l’agencement des grandes structures cosmiques. De nombreux candidats à la matière noire ont été proposés, notamment les trous noirs primordiaux. Toutefois, une nouvelle étude a récemment conclu que ces derniers faisaient des candidats peu plausibles.
Dans les années 1970, Stephen Hawking et ses collègues ont émis l’hypothèse que le Big Bang aurait pu créer un grand nombre de trous noirs relativement petits, chacun de la taille d’un proton. Ces trous noirs seraient extrêmement difficiles à détecter, tout en exerçant une véritable attraction gravitationnelle sur les objets alentours. Deux propriétés définissant également la matière noire.
Jusqu’à présent, cette théorie ne pouvait être testée que pour les trous noirs primordiaux de masse suffisamment élevée. Mais avec l’amélioration de la technologie, les scientifiques ont pu cartographier de plus en plus précisément l’Univers observable.
La caméra numérique Hyper Suprime-Cam (HSC) installée sur le télescope Subaru à Hawaï est une technologie d’imagerie de pointe qui permet de photographier en une seule fois l’ensemble de la galaxie Andromède (la galaxie la plus proche de la Voie lactée).
Masahiro Takada et son équipe de l’Institut Kavli pour la physique et les mathématiques de l’Univers au Japon, ont utilisé cette caméra pour rechercher des trous noirs primordiaux ; leurs résultats ont été publiés plus tôt ce mois-ci dans la revue Nature Astronomy. Les trous noirs n’émettent aucune lumière, cependant, les trous noirs supermassifs, comme celui situé au cœur de la galaxie Messier 87, sont bordés de brillants disques de matière chaude : le disque d’accrétion.
Des trous noirs primordiaux comme candidats à la matière noire ?
Les trous noirs primordiaux, cependant, sont des milliards de fois plus petits et ne sont entourés d’aucune matière visible. Au lieu de cela, rechercher de petits trous noirs signifie rechercher des endroits où leurs puissants champs gravitationnels plient la lumière — un phénomène appelé microlentille gravitationnelle. Les télescopes détectent ces microlentilles en prenant de nombreuses photos différentes d’étoiles au fil du temps.
Un trou noir passant devant cette étoile déformera sa lumière en la faisant clignoter ; plus le trou noir est petit, plus le flash est rapide. « Si un objet à l’origine d’une microlentille a, disons, une masse solaire » explique Takada, « l’échelle de temps du « flash » est de quelques mois ou d’un an ».
Mais les trous noirs primordiaux qu’ils cherchaient n’avaient qu’une petite fraction de cette masse, approximativement la masse de la Lune. Cela signifie que leurs flashs étaient beaucoup plus courts. La HSC est unique, car elle permet de prendre des images de toutes les étoiles de la galaxie d’Andromède en une fois, à des intervalles d’exposition très courts — chaque intervalle ne faisant que 2 minutes.
Trous noirs primordiaux : des candidats peu probables
Takada et son équipe ont pris environ 200 photos de la galaxie d’Andromède en 7 heures, par nuit claire. Ils ont trouvé un seul événement de microlentille potentiel. Selon Takada, si les trous noirs primordiaux constituaient une fraction importante de la matière noire, ils auraient dû voir environ 1000 signaux de microlentille.
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« La microlentille est l’étalon pour détecter les trous noirs ou les éliminer » déclare Simeon Bird, physicien spécialiste des trous noirs à l’Université de Californie. « Ce travail élimine les trous noirs primordiaux en tant que matière noire dans une gamme de masses où les contraintes précédentes n’étaient pas aussi fortes ni aussi robustes que ce nouveau modèle. C’est un très beau résultat ».
Selon Bird et Takada, les trous noirs primordiaux d’un certain nombre de masses n’ont toujours pas été totalement éliminés en tant que candidats. « Il y a encore des masses où les contraintes sont faibles, autour de 20 à 30 masses solaires. Celles-ci pourraient encore représenter entre 1% et 10% de matière noire… et il y a toujours une fenêtre pour les masses inférieures, comme la masse d’un très petit astéroïde » explique Bird.
Il y avait cependant un flash détecté durant leur observation. Bien qu’il s’agisse d’un résultat préliminaire unique, il pourrait s’avérer extrêmement important : la toute première détection d’un trou noir primordial, qui constituerait une validation révolutionnaire de certains travaux sur les modèles de trou noir dont Hawking est l’un des auteurs.
« Une seule observation n’est pas convaincante. Nous avons besoin de plus d’observations pour confirmer. Si c’était vraiment un trou noir primordial, nous devrions continuer à détecter la même chose » conclut Takada.