Les dispositifs médicaux implantables, tels que les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs, utilisent des impulsions électriques pour aider à réguler les battements du cœur. Malgré les avancées technologiques en matière de sondes et d’électrodes, ces appareils utilisent toujours des batteries/piles, qui représentent des défis considérables en matière de sécurité et de fiabilité. Une fois déchargées, ces piles sont aujourd’hui remplacées par une chirurgie d’incision, ce qui peut entraîner des complications médicales. Récemment, une équipe de chercheurs coréens a mis au point une méthode permettant d’utiliser les ondes ultrasonores pour recharger, de l’extérieur, les appareils électroniques implantés dans le corps humain. Cette technologie pourrait également être utilisée pour recharger du matériel installé en milieu marin.
À mesure que la population vieillit et des progrès des technologies médicales, le nombre de patients bénéficiant d’un dispositif électronique implanté tel qu’un stimulateur cardiaque artificiel augmente dans le monde entier. Un stimulateur cardiaque, qui aide à contrôler les battements, est notamment implanté en cas d’arythmies cardiaques, spécialement si les traitements médicamenteux ne suffisent pas.
Le stimulateur cardiaque comprend deux éléments. D’une part, des fils munis d’électrodes à leur extrémité transmettent au muscle cardiaque des signaux émis par le générateur d’impulsions. D’autre part, ces signaux électriques provoquent la contraction (pompage) du muscle cardiaque. Le générateur d’impulsions (ou stimulateur cardiaque) est un petit appareil informatisé qui engendre un signal électrique. La plupart des implantations de stimulateur cardiaque sont effectuées sous anesthésie locale (un peu comme l’anesthésie utilisée chez le dentiste).
Lorsque la batterie d’un stimulateur cardiaque est faible, l’ensemble de l’implant doit généralement être remplacé chirurgicalement. Récemment, l’Institut coréen des sciences et technologies (KIST) a annoncé qu’une équipe de recherche dirigée par le Dr Hyun-Cheol Song du Centre de recherche sur les matériaux électroniques, a mis au point une technologie de transmission d’énergie sans fil (WET, pour Wireless Energy Transfer) à ultrasons. Elle pourrait être utilisée soit pour recharger des dispositifs implantés dans le corps sans chirurgie, soit pour recharger les batteries d’appareils sous-marins tels que des capteurs, qui sont utilisés pour surveiller l’état des câbles sous la mer. L’étude est publiée dans Energy & Environmental Science.
Limite des technologies actuelles
À mesure que la demande d’appareils électroniques portables a augmenté, le transfert d’énergie sans fil (WET) a commencé à devenir facilement disponible. Les deux principales méthodes présentent toutes deux des obstacles à leur utilisation au niveau du corps humain, ou dans le milieu aquatique.
Premièrement, l’induction électromagnétique, par exemple, est déjà utilisée pour recharger les batteries d’appareils tels que les smartphones et les écouteurs sans fil. Cependant, son utilisation est limitée car les ondes électromagnétiques ne peuvent pas traverser l’eau ou le métal, ce qui implique une courte distance de charge. L’induction électromagnétique ne fonctionne que sur une distance d’environ 1,5 cm. De plus, la chaleur générée pendant le processus de charge limite son utilisation pour charger en toute sécurité des appareils situés dans le corps.
Deuxièmement, la résonance magnétique utilise les champs magnétiques. Ces derniers peuvent être soumis à des interférences provenant d’autres fréquences de communication sans fil telles que le Bluetooth et le Wi-Fi. C’est pourquoi les chercheurs soulignent que cette méthode exige des fréquences de résonance du générateur de champ magnétique et du dispositif de transmission parfaitement similaires.
L’effet triboélectrique, clé du rechargement
Au début de l’étude, aux vues de tous les obstacles mentionnés ci-dessus, l’équipe de recherche a suggéré d’utiliser les ondes ultrasonores comme moyen de transmission d’énergie pour remplacer les ondes électromagnétiques ou les champs magnétiques. Effectivement, le sonar, qui utilise des ondes ultrasonores, est couramment utilisé dans les environnements sous-marins pour détecter des objets ou mesurer la profondeur. On retrouve également les ondes ultrasonores pour les échographies dans le domaine médical.
Néanmoins, les chercheurs rapportent un nouvel obstacle : « une efficacité réduite rendant difficile la commercialisation ». C’est ainsi qu’ils ont eu l’idée d’une technologie pouvant convertir les ondes ultrasonores en énergie électrique. Le modèle fonctionne sur le principe triboélectrique convertissant, de manière efficace, les petites vibrations mécaniques en énergie électrique. En d’autres termes, certains matériaux se chargent électriquement lorsqu’ils sont frottés les uns contre les autres. C’est le même principe que l’électricité statique générée lorsque l’on se brosse les cheveux.
Dans le cas du dispositif de cette étude, des ondes ultrasonores appliquées à l’extérieur du corps font vibrer de fines couches de matériaux triboélectriques et ferroélectriques entre deux couches d’électrodes. Cela génère un courant électrique pouvant charger une batterie.
En ajoutant un matériau ferroélectrique au générateur triboélectrique, l’efficacité du transfert d’énergie ultrasonique a été considérablement améliorée, passant de moins de 1% à plus de 4%. Lorsque la configuration a été testée en laboratoire, il était possible de générer 8 milliwatts de puissance de charge même lorsque le générateur et l’émetteur étaient tous deux sous l’eau et situés à 6 cm l’un de l’autre. Les chercheurs ont pu éclairer simultanément 200 LED, et même transmettre un signal Bluetooth sous l’eau. Par conséquent, le système pourrait être utilisé dans les technologies sous-marines. Outre une efficacité de conversion d’énergie « élevée », le dispositif nouvellement développé n’a généré que de faibles quantités de chaleur.
Le Dr Hyun-Cheol Song, auteur principal de l’étude, déclare que : « Cette étude a démontré que les appareils électroniques peuvent être alimentés par une charge sans fil via des ondes ultrasonores. Si la stabilité et l’efficacité de l’appareil sont encore améliorées à l’avenir, cette technologie peut être appliquée pour alimenter sans fil des capteurs implantables ou des capteurs en haute mer, dans lesquels le remplacement des batteries est fastidieux ».
Notons que des scientifiques de l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah d’Arabie saoudite ont travaillé sur leur propre système de chargement d’implants par ultrasons, qui incorpore un hydrogel produisant de l’électricité lorsqu’il est soumis à ce type d’ondes. De surcroit, d’autres méthodes expérimentales, pour recharger les batteries des stimulateurs cardiaques sans les retirer, incluent l’utilisation de la lumière, des battements cardiaques et des mouvements du corps, avec plus ou moins de succès.
Enfin, les ultrasons sont aussi utilisés dans le traitement novateur du diabète de type 2, des cellules cancéreuses, et même des calculs rénaux. Cette dernière application est d’ailleurs testée pour les voyages de longue durée dans l’espace. Les ultrasons, étudiés depuis longtemps, continuent de donner lieu à des innovations médicales.