Dompter l’énergie des courants marins pour en faire une source d’électricité viable… et peut-être même une source d’énergie majeure pour le Japon ? Voilà une dizaine d’années que l’entreprise IHI Corporation travaille sur cette idée. En février, elle est arrivée au terme d’un test de trois ans sur un gigantesque prototype d’hydrolienne sous-marine.
« Kairyu », c’est le nom du prototype de l’hydrolienne en question. Il s’agit peut-être d’une version d’essai, mais pas vraiment d’une miniature. En effet, l’engin de 330 tonnes possède un fuselage de vingt mètres, ainsi que deux cylindres d’une taille similaire. Chacun d’eux abrite un système de production d’énergie attaché à une aube de turbine de 11 mètres de long. Cette machinerie gigantesque est conçue pour flotter entre deux eaux, à 50 mètres de profondeur sous la surface de la mer. Suffisamment proche de la surface pour profiter au mieux des courants marins, et suffisamment profond pour éviter d’être abîmée lors des typhons, qui sont fréquents au Japon. Elle peut aussi facilement être remontée à la surface pour les travaux de maintenance.
L’idée est de l’accrocher au fond de l’océan par une ligne d’ancrage reliée à une énorme ancre. Elle est connectée à des câbles électriques pour pouvoir distribuer l’énergie. Elle est également pourvue de dispositifs qui lui permettent de s’orienter pour trouver la position au plus haut rendement énergétique. Elle peut alors générer de l’énergie à partir de la poussée d’un courant en eau profonde, et la distribuer dans le réseau électrique.
Si l’entreprise Ishikawajima-Harima Heavy Industries, ou IHI corporation, a misé sur cette technologie, c’est parce qu’elle estime que le Japon a des atouts à revendre en matière de courants marins. En effet, si le Japon, montagneux, n’est pas idéal pour l’implantation d’éoliennes, elle possède en revanche un espace côtier très développé. En outre, un courant marin puissant, le Kuroshio, passe aussi juste à côté du Japon. « On estime que si l’énergie présente dans le Kuroshio pouvait être exploitée, elle s’élèverait à environ 205 GW, ce qui est comparable à la production totale d’électricité du Japon », posait l’entreprise dans un communiqué en 2019.
Un essai de trois ans dans les eaux japonaises
Les premières expérimentations avaient été lancées en 2017, en collaboration avec l’entreprise NEDO. En février 2022, IHI a mis fin à un essai sur le terrain de trois ans dans les eaux japonaises. Selon l’entreprise, qui s’est exprimée auprès de Bloomberg, l’engin s’est montré à la hauteur de sa tâche. Placé dans un courant de 3 nœuds en moyenne (5,5 km/h), il a pu produire de l’électricité avec une puissance de 100 kilowatts. Ce qui, comparé à une éolienne, n’est pas un résultat impressionnant. On trouve en effet assez communément des éoliennes de 2 MW (mégawatts). Avec une version plus imposante de Kairyu, l’entreprise espère néanmoins atteindre des niveaux similaires.
Il en faudrait dès lors beaucoup pour générer de grandes quantités d’électricité. L’idée de l’entreprise serait donc de créer des fermes de gigantesques hydroliennes pour exploiter au maximum le potentiel des courants marins, et en faire une ressource clef pour le Japon. De nombreuses contraintes risquent cependant de se mettre en travers du chemin. « À cette fin, nous devons prendre des mesures supplémentaires pour vérifier la fiabilité et la sécurité à long terme des hydroliennes flottantes. Nous devons également mener des études et des recherches approfondies sur les caractéristiques d’un courant océanique, qui ne sont pas totalement connues à l’heure actuelle », estime IHI.