Les civilisations précolombiennes sont reconnues pour leur génie architectural ainsi que pour l’impressionnant éventail de connaissances scientifiques et techniques qu’elles ont développé au fil des siècles. Le peuple Purépecha ne fait pas exception à la règle. Une équipe d’archéologues estime en effet qu’une de leurs villes, Angamuco, comptait environ 40 000 bâtiments de tous types, soit autant que l’île de Manhattan actuellement.
La cité précolombienne d’Angamuco, construite au Xème siècle sur une ancienne coulée de lave datant de plusieurs milliers d’années, repose aujourd’hui dans l’ouest du Mexique, plus précisément dans l’état du Michoacán. Bien que connue depuis longtemps des archéologues, cette cité des Purépecha a toujours été difficile à explorer, compte-tenu de l’épaisse forêt l’entourant et du relief accidenté sur lequel elle siège.
Cependant, une équipe d’archéologues dirigée par Chris Fisher (du Colorado State University) a utilisé la télédétection par laser, encore appelée LIDAR, pour cartographier progressivement la zone depuis 2009. Les scientifiques ont ainsi découvert que la ville possédait environ 40 000 bâtiments répartis sur 26 km², soit autant de bâtiments que Manhattan qui, elle, s’étend sur 59 km². La densité de constructions est donc plus de 2 fois plus élevée que celle de Manhattan. La technologie LIDAR a permis de révéler que la capitale s’étendait sur un total de 35 km² et comprenait plus de 7 000 caractéristiques architecturales notables.
Interrogé, Fisher explique que « c’est une zone énorme avec
énormément de gens et de fondations architecturales qui sont
représentés.
Après des calculs, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait
près de 40 000 bâtiments, ce qui représente [environ] le même
nombre de bâtiments que sur l’île de Manhattan ». Au plus fort
de son activité, c’est-à-dire entre 1000 et 1350 ap. J.-C.,
Angamuco comptait probablement 100 000 habitants, faisant d’elle la
plus grande cité de l’ouest du Mexique à cette époque. Plus grande
encore que Tzintzuntzan, la capitale impériale des Purépecha, même
si certainement moins densément peuplée.
Les chercheurs ont également remarqué d’étranges caractéristiques. Les temples et les places ouvertes sont localisés à huit emplacements autour des frontières de la cité, plutôt qu’en son centre, comme c’est classiquement l’usage précolombien. En outre, ils ont également découverts des pyramides, des routes, des jardins et des parcs, des terrains de jeu ainsi que des cimetières. Ces derniers se sont d’ailleurs révélés très intéressants pour la compréhension des rites funéraires des Purépecha.
D’autres objets déterrés ont montré, par radiodatation au carbone, que la cité avait dû être construite aux alentours de 900 ap. J.-C. et qu’elle avait traversé deux périodes de croissance ainsi qu’une période de régression, avant l’arrivée des européens au 15ème siècle.
Ce n’est pas la première fois que la technologie LIDAR livre de précieuses informations sur les cités enfouies. Au début du mois, des chercheurs travaillant en collaboration avec la PACUNAM Foundation avait déjà révélé l’existence d’une mégalopole au cœur des jungles du Guatemala. La technologie a également permis d’identifier d’anciennes cités médiévales dans les jungles du Cambodge, et Fisher s’en étant précédemment servi pour mettre au jour plusieurs villes cachées dans les forêts pluvieuses du Honduras. LIDAR permet en effet de traverser l’eau et les feuillages, permettant de reconstituer des images 3D des structures cachées.
Fisher explique que « partout où vous pointez LIDAR, vous trouvez de nouvelles choses et cela s’explique par notre très faible connaissance de l’univers architectural des Amériques. Actuellement, tous les livres d’Histoire doivent être réécrits et, d’ici deux ans, ils devront l’être encore. Nombre de régions des Amériques que nous voyons aujourd’hui et que nous classifions comme des forêts tropicales immaculées sont en réalité des jardins abandonnés ».