Un chercheur russe a expliqué son intention de modifier un gène dans des embryons humains, ce qui les rendrait résistants au VIH. Un défi controversé qui n’est pas sans rappeler le scandale d’il y a quelques mois en Chine des jumelles génétiquement modifiées.
En novembre 2018, le biologiste He Jiankui de l’Université de sciences et technologies de Chine, avait fait l’une des déclarations les plus choquantes dans le monde de la biologie, où il explique avoir effectué une fécondation in vitro (FIV) d’embryons génétiquement modifiés grâce à l’outil d’édition génétique CRISPR-Cas9, pour qu’ils soient protégés du VIH. Ce projet a abouti à la naissance de deux soeurs jumelles durant le mois d’octobre.
CCR5, le nom du gêne modifié, exprime un récepteur sur certaines cellules immunitaires reconnu par le VIH, leur permettant d’infecter l’hôte. Une modification de sa séquence empêche le virus de pouvoir s’y attacher.
Cette étude, qui a choqué la communauté scientifique pour son manque d’éthique, cause également une inquiétude au niveau de l’hérédité des deux filles, car ces modifications génétiques peuvent être transmises à la descendance.
Il y a également le risque que cette étude pousse d’autres scientifiques à franchir la ligne rouge pour se lancer dans le même type d’expérience, ce qui est apparemment le cas pour Denis Rebrikov, généticien du Centre de recherche en obstétrique, gynécologie et périnatalogie.
Alors qu’un moratoire sur la modification du génome héréditaire voudrait être mis en place par de nombreux chercheurs, le biologiste russe a fait clairement comprendre qu’il désirerait être la deuxième personne à créer des enfants génétiquement modifiés, et que la seule chose qui l’en empêche est l’attente de l’approbation du gouvernement russe qui, selon lui, ne devrait pas trop causer de problèmes.
Son objectif est le même que He Jiankui : rendre les embryons résistants au VIH par modification du gène CCR5. Cependant, le design expérimental sera différent, car il trouve que celui de Jiankui peut être amélioré.
Ce dernier avait sélectionné des couples qui souhaitaient avoir des enfants par FIV, et où l’homme est séropositif. L’objectif n’était pas d’apporter une résistance à un enfant qui serait infecté dès la fécondation (le virus est complètement retiré du sperme avant son injection dans l’ovule), mais plutôt de le « vacciner génétiquement » contre de futurs risques d’infection, dans le but de lui éviter à l’avenir une potentielle discrimination venant du fait qu’il ait un père séropositif.
Pour son expérience, Rebrikov voudrait travailler avec des femmes séropositives chez lesquelles les traitements antirétroviraux ont montré peu d’efficacité.
« Environ 30’000 à 40’000 femmes séropositives ne répondent pas au traitement antirétroviral. Elles sont comme ‘multirésistantes’. Nous utilisons différentes thérapies et le VIH dans le sang persiste à un niveau relativement élevé. Personne ne sait pourquoi. Donc, cette jeune femme qui veut tomber enceinte a un risque élevé de transmission verticale du virus à l’embryon. C’est le groupe cible », déclare t-il lors d’une interview avec ScienceInsider.
À lire également : Les bébés génétiquement modifiés par CRISPR-Cas9 : 6 questions qui persistent
Depuis le scandale du mois de novembre, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ainsi qu’une commission internationale désireraient mettre en place un cadre de lois permettant le transfert de la création de lignées germinales du laboratoire à la clinique.
Rebrikov a déjà dévoilé le design de son projet en publiant un court papier dans une revue médicale russe. Il ajoute également durant son interview avec ScienceInsider que s’il ne trouve pas suffisamment de femmes séropositives avec qui les traitements antirétroviraux sont inefficaces, il envisagerait de travailler avec des partenaires atteints d’une même maladie génétique, et qui aurait 100% de chances de la transmettre aux enfants.
« Si je ne trouve pas une femme infectée par le VIH qui ne répond pas au traitement antirétroviral et souhaite être enceinte, je rechercherai différents cas où les deux parents ont une mutation homozygote pour une maladie génétique, comme le nanisme, la surdité ou la cécité. Nous avons besoin de modèles pour commencer à utiliser l’édition d’embryons CRISPR dans la pratique clinique ».