Un vaccin contre le cancer du pancréas bientôt disponible ? Les résultats des essais de phase I sont encourageants

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Le cancer du pancréas est l’un des plus redoutables qui soient, notamment en raison de l’apparition tardive de ses symptômes, limitant les options thérapeutiques. Même lorsque l’ablation tumorale est possible, le risque de récidive demeure élevé. Cependant, une étude récente menée par des chercheurs américains ouvre une piste prometteuse : un vaccin à ARNm ciblant des néoantigènes, induisant une réponse immunitaire durable et offrant une protection prolongée contre la récidive de cette maladie agressive.

Le système immunitaire dispose en principe de mécanismes permettant de reconnaître et d’éliminer les cellules cancéreuses. Celles-ci modifient leurs marqueurs membranaires, ce qui les rend identifiables par les lymphocytes T, chargés de leur destruction. Toutefois, certaines tumeurs développent des protéines de surface qui leur permettent d’échapper à cette détection, neutralisant ainsi la réponse immunitaire.

Pour contourner cet obstacle, l’immunothérapie constitue l’une des options les plus prometteuses. Cette approche vise à lever les mécanismes d’invisibilité des cellules tumorales afin que les défenses naturelles puissent les reconnaître et les attaquer. Mais dans le cas de l’adénocarcinome canalaire pancréatique (PDAC), forme la plus fréquente du cancer du pancréas (responsable de 90 % des cas), les résultats restent décevants.

Avec un taux de survie à cinq ans d’à peine 10 %, le PDAC est particulièrement agressif : il se propage rapidement aux ganglions lymphatiques et aux organes voisins, rendant les récidives fréquentes, même après une intervention chirurgicale. Cette résistance aux traitements classiques s’explique en partie par sa faible charge mutationnelle, qui génère peu de néoantigènes – ces protéines spécifiques alertant normalement le système immunitaire.

Une nouvelle approche vaccinale

Depuis toujours, les chercheurs du Memorial Sloan Kettering Cancer Center, à New York, tentent de limiter les rechutes du cancer du pancréas. Récemment, ils ont mené une étude visant à évaluer l’efficacité d’une approche combinant chirurgie, immunothérapie et un vaccin personnalisé à ARNm. Leur objectif : stimuler une réponse immunitaire suffisamment robuste pour améliorer le taux de survie des patients.

« L’un des défis fondamentaux des vaccins contre le cancer est de générer des lymphocytes T fonctionnels à longue durée de vie spécifiques des antigènes tumoraux », expliquent les chercheurs, dirigés par Zachary Sethna, dans leur étude — publiée dans Nature. « Nous avons découvert que les vaccins à ARNm-lipoplex contre les néoantigènes dérivés de mutations somatiques pourraient relever ce défi dans le cas du PDAC, un cancer mortel présentant peu de mutations », précisent-ils.

Dans le cadre d’un essai clinique de phase I, des patients atteints de PDAC résécable – c’est-à-dire dont la tumeur pouvait être retirée chirurgicalement – ont été sélectionnés. Des échantillons tumoraux ont été envoyés au laboratoire allemand BioNTech afin d’analyser les marqueurs génétiques des protéines présentes. À partir de ces données, un vaccin personnalisé à ARN messager (ARNm) a été conçu pour chaque patient.

En attendant la finalisation du vaccin, les participants ont reçu une dose d’atezolizumab, un inhibiteur de PD-L1. Neuf semaines après la chirurgie, ils ont reçu leur vaccin personnalisé, l’autogène cevumeran, conçu pour coder jusqu’à 20 néoantigènes spécifiques à chaque individu, suivi d’une chimiothérapie (mFOLFIRINOX) destinée à limiter le risque de récidive. Les chercheurs ont ensuite suivi les patients pendant une période médiane de 3,2 ans après le traitement.

Sur les seize patients inclus dans l’étude, huit ont présenté une forte réponse immunitaire, caractérisée par une activation significative des lymphocytes T cytotoxiques (CD8+), dirigés contre les néoantigènes ciblés par le vaccin. Ces patients, qualifiés de « répondeurs », ont montré une durée de survie sans récidive nettement plus longue que les non-répondeurs, dont la médiane de survie sans progression était d’environ 13 mois.

Une immunité prolongée

Les résultats de l’essai ont mis en évidence une expansion rapide et soutenue des cellules T CD8+ activées par le vaccin. Grâce à CloneTrack, un outil de suivi par séquençage, les chercheurs ont identifié 79 clones de cellules T CD8+ spécifiques au vaccin chez les patients répondeurs. Ces clones ont proliféré jusqu’à 100 fois après six doses ou moins. Leur durée de vie moyenne est estimée à environ 7 ans et demi, et 20 % d’entre eux pourraient persister plusieurs décennies.

Les scientifiques ont également observé que ces cellules T activées évoluaient vers un état de cellules mémoires résidentes dans les tissus (TRM), leur conférant une capacité cytotoxique prolongée. Elles ont conservé leur aptitude à réagir à une stimulation ultérieure jusqu’à trois ans et demi après la vaccination.

Ces résultats suggèrent que le vaccin à ARNm pourrait considérablement améliorer le traitement du PDAC en instaurant une immunité durable. Toutefois, certains cas de récidive ont mis en évidence un phénomène d’échappement clonal, où certaines cellules tumorales échappent tout de même à la réponse immunitaire. Ce constat souligne la nécessité d’élaborer des stratégies combinées, afin d’optimiser la couverture immunitaire et de prévenir l’apparition de résistances.

Vers un essai clinique de phase II

Bien que prometteurs, ces résultats proviennent d’un essai de phase I, dont l’objectif principal était d’évaluer la sécurité et la faisabilité du vaccin. Des essais de plus grande envergure seront nécessaires pour confirmer son efficacité sur un échantillon élargi de patients et affiner la stratégie vaccinale. Si les recherches se poursuivent avec succès, cette approche pourrait profondément modifier la prise en charge du cancer du pancréas et potentiellement celle d’autres cancers résistants aux traitements actuels.

Source : Nature

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