Les plaques tectoniques qui constituent la croûte terrestre se déplacent de quelques centimètres par an. Depuis leur formation, ces plaques ont donc potentiellement voyagé à travers toute la planète. Des scientifiques de l’Université de Sydney proposent aujourd’hui une vidéo fascinante, qui résume pour la première fois le mouvement ininterrompu de ces plaques géantes au cours du dernier milliard d’années.
La lithosphère terrestre se divise en quatorze plaques majeures, qui sont délimitées par des failles, des dorsales, des rifts et/ou des fosses océaniques. Ces plaques bougent en permanence et leurs déplacements peuvent affecter le climat, les marées, les migrations et l’évolution des animaux, ou encore l’activité volcanique.
Des scientifiques sont parvenus à établir l’un des modèles les plus complets de ces mouvements tectoniques, en condensant le dernier milliard d’années en une vidéo de 40 secondes. Une incroyable séquence qui nous permet de réaliser à quel point les continents tels qu’ils nous apparaissent aujourd’hui ont voyagé à travers le globe.
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Quand l’Antarctique se trouvait à l’équateur
À l’échelle humaine, les mouvements des plaques tectoniques, qui se déplacent de quelques centimètres par an, sont évidemment imperceptibles. De ce fait, il est surprenant de constater grâce à cette vidéo que les continents n’ont pas toujours été à la position qu’ils occupent aujourd’hui. « Un endroit comme l’Antarctique, que nous considérons aujourd’hui comme un endroit froid et glacé, inhospitalier, était autrefois une assez belle destination de vacances à l’équateur », constate avec humour Michael Tetley, géoscientifique à l’Université de Sydney, qui a participé à l’élaboration de la vidéo.
Force est de constater que les plaques lithosphériques « ont vu du pays ». Certaines plaques, voisines pendant un temps, s’éloignent l’une de l’autre au fil des années, jusqu’à se retrouver à des positions complètement opposées, et vice versa. « Une danse fascinante est révélée. Les océans s’ouvrent et se ferment, les continents se dispersent et se recombinent périodiquement pour former d’immenses supercontinents », décrit Sabin Zahirovic, qui a également participé au projet. En outre, on peut constater dans cette vidéo que les continents ne se sont finalement installés que très récemment aux latitudes que nous leur connaissons. Ce « schéma » a commencé à apparaître il y a 30 à 40 millions d’années environ.
Zahirovic souligne que cette activité tectonique est unique à l’échelle de la galaxie : « La planète Terre est incroyablement dynamique, avec une surface composée de plaques qui se bousculent constamment, d’une manière unique parmi les planètes rocheuses connues », dit-il. Les recherches qui ont permis de réaliser cette vidéo ont fait l’objet d’un article dans la revue Earth-Science Reviews. Des géoscientifiques du monde entier ont collecté et publié des données, souvent issues de régions inaccessibles et éloignées, sur lesquelles le Dr Andrew Merdith — auteur principal de l’étude et créateur de la vidéo — et ses collaborateurs se sont appuyés au cours des quatre dernières années pour produire ce modèle complet de tectonique.
Le mouvement des plaques a été estimé grâce à l’étude des enregistrements géologiques : le paléomagnétisme fournit des données sur les positions historiques des substrats par rapport à l’axe de rotation de la Terre et différents types de matériaux sont emprisonnés dans la roche. Tous ces éléments pris ensemble ont permis de faire correspondre les pièces de ce puzzle géant. Pour élaborer son modèle, l’équipe s’est intéressée tant aux mouvements des continents qu’aux interactions qui ont lieu au niveau des frontières délimitant les plaques.
Prédire la localisation des ressources métalliques
Évidemment, plus on remonte dans le temps, plus il devient difficile d’estimer les mouvements des plaques terrestres. Les époques du Néoprotézoïque (dernière ère du Protérozoïque) et du Cambrien (première période du Paléozoïque), qui s’étendent d’il y a 1000 à 520 millions d’années environ, sont donc celles qui ont nécessité davantage de travail ; elles ont été soigneusement cartographiées de manière à correspondre aux enregistrements les plus modernes dont disposaient les scientifiques.
Des questions demeurent sur la manière dont ces plaques se sont formées et sur la date à laquelle elles sont apparues, mais chaque nouvelle donnée contribue à mieux comprendre l’histoire ancienne de la Terre. L’équipe reconnaît que ces recherches manquent de granularité, car elles considèrent la planète dans son ensemble, sur un milliard d’années. Ils estiment néanmoins que leur travail constitue une base solide pour toute étude future des mouvements tectoniques et de leur impact sur le climat et l’évolution des espèces.
Il permettra notamment aux scientifiques de mieux comprendre le phénomène de convection mantellique (dont les mouvements des plaques sont l’expression en surface), les mélanges chimiques qui s’effectuent dans le manteau, les pertes de chaleur par diffusion dans les fonds marins et le volcanisme. Le modèle apportera en outre de nouveaux indices sur la façon dont le climat a changé, dont les courants océaniques se sont modifiés et dont les nutriments se sont échappés des profondeurs de la Terre pour stimuler l’évolution biologique.
En d’autres termes, ce nouveau modèle permettra d’expliquer comme notre planète est devenue habitable pour une forme de vie complexe. « Notre planète est unique en ce qu’elle héberge la vie. Mais cela n’est possible que parce que les processus géologiques, comme la tectonique des plaques, fournissent un système de survie planétaire », conclut Dietmar Müller, co-auteur de l’étude.
Ainsi, comprendre ces mouvements et établir de tels modèles est indispensable pour prédire à quel point notre planète sera habitable à l’avenir et où se trouveront les ressources métalliques dont nous avons besoin pour assurer un avenir énergétique propre. Le développement des technologies renouvelables et à faible émission de carbone nécessitera en effet de trouver davantage de cuivre et d’autres ressources. Ce nouveau modèle de tectonique des plaques aidera à localiser les gisements et donc, à réduire l’empreinte environnementale de l’exploration et de l’extraction minière.