Un modèle théorique concernant les trous noirs a été contredit en laboratoire. Nous le savons, les trous noirs sont des objets cosmiques des plus mystérieux de l’Univers, et de nouvelles recherches suggèrent que nous en savons encore moins les concernant que ce que nous pensions.
Une hypothèse qui existe depuis longtemps et qui concerne la physique à l’œuvre dans l’espace entourant les trous noirs, a finalement été invalidée suite à une expérience menée en laboratoire durant 5 ans. Cette découverte pourrait discréditer des décennies de théories scientifiques.
Il ne faut pas oublier qu’étudier les trous noirs est très, très compliqué. Ils sont invisibles (du moins il ne sont pas directement, mais par le biais de leur disque d’accrétion), étant donné qu’ils aspirent tout ce qui se trouve dans leur voisinage, y compris la lumière visible, ainsi que d’autres formes de rayonnement, comme les rayons X. C’est pourquoi nous ne pouvons pas les voir.
Mais ce n’est pas parce qu’ils sont invisibles à nos yeux que nous ne pouvons pas affirmer leur existence. « Bien entendu, les émissions provenant directement des trous noirs ne peuvent pas être observées », explique le physicien Guillaume Loisel, du Sandia National Laboratories à Albuquerque (USA). « Nous voyons des émissions provenant de la matière environnante juste avant qu’elle ne soit consommée par le trou noir. Cette matière environnante prend alors la forme d’un disque, qui s’appelle le disque d’accrétion », ajoute-t-il.
En effet, lorsque la matière est happée par le disque d’accrétion situé autour du trou noir, elle est chauffée de manière intense et produit une lueur brillante, qui peut alors être vue par nos instruments, qui détectent les rayons X. C’est grâce à ce genre de technique que les scientifiques ont pu découvrir et détecter des éléments tels que la matière qui ondule autour des trous noirs, de mesurer les flux de gaz qui en découlent et d’enregistrer les événements de perturbation des marées (où les trous noirs déchirent littéralement des étoiles entières).
Mais, il pourrait y avoir un problème avec un aspect de la théorie concernant les trous noirs et les émissions de leurs disques d’accrétion, qui pourrait bien avoir un impact sur de nombreuses recherches menées au cours des deux dernières décennies. « Le fait est que les plasmas qui émettent les rayons X sont exotiques », explique un membre de l’équipe, Jim Bailey. « Et les modèles utilisés pour interpréter leurs spectres n’ont jamais été testés en laboratoire jusqu’à présent », explique-t-il.
Pour recréer précisément les conditions physiques se trouvant autour d’un trou noir, les chercheurs ont utilisé la Z machine : le générateur de rayons X le plus puissant de la planète. Le but des chercheurs était de tester la notion selon laquelle, sous l’immense gravité et le rayonnement intense du trou noir, les électrons de fer hautement énergétiques n’émettent pas de la lumière sous forme de photons : il s’agit de l’hypothèse dite de la « destruction d’Auger résonnante ».
Cette hypothèse a été un élément essentiel de la physique théorique concernant les trous noirs durant une vingtaine d’années, mais lors d’une expérience massive effectuée sur une durée de cinq ans au Sandia National Laboratories, l’équipe de chercheurs a constaté que cet événement ne s’est pas produit lorsqu’ils ont appliqué des rayons X intenses à un film de silicium.
Selon les chercheurs, le silicium ressent l’effet Auger (qui consiste en l’émission par des atomes de ce qu’on appelle des électrons Auger) plus fréquemment que le fer, de sorte que les tests devraient avoir démontré le phénomène, si l’hypothèse était vraie. « Si la destruction d’Auger résonnante est un véritable facteur, cela aurait dû se produire dans notre expérience parce que nous avions les mêmes conditions, la même densité et la même température », explique Loisel. « Nos résultats montrent que si les photons ne sont pas présents, les ions ne doivent pas non plus être là », continue-t-il.
Le résultat final peut représenter une victoire démontrant la fantastique capacité de la machine Z dans l’imitation des trous noirs, mais il en va autrement concernant notre compréhension de ces objets cosmiques, car cela signifie que certaines recherches sur l’astrophysique effectuées au cours des deux dernières décennies pourraient ne pas être totalement correctes. Les chercheurs ne sont pas encore certains de ce qui explique la manière dont nous détectons les émissions des disques d’accrétion des trous noirs.
À présent, et avec le travail de laboratoire effectué, la résolution de ce véritable mystère retombe sur d’autres modèles théoriques. « Notre recherche suggère qu’il faudra retravailler de nombreux articles scientifiques publiés au cours des 20 dernières années. Nous sommes optimistes et pensons que les astrophysiciens concernés mettront en œuvre les changements qui se révèlent nécessaires », a expliqué Loisel.